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nelles (comme la stipulation romaine) donne précisément l'éveil à de prudentes réflexions, et conduit ainsi au résultat désiré (b)'.

La convention solennelle comporte donc en soi un double avantage: premièrement en effet, elle conduit à distinguer plus sûrement les contrats véritables, parvenus à leur perfection, d'un état simplement préliminaire; et deuxièmement, elle provoque chez les parties les dispositions à la prudence désirable. Nous pouvons attribuer au premier avantage une nature objective; au second, une nature subjective.

Ce serait tomber dans l'erreur que de concevoir l'idée qu'un sage législateur ait, en contemplation de ces avantages, inventé et prescrit législativement la convention solennelle. Il n'en est pas ainsi (c), et, l'eût-il

(b) L'avantage des conventions solennelles, que nous signalons ici, est encore mieux accentué dans les formes de l'ancien droit, qui, comme la nexi obligatio, présentaient une nature symbolique. Cf. Système, t. 3, p. 238 (p. 249 trad.). Le serment est d'une nature analogue; il n'a d'autre but que de provoquer chez celui qui jure une disposition prononcée a la gravité religieuse. Cf. le mémoire humoristique de J. Moeser. Donc, il faudrait réimporter la stipulation romaine (Patriotische Phantasien, part. 2.

p. 248, Berlin, 1776).

(c) On voit aussi d'ailleurs des prescriptions arbitraires exiger certaines formes pour certaines conventions, aussi bien dans le droit romain le plus récent que dans notre droit actuel. Cf. § 72, note d. Mais ces prescriptions diffèrent des contrats solennels primitifs, et par leur origine et par leur but, quoiqu'elles soient également susceptibles de produire, partiellement et à moindre degré, les avantages exposés plus haut.

La législation française s'est inspirée de cette idée en exigeant pour le mariage des formes identiques à celles de la stipulation romaine (C. Nap., art. 75).

même essayé, les avantages signalés tout à l'heure ne se fussent pas produits de la manière indiquée, au moins au même degré. Cette forme juridique s'appuyait, au contraire, sur une coutume populaire très-ancienne, et c'est parce qu'elle avait pénétré profondément dans l'esprit du peuple, qu'elle pouvait servir de signe certain d'une évolution parfaite, et provoquer en même temps les idées de prudence et de sérieux désirables.

Dans tout cet examen, nous nous sommes occupés de la stipulation romaine, comme représentant la convention solennelle par excellence, et tout comme si les deux idées étaient identiques. Mais évidemment il n'en est pas ainsi; il faut au contraire considérer comme un pur hasard que les Romains aient été choisir la forme d'une demande et d'une réponse orale durant tant de siècles, pour en faire la base de toutes leurs affaires usuelles. En examinant encore la nature spéciale de la stipulation, nous sommes amenés à nous demander s'il ne s'y rattachait pas quelques conséquences spéciales ayant trait à l'expédition des affaires, indépendamment des avantages généraux d'une convention solennelle que nous avons exposés.

Ces conséquences spéciales offrent deux points de vue différents; car la stipulation amène d'une part des avantages, d'autre part des inconvénients d'une espèce particulière.

Comme avantage spécial de la stipulation, on peut considérer que, dans ce contrat, la volonté concomitante des deux parties est tout à fait incontestable. Par là se trouvent écartés les doutes nombreux et graves qui peuvent s'élever, dans d'autres formes de conventions, tantôt sur l'existence de l'obligation, tantôt sur tel ou tel de ses résultats éloignés (§ 71, f).— De plus, on pourrait considérer comme un avantage de la stipulation, la restriction de l'influence arbitraire du préteur sur la conduite du procès, puisque la teneur de l'intentio devait reproduire textuellement la teneur de la stipulation (d).

En revanche, on doit regarder, comme un inconvénient particulier à la stipulation, la circonstance qu'elle ne pouvait avoir lieu qu'entre personnes réunies en un même lieu. C'est là un très-grand obstacle à l'extension et à l'activité des transactions commerciales (e). Il faut y voir une conséquence digne de remarque de l'origine du droit romain, proportionné d'abord à l'étendue d'une seule cité. Ainsi s'explique le secours qu'on s'était efforcé d'obtenir, par la création et l'application fréquente du constitut, qui rendait pos

(d) Gaius, IV, § 53, à la fin de ce long passage.

(e) D'ailleurs, il y avait un moyen de rendre possible toute stipulation entre absents: il suffisait que le stipulant dépêchât un

de ses esclaves vers son cocontractant. Mais l'incommodité et la cherté de ce procédé, surtout pour de grandes distances, frappe les yeux tout d'abord.

sible à de grandes distances la conclusion des conventions productrices d'action, par échange de lettres ($ 73, 1).

$ 75.

1. CONTRAT. D. EFFETS RÉGULIERS (suite).

Ceux qui, convaincus par les considérations que je viens de présenter, inclineraient à accorder avec moi une grande importance à l'application des contrats solennels, pourraient aisément se laisser tromper par des exagérations, qu'il est bon de mettre en particulier sous les yeux.

Même le simple pacte, la convention non solennelle du droit romain, engendre des effets positifs (a); c'est même l'existence d'une véritable convention (b), qui lui sert de base, et qui explique l'erreur par laquelle le juge, grâce aussi à la confusion avec de simples phases préparatoires (§ 74), est amené à condamner illégalement le débiteur. Or il pourrait sembler que le simple pacte lui-même, avec la naturalis obligatio qui en découle, ne peut être soustrait sûrement aux malen

(a) Droit des obligations, t. 1, §§ 8, 9.

(b) L. 1 § 2 de pactis (2, 14):

a Et est pactio duorum pluriumve in idem placitum consensus. »

tendus que par une convention solennelle, et qu'il faut considérer les principes opposés du droit romain comme une inconséquence. A quoi il convient de répondre qu'ici le plus ou le moins est décisif. Ce ne sont pas seulement des effets moins marqués, qui distinguent la condition dépourvue d'action de celle qui en est pourvue; mais les effets de la première dépendent de circonstances tout accidentelles, tandis qu'ils dépendent entièrement, dans une convention pourvue d'action, de la volonté du créancier. Par suite, il est toujours possible au prétendu débiteur en vertu d'un simple pacte, de se soustraire, par sa prévoyance, à tout préjudice, et on pouvait ici sans danger abandonner la décision de l'affaire à la libre appréciation du juge.

Bien plus spécieux est le reproche d'inconséquence adressé à ces conventions que j'ai laissées de côté provisoirement dans le but de simplifier la recherche ($74), et à l'examen desquelles je reviens maintenant. Ce sont les re et consensu contractæ obligationes (§ 73). Elles sont tout aussi productives d'action, par conséquent aussi dangereuses pour le débiteur, que la stipulation, et pour elles la confusion entre la convention véritable et les simples phases préparatoires, est à craindre, aussi bien que dans toutes les autres conventions. Elles apparaissent donc, à notre point de vue, comme de vraies exceptions à la règle, et on est porté à les consi

T. II.

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