Page images
PDF
EPUB

de la matière calcaire soumise à une température et à une pression très-élevée, nous expliquent également la transformation analogue que les couches calcaires ont éprouvée.

Ainsi les mêmes causes se reproduisent dans toute la série des époques géologiques avec des modifications amenées par les changements introduits successivement par ces causes mêmes : c'est d'un côté la production de couches formées aux dépens de matières minérales préexistantes brisées et remaniées par les eaux, l'apparition d'êtres organisés appropriés aux différents états dans lesquels se trouvait la surface du globe; d'un autre côté l'émersion graduelle de nouvelles masses minérales amenées des profondeurs de la terre, les dérangements et les bouleversements qui en résultent sur les masses sédimentaires déjà formées. Cependant ces bouleversements d'abord très-fréquents deviennent de plus en plus rares et ne produisent plus que des effets moins importants. Enfin, après que les lois physiques de la terre eurent pris assez de consistance pour que l'équilibre entre la chaleur et le refroidissement n'eût plus à éprouver de ces dérangements violents, d'où naquirent les terribles catastrophes précédentes, alors l'homme sortit des mains du tout-puissant Créateur. C'est, dit M. de Léonhard, sans pouvoir comprendre les secrets de la nature, que l'on jette un regard sur cette époque terrible de destruction et en même temps sur le passage successif aux résultats les plus bienfaisants et les plus utiles; la préparation de la surface de la terre à devenir un lieu d'habitation, l'agrandissement des continents, le resserrement des eaux dans les contrées plus basses, l'aplanissement des vallées profondes, le reliement des chaînes de montagnes élevées avec les autres parties de l'écorce de notre planète (1). C'est, pouvons-nous

(1) V. LEONHARD's populäre geologie. B. 2. S. 79.

ajouter, avec les sentiments d'une reconnaissance religieuse que nous voyons l'homme, ce chef d'œuvre de la création, compléter la série des créations précédentes; ce roi de la nature introduit dans son domaine, alors seulement que la main toute-puissante de son Auteur en avait approprié les diverses parties pour ses besoins et pour sa jouissance; c'est, avec ces mêmes sentiments, que nous voyons ce domaine, exempt enfin des catastrophes qui l'avaient tant de fois bouleversé, entrer dans un état général de stabilité et de calme qui caractérise notre époque.

Ce n'est pas à dire que les effets des causes naturelles, dont nous avons montré l'influence pendant les époques géologiques, aient entièrement cessé de se produire depuis la création de l'homme. Sans parler ici de ce grand cataclysme, consigné dans le récit de nos auteurs sacrés, confirmé par les traditions des peuples et par les observations de géologues très-éminents, nous pouvons observer de nos jours même des effets analogues à ceux qui ont dû se présenter aux époques les plus reculées. La formation de roches calcaires, par l'accumulation des polypiers dans les mers équatoriales, et par le sédiment des eaux de la mer ou des eaux thermales, celle des agglomérats désignés sous le nom de poudingues et de brèches, les dépôts formés par les eaux courantes des fleuves et des rivières, tous ces effets nous rappellent, encore de nos jours, plusieurs des formations sédimentaires antérieures à l'homme. En même temps les éruptions de nos volcans, les tremblements de terre, les soulèvements du sol sur les côtes du Chili, de la Mer Baltique etc. et l'accroissement de la température avec la profondeur, qu'on observe dans les travaux des mines et dans les eaux thermales, nous montrent que l'action volcanique, resserrée aujourd'hui dans des limites plus étroites, n'en est cependant pas moins réelle et que nous pouvons

rattacher les phénomènes de notre époque à ceux des époques qui l'ont précédée.

IV. Nous venons d'exposer l'histoire de notre globe, telle qu'elle semble résulter de l'examen des monuments géologiques. Mais cette histoire nous la trouvons également consignée dans des monuments d'un autre genre, dans ces livres qui présentent pour la science humaine l'intérêt le plus vif et l'authenticité la plus complète et que nous vénérons comme l'expression de la parole de Dieu se révélant à l'homme. Les données de la géologie sont-elles ou non en opposition avec nos livres saints? C'est ce que nous allons examiner.

L'Écriture nous apprend que le ciel et la terre ont été faits en six jours (Exod. 20, 11). Les premières paroles de la Génèse nous retracent en quelques mots la création originaire: au commencement Dieu créa le ciel et la terre; elles nous représentent la terre informe et nue, les ténèbres recouvrant la face de l'abîme et l'esprit de Dieu porté sur les eaux. Sur un commandement de la parole divine la lumière est faite; le firmament sépare les eaux supérieures des eaux inférieures ; les eaux restées à la surface sont réunies dans le bassin des mers, et la terre paraît; la terre se couvre de végétaux qui renferment en eux-mêmes les éléments nécessaires à la conservation de leur espèce; le soleil, la lune et les étoiles brillent dans le ciel; les eaux produisent les animaux qui vivent dans leur sein et ceux qui volent dans les airs; la terre produit les animaux qui vivent à sa surface et enfin l'homme est créé à l'image de son Auteur. Après chacune de ces productions le texte sacré ajoute: du soir et du matin il se fit un jour. Dans la suite de son histoire, l'auteur inspiré, en assignant le nombre des années de la vie des patriarches, fournit les bases de la chronologie biblique et nous permet de fixer la date de la création de l'homme à 6000 ans environ de notre époque.

Cependant, si nous avons égard aux observations des géologues sur la structure de notre globe, nous sommes conduits à ce résultat, que les phénomènes qui ont amené l'état actuel de la terre se sont effectués dans des périodes très-longues et que la création originaire a dû se faire à une époque prodigieusement reculée.

Remarquons d'abord que la chronologie mosaïque ne commence qu'à la création de l'homme, et que les observations géologiques s'accordent également pour nous montrer le peu d'ancienneté de son apparition sur notre globe.

La difficulté ne peut donc porter que sur les temps qui ont précédé cette apparition, et la question se borne à concilier les phénomènes indiqués par la géologie pendant ces époques avec le récit de la Génèse.

Pour résoudre cette question, il faudrait connaître d'une manière précise le sens des paroles de nos livres saints; mais nous savons que le sens de ces paroles n'est pas encore déterminé, que les interprètes des premiers siècles et même les Saints-Pères ont proposé à cet égard des explications différentes les unes des autres. S'il arrive donc, que pour concilier les théories de la science avec le texte sacré, nous soyons obligés de nous écarter plus ou moins de l'interprétation la plus ordinaire; nous pourrons nous appuyer de l'autorité de St. Augustin (1) et de St. Thomas (2), pour dire aux défenseurs de

(1) In rebus obscuris atque a nostris oculis remotissimis, si qua inde scripta etiam divina legerimus, quæ possint, salva fide qua imbuimur, alias atque alias parere sententias, in nullam earum nos præcipiti affirmatione ita projiciamus, ut, si forte diligentius discussa veritas eam recte labefactaverit, corruamus, non pro sententia divinarum scripturarum, sed pro nostra ita dimicantes, ut eam velimus scripturarum esse quæ nostra est, cum potius eam, quæ scripturarum est, nostram esse velle debeamus. S. AUG. De genesi ad litt. lib I, c. 18.

(2) Respondeo dicendum, quod, sicut Augustinus docet, in hujusmodi

cette interprétation, qu'alors que, dans les choses obscures, la parole divine est susceptible d'explications différentes et qui ne soient pas opposées à la foi, il faut se garder de s'attacher à l'une de ces explications d'une manière exclusive et de vouloir défendre, comme sentence de l'Écriture, ce qui ne serait que notre opinion particulière. Nous pourrons montrer avec le Dr Wiseman « que tout ce qui a été réclamé ou exposé par la géologie a été autrefois accordé par les grands génies du christianisme primitif, lesquels assurément n'auraient pas sacrifié un iota de la vérité de l'Écriture (1). »

Je suppose d'abord que, dans la discussion relative à la formation de notre planète, nous devions admettre que les causes physiques connues, qui président aujourd'hui à la conservation de l'ordre admirable de la nature, ont été établies par le Créateur depuis l'origine des êtres créés. Certes il serait absurde de vouloir imposer des bornes à la toute-puissance du grand Auteur de la nature, de prétendre que cet Ètre infini n'aurait pu créer dès l'origine ce vaste ensemble de l'univers dans l'état où nous le trouvons aujourd'hui. Mais, si nous considérons bien l'enchaînement merveilleux des causes secondes, la disposition de la Providence qui établit une loi, puis la laisse agir, parce que sa sagesse embrasse avec une force infinie et la raison première et la fin dernière des êtres et dispose tout avec douceur pour les conduire à cette fin (2); si nous consi

quæstionibus duo sunt observanda, primo quidem ut veritas scripturæ inconcusse teneatur; secundo, cum scriptura divina multipliciter exponi possit, quod nulli expositioni aliquis ita præcise inhæreat, quod, si certa ratione constiterit hoc esse falsum, quod aliquis sensum scripturæ esse asserere præsumat, ne scriptura ex hoc verbo ab infidelibus derideatur et ne eis via credendi præcludatur. S. THOMAS, Summa, p. 1, q. 68, a. 1. (1) N. WISEMAN, Discours sur les rapports entre la science et la religion révélée. Bruxelles. tom. I, p. 2 71.

(2) Attingit a fine usque ad finem fortiter, et disponit omnia suaviter. SAP. VIII, 1.

« PreviousContinue »