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No. 83.

29. August

No. 83.

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SCHWEIZ. Der Bundesrath an den Staatsrath von Genf. Die französische
Reclamation wegen der Vorfälle in Ville-la-Grand betr.

Fidèles et chers confédérés,

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Berne, le 29 août 1861.

Le chargé d'affaires de France vient Schweiz. de remettre à notre président, et nous nous empressons de vous envoyer, 1861. sous ce pli, la copie d'une dépêche que lui a adressée, le 26 courant, le ministre impérial des affaires étrangères au sujet des faits qui se sont passés, le 18 de ce mois, à Ville-la-Grand. Nous joignons à cette copie toutes les pièces qui y étaient annexées, et nous vous invitons, fidèles et chers confédérés, à bien vouloir nous faire, le plus tôt et le plus exactement possible, votre rapport à ce sujet, en présentant les observations que la lecture de ces documents vous aura suggérées. ¶ Dans cette attente, nous saisissons, etc.

Au Conseil d'Etat du Canton
de Genève.

Au nom du Conseil fédéral:

Le président de la Confédération, J. M. Knusel.
Le chancelier de la Confédération, Schiess.

Nr. 84.

No. 84.

4. Septbr.

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SCHWEIZ. Der Staatsrath von Genf an den Bundesrath. Die französische
Reclamation wegen der Vorfälle in Ville-la-Grand betr.

Genève, 4 septembre 1861.

Nous vous accusons réception de vos deux lettres des 26 et 29 août Schweiz, 1861, relatives aux faits qui ont eu lieu sur notre frontière, du côté de 1861. Ville-la-Grand, dans la nuit du 18 au 19 août 1861. ¶ La dernière de ces lettres était accompagnée de sept pièces que nous vous retournons avec les présentes, ainsi que vous nous avez prié de le faire. ¶ Ces sept pièces comprennent: 1o deux lettres en date du 21 août 1861, l'une de M. le préfet de Haute-Savoie, l'autre de M. le procureur impérial de Chambéry; 2o un plan; 3o une note du ministre des affaires étrangères de France à l'ambassade de France à Berne. Dans cette note, M. le ministre des affaires étrangères pose en fait: 1o Que des gendarmes et gardes champêtres suisses ont eu la prétention d'imposer une taxe sur un jeu public établi sur le territoire français; 20 Que le sieur Longet, qui n'avait eu d'autre tort que de signaler cette flagrante violation, à été frappé violemment par un garde champêtre sur territoire suisse et indûment arrêté, ainsi que son père, à raison de faits qui se seraient passés sur territoire français; 3o Que la foule ameutée qui a lancé des pierres et des cailloux, tant contre l'auberge Chauffat que contre les employés fédéraux et genevois, a été repoussée par les gendarmes suisses et poursuivie par eux sur territoire français; que, sans pouvoir invoquer la nécessité de faire usage de leurs armes, et, dans tous les cas, sans sommation préalable, les gendarmes suisses ont tiré sur des gens dépourvus des moyens de se défendre. ¶ M. le ministre des affaires étrangères, en demandant satisfaction à la Suisse, estime que la cause première de ce déplorable incident doit être attribuée à une pré

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tention abusive des agents suisses, qui constituait une violation du terri- No. 84. toire français et une atteinte aux droits de souveraineté de la France; les Schweiz, faits qui ont suivi n'ayant été, suivant lui, que la conséquence de ce premier fait. Nous ne pouvons, chers et fidèles confédérés, reconnaître en rien le bien fondé de la note dont nous venons de rappeler la substance et les points essentiels. ¶ L'enquête que dirige à ce sujet notre autorité judiciaire n'est point encore terminée, quoique poursuivie avec activité. ¶ Un incident grave, absolument contraire au mode de vivre établi jusqu'à ce jour avec l'autorité judiciaire de Savoie, vient de se produire dans cette procédure. ¶Notre juge d'instruction, désireux d'éclaircir de près et impartialement les faits qui se sont passés à Carra, avait prié, conformément à l'usage, M. le juge d'instruction de Saint-Julien de faire citer quelques témoins domiciliés en Savoie; M. le juge d'instruction a refusé de le faire; nous vous transmettons à ce sujet copie d'une lettre datée de Saint-Julien, 30 août 1861, à M. le conseiller d'Etat chargé du département de justice et police. ¶ Nous avons lieu d'espérer que ce refus inattendu, et contraire à un usage constant, attirera tout spécialement votre attention et sera signalé à qui de droit par le haut Conseil fédéral; un précédent pareil, s'il passait inaperçu, bouleverserait tous nos rapports judiciaires avec la Savoie. ¶ Quoi qu'il en soit, et suivant votre désir, nous venons vous communiquer, au sujet des pièces soumises par l'ambassade française, quelques observations, en vous faisant remarquer, avant tout, que notre lettre détaillée du 24 août 1861*) fournit déjà les principaux renseignements nécessaires pour répondre à la note de M. le ministre des affaires étrangères de France; nous nous référons donc expressément à notre lettre du 24 août 1861 et à son contenu; nous y joignons toutefois, en insistant sur quelques points essentiels, les observations suivantes: La scène que M. l'ambassadeur de France considère comme la cause première et unique de ce regrettable incident, est, à notre avis, indépendante de la scène extrèmement grave qui s'est produite plus tard sur notre territoire, près de l'auberge Chauffat; la seconde n'est point la conséquence directe et nécessaire de la première; ces deux scènes ont été séparées par un espace de temps assez considérable (une demi-heure environ), et ce n'est point à raison des injures et des grossièretés que le sieur Longet fils a proférées sur le territoire savoisien, près de l'auberge Barbot, qu'il a été arrêté, mais bien à raison d'injures et de grossièretés proférées par lui dans l'auberge Chauffat, et sur territoire suisse, injures et grossièretés accompagnées de violences, et dirigées, nous le répétons à dessein, sur notre terri toire, contre les agents de l'autorité genevoise. ¶ Quant à la première scène, celle qui a eu lieu près de l'auberge Barbot, et sur laquelle on insiste beau coup, il y a lieu de s'y arrêter quelques instants; et d'abord, nous déclarous que jamais nos agents n'ont élevé la prétention de prélever un droit ou une taxe à raison d'un jeu établi sur territoire savoisien; s'il avaient eu une prétention pareille, ils auraient été formellement désapprouvés par l'autorité genevoise et punis sévèrement; mais cette prétention, que l'on met en avant

*) No. 81.

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No. 84. pour pallier et atténuer la violation du territoire suisse et des voies de fait Schweiz, graves et contraires au droit des gens, cette prétention, disons-nous, est absolument imaginaire et n'a jamais existé. ¶ Nous vous rappelons ici brièvement les faits tels qu'ils se sont passés. ¶ Quelques industriels qui se trouvaient à Ville-la-Grand (Savoie), et qui avaient été tolérés par la gendarmerie française, furent repoussés par elle, dans l'après-midi, sur territoire genevois; au nombre de ces industriels se trouvait une dame Dacati, Française, qui avait une certaine quantité de marchandises, notamment de la porcelaine, et un jeu dit virolet ou tournant de porcelaine. ¶ Les gendarmes français, aussi bien que l'autorité genevoise, estimèrent que cette dame, en se dirigeant du côté suisse, s'était placée sur territoire genevois; elle paya, suivant l'usage, sans aucune difficulté de sa part, pour elle et son mari, une redevance d'un franc, comme droit communal d'inscription, à un des gardes champêtres de Presinges; si cette redevance avait été indûment perçue, l'autorité française, qui était présente encore, et qui a eu, le 18 août dernier, des rapports bienveillants avec l'autorité genevoise, aurait certainement fait quelques observations; elle n'en a fait aucune, les autorités des deux pays ont été pleinement d'accord à ce moment là. En fait, les mariés Dacati et toutes leurs marchandises étaient, sans aucun doute quelconque, sur territoire suisse, et leur étalage et leur jeu étaient en totalité ou, en tout cas, en partie au moins sur Suisse. ¶ M. le préfet de la Haute-Savoie déclare que le jeu était établi sur la route impériale; évidemment, la police française n'aurait pas permis que ce jeu fût établi sur une route qui n'est pas très large, et surtout un jour de vogue, où il y avait, près de l'auberge Barbot, foule et encombrement; énoncer une pareille assertion c'est la réfuter. ¶ M. le procureur impérial de Chambéry affirme que les maîtres du jeu ont résisté aux gardes champêtres qui exigeaient une taxe; ils ont, suivant lui, décliné la légalité de la perception et opposé l'incompétence des gardes champêtres pour exercer leur autorité sur le territoire français; tout ceci est purement imaginaire: jamais les gardes champêtres de Presinges n'ont eu l'idée de prélever un droit sur le territoire français, jamais non plus la personne à qui ce jeu et ces marchandises appartenaient n'a tenu les propos qu'on lui attribue; bien au contraire, elle n'a jamais fait la moindre difficulté. Entendue comme témoin, et sous la foi du serment, par notre juge d'instruction, cette dame a déclaré que, „ dans l'après midi du 18 août 1861, elle avait transporté son étalage sur le territoire suisse, près de chez le cabaretier Barbot, et qu'elle estimait être sur la Suisse." Cette dame est Française, sa déposition contredit donc absolument les allégations de M. le procureur impérial de Chambéry et de M. le consul de France à Genève; cette dame n'a pas décliné la légalité de la perception, elle n'a pas opposé l'incompétence des gardes champêtres; elle a payé, sans aucune difficulté quelconque, une taxe d'un franc, pour elle et son mari, afin d'avoir le droit de déposer sa porcelaine et ses autres marchandises sur le territoire suisse, et au besoin d'y stationner avec son étalage soit son jeu de virolet ou tournant de porcelaine; en outre, la dame Dacati a declaré positivement à M. le maire de Presinges que, sans même en avoir été sollicitée par les gardes champêtres

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de Presinges, elle était venue d'elle-même se conformer, suivant l'usage, au No 84. paiement d'une faible redevance d'un franc. A quoi donc se réduit cette Schweiz, première scène? Uniquement à quelques injures grossières et à quelques propos malséants proférés par des jeunes gens ivres contre les gardes champêtres suisses; ces jeunes gens, qui passaient sur la route, prétendaient que la taxe était prélevée sur France; nous allons les corriger, dirent-ils en parlant des gardes champêtres, c'est ce que déclare positivement la dame Dacati, Française. ¶ Ces jeunes gens se mêlaient donc d'une chose qui ne les concernait en rien; ils soulevaient une difficulté que ne soulevait ni la personne intéressée, ni la gendarmerie française, qui était encore présente; d'un autre côté ce propos: Nous allons les corriger, contenait une menace qui prouve suffisamment de quel esprit ils étaient animés. ¶ Comme aucune réponse ne fut faite à leurs injures, ils s'éloignèrent, et cette première scène se trouva terminée ainsi. ¶ Sur cette première scène, M. le ministre des affaires étrangères de France a donc été complètement induit en erreur, et il n'est pas douteux, que, s'il avait été sérieusement question d'une violation du territoire savoisien, d'un prétention abusive des gardes champêtres suisses, d'une prétention qui aurait empiété sur la souveraineté française, la gendarmerie qui était présente aurait protesté; si cette scène avait eu la moindre gravité, cette gendarmerie serait restée à son poste et elle aurait continué à faire la police sur son territoire; elle n'aurait pas été absente lorsqu'a eu lieu la seconde scène, près de l'auberge Chauffat, scène infiniment plus grave et plus prolongée que la précédente, scène tumultueuse qui a duré plusieurs heures sans que la gendarmerie française, qui s'était retirée à Annemasse, commune voisine de Ville-la-Grand, ait paru pour l'empêcher ou la réprimer.

Nous vous avons raconté, dans notre lettre du 24 août 1861, comment le sieur Longet fils a été arrêté dans l'auberge Chauffat, sur territoire suisse; cette arrestation a eu lieu à raison d'injures et de grossièretés proférées sur notre territoire à l'adresse des agents genevois, du canton de Genève et de la Suisse lorsqu'on voulut arrêter Longet fils, il fit, ainsi que son père, qui vint à son aide, rébellion contre l'autorité genevoise; comme il se débattait et comme il était ivre, il tomba sur l'escalier en pierre et se blessa à la tête. Il n'a pas eu d'autre blessure que celle-là; s'il avait eu un coup de canne plombée, il aurait eu au moins deux blessures; au surplus, aucun des agents qui se trouvaient là n'avaient de canne plombée; cette histoire de canne plombée provient probablement du fait qu'un de nos employés était allé, comme particulier, à la vogue de Ville-la-Grand, et qu'il avait, en effet, une canne plombée qu'ont maniée plusieurs jeunes gens de cette localité; mais cet agent avait quitté Ville-la-Grand longtemps avant l'attaque de l'auberge Chauffat, et il ne se trouvait point au nombre des hommes envoyés à Carra par l'autorité genevoise; cette erreur explique les contradictions dans lesquelles on tombe à ce sujet : les pièces communiquées par l'ambassade de France accusent le garde général Roch d'avoir porté un coup de canne plombée, ce qui n'est point, et le sieur Longet père accuse également du même fait le garde champêtre Mossu; d'un autre côté, tous les témoins qui ont pu voir d'un peu près cette arrestation opérée de nuit

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No. 84. (il était près de dix heures du soir), n'ont nullement vu faire usage d'une Schweiz, canne plombée, et certifient que Longet fils s'est blessé en tombant sur l'escalier. Nous avons insisté sur ce point, comme sur la première scène, atin de bien prouver que les prétextes mis en avant pour justifier l'aggression brutale et violente de notre territoire sont sans aucune valeur. ¶ Dès le dimanche (18 août 1861), à 10 heures du soir, une foule ameutée a cerné la maison Chauffat: cette foule se tenait partie sur territoire français, partie à côté de la vigne et dans le jeu de boules du sieur Chauffat, vigne et jeu de boules qui sont situés, ainsi que la maison Chauffat, sur territoire suisse. Les pierres et les cailloux étaient lancés des deux côtés de la maison, principalement, toutefois, du côté de la Savoie. Les portes et les volets de la maison Chauffat ont été gravement endommagés. D'après le dire du sieur Chauffat, chez lequel se sont transportés, samedi dernier, 31 août, le président et deux membres du conseil d'Etat, il y a eu sur le toit 292 tuiles brisées. Cela vous indique la violence de l'agression; la plupart des cailloux, extrêmement gros, étaient lancés contre les portes et les volets de la maison. Il y a là une violation brutale de notre territoire, absolument contraire au droit des gens, et à raison de laquelle vous demanderez, nous n'en doutons pas, les satisfactions nécessaires. ¶ Comme nous vous l'avons déjà dit, un jeune homme de Ville-la-Grand, qui servait dans l'auberge Chauffat, fut envoyé, mais inutilement, à trois reprises différentes, à Ville-la-Grand, pour prier l'autorité locale d'intervenir. ¶ La gendarmerie française, qui s'était retirée à Annemasse, n'intervint pas davantage. ¶ Trois gardes frontières suisses, qui se dirigeaient du côté de l'auberge Chauffat d'une manière inoffensive, furent grossièrement insultés, assaillis à coups de pierres et blessés. ¶ Quand arrivèrent deux gendarmes à cheval venant de Jussy, où s'était rendu le garde champêtre Sanglerat, nouvelles grossièretés et nouvelles insultes. Cette scène violente durait, à ce moment-la, depuis plus de deux heures. Ces deux gendarmes à cheval, qui se trouvaient sur le territoire suisse, furent assaillis par une grèle de pierres. Tous deux furrent blessés, leurs chevaux furent blessés aussi; il résulte du rapport dressé le 20 août 1861, par notre véterinaire cantonal, que l'un des chevaux porte, sur plusieurs parties du corps, des blessures, excoriations et plaies contuses provenant de coups extérieurs, et qu'il ne pourrait reprendre son service avant dix-huit à vingt jours. Ces deux gendarmes à cheval n'ont point repoussé la foule ameutée, ils ne l'ont point poursuivie sur territoire français; ils se sont retirés derrière l'auberge Chauffat et, de là, ils ont été chercher du renfort à Chêne et à Genève. Ils n'ont pas donné l'ordre de faire feu. Plusieurs sommations furent faites, de la maison Chauffat, aux assaillants d'avoir à se retirer, sans quoi il serait fait feu contre eux. La foule ameutée ne tint pas compte de ces sommations, dont l'existence est affirmé non-seulement par les agents de l'autorité genevoise et par les gardes frontières fédéraux, mais encore par plusieurs autres témoins étrangers à l'autorité genevoise, et dont une partie se trouvait dans la maison Chauffat, nommément par la femme Huissoud, qui servait dans l'auberge, par le frère du sieur Chauffat et par les sieurs Barbot, dont l'un est le chef de l'auberge

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