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dérons en même temps les preuves frappantes de l'ordre qui se manifeste dans l'ensemble des dépôts qui composent l'écorce de notre globe, nous sommes obligés d'admettre que la formation même de ces dépôts a eu lieu successivement et dans un ordre déterminé et nous sommes invités en quelque sorte à remonter depuis les phénomènes connus de nos jours jusqu'à ceux qui ont précédé et amené l'état actuel.

On dira peut-être : est-il nécessaire de recourir à des interprétations forcées pour expliquer les découvertes de la science? A-t-elle assez tenu compte des effets que le déluge mosaïque a dû produire sur la configuration de notre globe? Il est vrai que la présence des coquilles et des débris organiques, trouvés au sommet des plus hautes montagnes et au milieu des roches, a pu pendant longtemps porter les observateurs à attribuer tous ces effets à l'influence de ce grand cataclysme; mais l'ensemble des observations que j'ai tâché de vous esquisser sur la composition des diverses couches et sur les débris des corps organisés qu'elles renferment ne permet plus de soutenir cette opinion. Qu'il me soit permis de vous rappeler à ce sujet les paroles du savant théologien que nous avons déjà cité : « Plusieurs de ces restes sont ensevelis dans des situations où l'action des eaux du déluge, si violente ou étendue qu'on voudra la supposer, n'a pu jamais se faire sentir. Car nous devons admettre que cette action s'est exercée à la surface de la terre et a laissé des signes d'un travail de trouble et de destruction; tandis que ces restes d'animaux se trouvent au-dessous des stratifications qui forment l'écorce extérieure de la terre, et ses couches reposent sur eux avec tous les symptômes d'un dépôt graduel et tranquille. Ensuite, si nous considérons les deux observations sur la même ligne et si nous supposons que le tout ait été déposé par le déluge, alors nous devrions trouver tout dans une confusion complète, tandis

qu'au contraire nous trouvons que la couche la plus basse, par exemple, présente une classe particulière de fossiles; puis, ceux qui sont superposés sont encore assez uniformes, quoique dans plusieurs cas ils diffèrent des dépôts inférieurs, et ainsi en avançant vers la surface. Cette symétrie dans le mode de déposition pour chaque couche, tandis qu'elle diffère de la précédente, suppose une succession d'actions exercées sur divers matériaux et point une catastrophe convulsive et violente. Mais cette conclusion paraît devoir être mise hors de doute par la découverte encore plus inattendue, que, tandis que, dans les couches de terre meuble ou partout où le déluge est supposé avoir laissé des traces, nous trouvons des ossements d'animaux appartenant à des genres encore existants, parmi les fossiles plus profondément ensevelis rien de semblable ne se découvre. Au contraire les squelettes nous représentent des monstres, soit qu'on les considère dans leurs dimensions ou dans leurs formes, des monstres tels qu'ils n'ont pas même d'analogues dans les espèces vivantes et qu'ils paraissent avoir été incompatibles avec la coexistence de la race humaine (1). »

Pour en venir maintenant à l'exposé des diverses explications qui ont été proposées pour concilier les résultats de la géologie avec nos livres saints, je me dispenserai de vous rappeler les cosmogonies imaginées dans ce but avoué par les Burnet, les Whiston, les Woodward, alors que la science géologique n'était pas même ébauchée; je ne m'arrêterai même qu'aux deux principales parmi les explications des savants modernes. Les uns, considérant que le mot hébreu employé pour désigner les jours de la création signifie tantôt des jours naturels de 24 heures, tantôt des périodes de temps indéterminées, ont supposé que les jours de la création consti

(1) N. WISEMAN, Discours etc. tom. I, p. 273.

tuent autant d'époques de longueur indéterminée, pendant lesquelles se seraient accomplis les divers changements que la terre a éprouvés depuis le moment de la création originaire jusqu'à l'apparition de l'homme; ils observent en outre que la série des créations successives, telle qu'elle est rapportée par la Génèse, est conforme aux conclusions de la géologie à cet égard.

En supposant d'abord que la matière a été créée tout à la fois, mais qu'elle n'a été organisée que successivement, la condition la plus nécessaire, la première à laquelle on puisse remonter pour donner le branle à des combinaisons chimiques, c'est l'existence de la lumière, qui est en effet rapportée à la première époque. Ces combinaisons donnent lieu à des dégagements de vapeurs et de gaz ; c'est la seconde époque, celle de la création du firmament ou de l'atmosphère. Pendant l'époque suivante, les terrains formés successivement à la surface du globe, souvent fracturés et bouleversés, présentent des dépressions qui servent de lit à la mer ancienne; les continents sont mis à sec et peuplés de végétaux. Après la création des astres dans la quatrième période, on trouve dans la période suivante l'apparition des animaux marins et des oiseaux les débris des premiers ont été reconnus depuis longtemps dans les couches fossilifères les plus anciennes; et, quant aux derniers, la découverte d'empreintes, qu'on a regardées comme des traces de pieds d'oiseaux, sur le grès bigarré de Massachuset, a été apportée encore en faveur de cette explication. Ce n'est que dans la sixième période que paraissent les animaux terrestres, et c'est vers la fin de cette période, après que le globe avait subi à diverses reprises de nouveaux changements dans la surface, que l'homme est créé.

Il ne nous appartient pas d'examiner jusqu'à quel point l'interprétation que nous venons de rapporter peut être sou

tenue philologiquement; il nous suffira de faire remarquer avec un théologien distingué, le P. Perrone, qu'elle n'est pas du tout reprouvée par l'Église, et qu'on peut la défendre nonseulement sans blesser la foi, mais encore sans encourir le reproche de témérité, si elle est appuyée sur des raisons graves (1). Mais nous croyons que cette explication n'est pas nécessaire. De plus nous pensons que les faits géologiques sur lesquels elle s'appuie ne sont pas suffisamment constatés. << Car, remarque Mr Buckland, il est prouvé que les plus anciens animaux marins se rencontrent dans ces mêmes divisions des couches de transition les plus inférieures, où l'on rencontre les premiers restes végétaux; d'où cette conclusion irrésistible, que ces animaux et ces végétaux sont d'origine contemporaine, et, si quelque part la création des végétaux a précédé celle des animaux, c'est un fait dont jusqu'ici les recherches géologiques n'ont pu rencontrer aucune trace (2). »

Il est une autre interprétation proposée il y a quelques années et développée par le savant géologue que nous venons de citer : « Le récit de Moïse, dit-il, commence par déclarer que dans le commencement Dieu créa le ciel et la terre. Ce peu de mots peuvent être reconnus par les géologues comme l'énoncé concis de la création des éléments matériels dans une durée qui précéda distinctement les opérations du premier jour. Nous ne trouvons affirmé nulle part que Dieu créa le ciel et la terre dans le premier jour, mais bien dans le commencement; et ce commencement peut avoir eu lieu à une époque reculée au-delà de toute mesure et qu'ont suivie des périodes d'une étendue indéfinie, durant lesquelles se sont accomplies toutes

(1) PERRONE, Theologia. Louvain, tom. III, p. 84.

(2) BUCKLAND, La géologie et la minéralogie dans leurs rapports avec la théologie naturelle, tom. I, p. 15.

les révolutions physiques dont la géologie a retrouvé les

traces.

Le second verset décrirait donc l'état du globe au soir du premier jour (car Moïse ayant divisé le temps d'après la méthode judaïque, chaque jour se compte du commencement de la soirée au commencement de la soirée suivante), et ce premier soir peut être considéré comme la fin de cet espace de temps indéfini qui suivit la création première annoncée par le premier verset, et comme le commencement des six jours qui allaient être employés à peupler la surface de la terre et à la placer dans des conditions convenables pour qu'elle pût recevoir l'espèce humaine. Ce même second verset mentionne distinctement la terre et les eaux comme existant déjà et comme enveloppées de ténèbres. Cette condition d'alors nous est décrite dans un état de confusion et de vide, tohu-bohu, que l'on a coutume de traduire par chaos, mot grec d'une signification vague et sans précision et que les géologues peuvent considérer comme indiquant le naufrage et la ruine d'un monde antérieur. Ce fut à ce moment que se terminèrent les périodes indéfinies qui font l'objet de la géologie; une nouvelle série d'événements commença, et l'œuvre de la première matinée de cette nouvelle création fut de faire sortir la lumière des ténèbres temporaires qui avaient enveloppé les ruines de l'ancien monde. »

La réunion des eaux dans un seul lieu et l'apparition du sec, le troisième jour, se rapporterait à la répartition de la surface terrestre en mers et en continents, telle qu'elle devait exister lors de la création de l'homme.

La production du soleil, de la lune et des étoiles, le jour suivant, indiquerait également non pas que ces astres aient été créés ce jour, mais plutôt qu'ils ont été spécialement adaptés à certaines fonctions d'une grande importance pour l'es

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