Page images
PDF
EPUB
[ocr errors][ocr errors]

S 42. OBJET. ARGENT. RÈGLES DE DROIT. 55 D'abord, le crédit et le pouvoir du maître des monnaies et du législateur se restreignent à leur propre État par conséquent, les dispositions qu'ils pourraient prendre en contradiction avec l'opinion, n'auraient aucune influence au-delà des frontières; elles entraveraient et troubleraient les relations réciproques entre ce pays et les pays étrangers, au grave détriment des deux États.

[ocr errors]
[ocr errors]

En second lieu, quant à l'influence du cours forcé 444 sur le pays lui-même, on pourrait vouloir la justifier par cette considération que tout le monde, sans exception, a besoin et se sert de monnaie, de sorte que cette situation artificielle et forcée du système monétaire, atteint également tout le monde, et qu'il semble par là que le préjudice qu'elle peut causer soit compensé pour chaque particulier. Mais cette supposition reposerait sur une pure illusion. Car, en fait, la puissance du législateur dans les questions de monnaie est très-restreinte, même dans son propre pays, en ce sens que la plupart des relations de la vie se soustrairont inévitablement à cette puissance. En supposant donc qu'on attribuât à un nouveau papier-monnaie une valeur double de celle que l'opinion publique lui reconnaît, cette décision n'aurait d'autre conséquence que de faire monter le prix de toutes les marchandises, ainsi que le salaire du travail, au double du prix qui existait jusqu'alors;

de sorte que le propriétaire d'un boisseau de grain, qui le vendait auparavant un thaler, exigerait maintenant de ce papier-monnaie jusqu'à concurrence de deux thalers pour ce même boisseau'. Il n'est pas possible de prévenir ce résultat; car tout propriétaire a le droit de refuser nettement de vendre à un acheteur qui ne veut pas souscrire à ses conditions (h). Il ne reste, de la sorte, qu'un seul rapport de droit sur lequel le législateur puisse effectivement exercer son empire, c'est le paiement des dettes antérieurement contractées. Car, comme le créancier a besoin du secours du juge, mais que le juge, comme nous l'avons montré plus haut, est obligé de reconnaître le cours forcé, il faut alors que le créancier, qui a acquis antérieurement une créance de cent thalers, se contente du paiement de cent thalers du nouveau papiermonnaie, avec lesquels il ne peut acheter qu'une quantité de grain moitié moindre que celle qu'il aurait pu acheter, si la dette eût été acquittée avant l'é

(h) Il est vrai qu'à l'époque la plus désordonnée de la révolution française, on avait essayé d'étendre même sur ce point la contrainte, en établissant au moins pour les objets nécessaires à la

vie un prix le plus élevé (le maximum 2) sous des peines sévères. Mais on ne put jamais parvenir à faire exécuter rigoureusement cette disposition.

1 Comp. les effets du cours forcé de monnaies altérées dans J e a nBaptiste Say (Traité d'Economie politique, ch. XXV, p. 262 à 269 de la 6° édition).

? En français dans l'original.

mission de ce papier-monnaie. Précisément la circonstance que cette loi exerce ses effets et pèse ainsi exclusivement sur le paiement des dettes d'argent plus anciennes, alors qu'elle laisse et est forcée de laisser subsister intacts tous les autres rapports ordinaires de la vie, cette circonstance démontre évidemment la rigueur et l'iniquité d'une loi de cette nature.

A cette considération vient encore s'en ajouter une autre. L'Etat, en cherchant à relever par sa loi de contrainte un papier-monnaie dont le cours se déprécie, n'a pas l'intention d'enrichir une classe de sujets aux dépens de l'autre (conséquence inévitable, mais inique, dont il vient d'être question); mais il a un but tout différent, c'est de couvrir, au moyen de retenues, une partie de ses propres dépenses en intérêts, appointements et pensions. Le bénéfice que cette opération procure à l'État présente les caractères d'un impôt sur le revenu, et il semble trouver sa justification dans le droit qu'a l'État d'exiger des impôts. Mais d'abord l'État n'a nullement ce droit vis à vis de ses créanciers étrangers; en outre, il est injuste, même dans le pays, de frapper d'un impôt sur le revenu exclusivement les capitalistes, les fonctionnaires et les pensionnés, alors que les autres classes n'en sont pas atteintes.

Enfin il ne faut pas oublier de mentionner l'effet moral d'une loi de ce genre, qui entraîne inévitablement

[merged small][ocr errors]

à sa suite une perturbation générale dans le sentiment de la justice.

Les règles très-restrictives dans lesquelles nous venons de renfermer l'influence naturelle et convenable du législateur sur la valeur de la monnaie, ne peuvent pas s'appliquer aux lois qui interviennent quelquefois pour démonétiser ou mettre hors du cours une certaine espèce de monnaie du pays. Une loi de ce genre produit cet unique résultat, que l'espèce de monnaie qui est retirée ne présente plus les caractères de la monnaie, et, par conséquent, ne peut plus servir à un débiteur pour lui permettre de s'acquitter, alors que le maître des monnaies lui enlève l'autorité qu'il lui avait prêtée jusque-là, et la place dans la même condition que s'il n'en avait pas fait l'émission. Cette décision ne peut guère se prendre que pour des motifs urgents; sans doute elle pourra causer un grave préjudice au propriétaire actuel de cette monnaie: aussi faudra-t-il toujours, à son égard, prendre certaines mesures d'équité: ainsi l'État devra, selon les circonstances, s'imposer le sacrifice de changer la monnaie d'après la valeur nominale pour pouvoir la fondre. Mais dans les rapports des particuliers entre eux, l'argent démonétisé a cessé absolument d'être de la monnaie (i).

(i) Un cas de ce genre se présente dans la L. 102 pr. de solut.

(46, 3). Cf. sur ce texte A v eranius interpret. Lib. 3, C. 13. —

B. Valeur métallique.

La preuve que la valeur métallique de la monnaie ne peut pas non plus être considérée comme le véritable objet d'une dette d'argent, ne peut se faire complétement qu'en traitant de la valeur courante. Mais ici déjà il faut faire valoir les considérations suivantes, qui s'opposent à l'admission de la valeur métallique comme base de règles de droit.

On ne peut pas révoquer en doute ce fait important, c'est qu'à côté de la monnaie de métal, il existe aussi en pratique du papier-monnaie, et même dans d'énormes proportions. Comme l'influence qu'on voudrait attribuer à la valeur métallique sur le montant des dettes d'argent n'est très-certainement pas applicable à ce papier, il est évident par là que ce principe est exclusif et insuffisant pour régir l'état actuel de notre système monétaire dans son ensemble. Il résulte de là qu'on est obligé de chercher un principe d'une nature assez générale pour pouvoir s'appliquer également à toute espèce de monnaie. Il ne faudrait pas croire qu'il soit possible d'éviter la difficulté que nous signalons ici, en traitant les deux espèces principales de monnaie comme deux objets indépendants l'un de l'autre, et dont chacun devrait être assujetti à des règles particu

En outre on mentionne les reprobi mummi dans la L. 24 § 1

de pign. act. (13, 7).

« PreviousContinue »