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distingue par l'état florissant de la jurisprudence, que ces empereurs favorisaient avec une grande prédilection.

$27. Causes et caractère de l'empire dans les pre

miers siècles.

L'établissement du pouvoir permanent d'un seul était l'effet inévitable et nécessaire de la progression et de la force destructive des dissensions intestines. Il y avait toujours une partie du peuple qui ne jouissait pas des avantages de la classe la plus privilégiée. Les concessions de la loi Julia, qui donnait le droit de cité à toutes les villes d'Italie, avaient bien terminé une guerre civile, mais d'autres devaient la suivre. Il n'y avait pas seulement un élément de discorde entre le parti aristocratique des grands ou nobles, qui étaient les vrais partisans et les soutiens de la liberté républicaine, et les chefs ambitieux des masses qui visaient ou à une tyrannie momentanée, pour satisfaire leurs passions haineuses, ou à un pouvoir permanent; mais il y avait encore des dissensions au sein de chaque faction. La première lutte fut celle de Marius et de Sylla; le premier, guerrier de basse extraction, mais très-hardi, haïssait les patriciens et les nobles, et voulait briser leur puissance par la répartition de tous les habitans de l'Italie, socii, dans les trente-cinq tribus, où, par leur nombre, ils l'auraient emporté sur les anciens citoyens; tandis que le sénat voulait les retenir dans huit

tribus particulières, qui étaient impuissantes. L'ambition de Marius était démesurée, sa cruauté terrible, et égalée seulement par celle de Sylla, son heureux adversaire. On inventa alors l'horrible système des proscriptions, c'est-à-dire des assassinats des riches et de la confiscation de leurs biens : système imité en France en 1793. Cependant Sylla. après avoir satisfait à ses inimitiés personnelles, tâcha de consolider l'antique liberté romaine; mais, par la suite, il créa une puissance très-formidable, celle des soldats mercenaires, auxquels il distribua des biens considérables. Il fortifia le pouvoir du sénat et mourut en simple particulier. De son parti était Pompée, appelé le Grand, et qui en devint le chef après lui. Mais peu de temps s'était passé, lorsque le parti de Marius releva la tête, et se dévoua à l'un des plus grands capitaines de son temps, Jules César, qui, à la tête de l'armée et appuyé sur le peuple, devint maître de la république, après la défaite du parti du sénat et la mort de Pompée. Il allia la politique et la ruse à la valeur militaire, traita les grands avec une sage douceur, et avait probablement formé le plan de se faire couronner roi, lorsque le poignard de Brutus, termina brusquement sa carrière.

Ses amis et ses ennemis transigèrent après sa mort; et seulement pour un instant, l'ancienne liberté sembla devoir renaître; mais bientôt Antoine, l'un des anciens lieutenans de César, aspira à devenir son successeur. Le fils adoptif de ce dernier, Octave, âgé

seulement de vingt ans, s'attacha à faire échouer ses desseins. Alors s'engagea entre eux une lutte de race et de politique, qui manqua de perdre les deux compétiteurs; mais ils se réunirent, lorsqu'ils eurent reconnu leur danger commun, et formèrent avec l'insignifiant Lépide un triumvirat. Octave sut enfin se défaire de ses collègues, et l'an 729, après la bataille d'Actium, à l'âge de 33 ans, il parvint à se rendre seul maître de la république. Il gouverna en souverain pendant 43 ans, tout en conservant les formes républicaines. Ce long règne suffit pour accoutumer Rome, l'Italie, le sénat et les provinces à la monarchie, qui offrait plus de garantie que le régime libre avec ses guerres civiles 1. C'est par l'adresse qu'Auguste (ainsi nommé depuis 729) consolida son pouvoir, et par une politique bien calculée sur les besoins de l'époque et l'esprit de la nation. On ne peut pas refuser la gloire d'une haute sagesse à ses principaux actes.

Le pouvoir de l'empereur n'était pas considéré comme un pouvoir nouveau et régulier, qui devait déplacer la souveraineté. C'était une jouissance tem

Tacite nous le dit fort bien au commencement de ses Annales, I, 2. Militem donis, populum annona, cunctos dulcedine otii pellexit, insurgere paulatim, munia senatus, magistratuum,legum in se trahere, nullo adversante, cum ferocissimi per acies aut proscriptione cecidissent, ceteri nobilium, quanto quis servitio promptior, opibus et honoribus extollerentur, ac novis ex rebus aucti tuta et præsentia quam vetera et periculosa mallent. Neque provinciæ illum rerum statum abnuebant, suspecto senatus populique imperio ob certamina potentium et avaritiam magistratuum, invalido legum auxilio, quæ vi, ambitu, postremo pecunia turbabantur.

poraire, créée pour maintenir la constitution de la république c'était une dictature plus longue. L'empereur fut déclaré premier citoyen, princeps; on lui accordait divers pouvoirs qui appartenaient naguère exclusivement à des magistrats particuliers; cela n'eut lieu, dans le principe, que pour un temps limité d'abord pour cinq ans, ensuite pour dix, plus tard pour un temps indéfini. Mais l'idée d'une vraie monarchie héréditaire ne s'accrédita pas dans cette période, quoique l'on choisît ordinairement le nouveau princeps dans la famille de son prédécesseur. Les ordonnances de l'empereur, acta imperatoris 1, ne devenaient droit qu'après sa mort, et si le sénat les avait approuvées. Ce dernier corps était le dépositaire légal de la souveraineté, quoiqu'elle se trouvât de fait entre les mains d'un seul. L'empereur avait les pouvoirs du consul, des tribuns, le pouvoir proconsulaire sur les provinces, ceux du censeur et du pontifex maximus. La concentration de tous ces pouvoirs le rendait maître absolu des tribuns démagogues, qui ne l'inquiétaient pas; la censure le fit chef de la patrie, et, comme grand-pontife, il avait l'accès aux auguria, et leur direction. Comme consul, le sénat lui était soumis 2, et de cette manière, la puissance de l'empereur se retrouva partout, sans cependant renverser l'ancienne constitution républicaine.

1 In acta jurare, acta rescindere.

2 Le commandement militaire et le gouvernement des provinces mettaient toute la puissance entre ses mains.

S 28. Lex Regia, constitution politique de l'état pendant cette période.

Le pouvoir de l'empereur était sans aucun doute un nouvel élément dans la république romaine. Comme il paralysait tous les autres, son influence ne pouvait manquer de se faire sentir dans la jurisprudence, et la force obligatoire des ordres du princeps devait être fixée. Gaius nous dit qu'il n'y avait jamais eu de doute qu'ils n'eussent force de loi, et il en donne pour raison que le pouvoir impérial reposait lui-même sur la loi Constitutio principis est, quod imperator decreto, vel edicto, vel epistola constituit, nec unquam dubitatum est, quin id legis vicem obtineat, cum ipse imperator per legem imperium accipiat 1.

Déjà nous avions dans les Pandectes un passage semblable, mais plus expressif et tellement fort, qu'on l'a cru falsifié : Quod principi placuit, legis habet vigorem, utpote cum lege regia, quæ de imperio ejus lata est, populus ei et in eum omne suum imperium et potestatem conferat 2.

Il s'est élevé de grandes discussions parmi les interprètes et les historiens, sur la vérité de cette assertion : omne suum imperium. Ces termes ont été entendus en ce sens, que le peuple avait transféré à

16, Inst., I, 2. 2 Fr. 1. pr. D. I, 4.

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