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torquer des sommes immenses à l'aide de la plus | pas même ce moyen : nous citons des lettres qu'il révoltante injustice, est la seule du moins qu'on a écrites aux villes sur l'affaire des douze sesterne saurait attaquer? S'il en est ainsi, qu'avons- ces. Quelle est donc sa défense? J'ai fait ce qu'on nous à dire contre ce préteur, qui monte tous les me reproche; j'ai levé de grandes sommes sous jours à la tribune, et qui soutient que la républi- prétexte des provisions de ma maison; mais je que ne peut subsister, si le droit de juger n'est le pouvais, et, vous le pourrez comme moi, si rendu à l'ordre équestre? Que ce magistrat essaye vous vous en ménagez le pouvoir. Il est dangede prouver seulement, qu'il est un genre de con- reux pour les provinces de confirmer par jucussion que tous les sénateurs se permettent, qui gement un système d'exaction; il est perniest presque autorisé pour cet ordre, par le moyen cieux pour notre ordre de laisser croire au peuple duquel on enlève aux alliés un argent énorme sous romain que des hommes qui sont eux-mêmes le prétexte le plus injuste; qu'il n'est pas permis enchaînés par les lois, ne peuvent, dans les trid'attaquer cette malversation dans les causes ju- bunaux, maintenir religieusement les lois. Vergées par les sénateurs; qu'elle n'a jamais eu lieu rès, pendant sa préture, n'a pas seulement violé quand l'ordre équestre fournissait les juges, qui toutes les règles dans l'estimation, mais dans la levée même de cet impôt; car il exigeait, non osera le contredire? et l'homme le plus dévoué à vos intérêts, le plus zélé partisan de votre or- ce qui lui était dû, mais ce qui lui plaisait. Voulez-vous savoir, par les registres publics et par dre pourra-t-il s'opposer à ce qu'on restitue aux chevaliers l'administration de la justice? les dépositions des villes, la quantité de blé qu'il a demandée à ce titre? vous trouverez, Romains, qu'il a réclamé des villes, pour ses provisions, cinq fois plus qu'il ne lui était permis de prendre. Que peut-on ajouter à son effronterie, si, après avoir fait de son blé une estimation exorbitante, il en a exigé une si grande quantité au delà de celle que lui accordaient les lois?

XCVII. Eh! plût aux dieux que Verrès pût fournir ici un moyen de défense quelque peu raisonnable et plausible! vous prononceriez avec moins de risque pour vous-mêmes, avec moins de péril pour toutes les provinces. S'il pouvait nier la malversation que je lui reproche, vous paraîtriez l'en avoir cru sur sa parole, et non pas avoir approuvé sa conduite. Mais il est de toute impossibilité qu'il nie; il est chargé par toute la Sicile; parmi un si grand nombre de cultivateurs, il n'en est pas un seul dont il n'ait tiré de l'argent sous prétexte des provisions de sa maison.

Je voudrais encore qu'il pût dire que tout cela ne le regarde point; que ce sont ses questeurs qui ont administré les blés. Mais il ne lui reste

modo posse reprehendi! Quod si ita est, quid possumus contra illum prætorem dicere, qui quotidie templum tenet, qui rempublicam sistere negat posse, ni ad equestrem ordinem judicia referantur? Quod si ille hoc unum agitare cœperit, esse aliquod genus cogendæ pecunia senatorum commune, et jam prope concessum ordini, quo genere ab sociis maxima pecunia per summam injuriam auferatur, neque ullo modo senatoriis judiciis reprehendi posse, idque, dum equester ordo judicaret, nunquam esse commissum : quis obsistet? quis erit lam cupidus vestrum, tam fautor ordinis, qui de transferendis judiciis possit recusare?

XCVII. Atque utinam posset aliqua ratione hoc crimen, quamvis falsa, modo humana atque usitata defendere! minore periculo vestro; minore periculo provinciarum omnium, judicaretis. Negaret hic æstimatione se usum? vos id credidisse homini, non factum comprobasse videremini. Nullo modo negare potest; urgetur a tota Sicilia; nemo est ex tanto numero aratorum, a quo pecunia cellæ nomine non sit exacta. Vellem etiam hoc posset dicere, nihil ad se istam rationem pertinere, per quæstores rem frumentariam esse administratam. Ne id quidem ei licet dicere: propterea quod ipsius litteræ recitantur, ad civitates de ternis denariis missæ. Quæ est igitur defensio? Feci, quod arguis; coegi pecunias maximas cellæ nomine: sed hoc mihi

Ainsi, Romains, à présent que vous êtes instruits de tout ce qui concerne l'administration des blés, vous pouvez voir aisément que cette province, qui fut toujours pour nous si utile et si nécessaire, que la Sicile enfin est perdue pour notre empire, si vous ne la recouvrez en condamnant Verrès. En effet, qu'est-ce que la Sicile, si vous en ôtez l'agriculture, si vous y détruisez la race et le nom des cultivateurs? Est-ce

licuit; vobis, si prospicitis, licebit. Periculosum provinciis, genus injuriæ confirmari judicio; perniciosum nostro ordini, populum romanum existimare, non posse eos homines, qui ipsi legibus teneantur, leges in judicando religiose defendere. Atque isto prætore, judices, non solum æstimandi frumenti modus non fuit, sed ne imperandi quidem : neque enim id, quod debebatur, sed quantum commodum fuit, imperavit. Summam faciam vobis, ex publicis litteris et testimoniis civitatum, frumenti in cellam imperati: reperietis quinquies tanto, judices, amplius istum, quam quantum ei in cellam sumere licitum sit, civitatibus imperasse. Quid ad hanc impudentiam addi potest, si et æstimavit tanti, ut homines ferre non possent, et tanto plus, quam erat ei concessum legibus, imperavif?

Quapropter, cognita tota re frumentaria, judices, jam facillime perspicere potestis, amissam esse populo romano Siciliam, fructuosissimam atque opportunissimam provin ciam, nisi eam vos istius damnatione recuperatis. Quid est enim Sicilia, si ei agri cultionem sustuleris, et si aratorum numerum ac nomen exstinxeriş? Quid enim potest esse in calamitate residui, quod non ad miseros aratores, prætore, per summam injuriam ignominiamque pervenerit? quibus, quum decumas dare deberent, vix ipsis decumæ relictæ sunt; quum pecunia deberetur, soluta non est;

isto

une calamité, est-il une injustice, un opprobre dont ils ne se soient vus accablés sous cette préture? Ils ne devaient donner que la dîme; à peine leur a-t-on laissé la dîme même. On devait leur donner de l'argent; ils n'en ont pas reçu. Le vœu du sénat était qu'ils fournissent de blé la maison du préteur, d'après une estimation favorable; ils ont été forcés de vendre jusqu'à leurs instruments de labourage.

XCVIII. Je l'ai déjà dit, Romains: quand vous réprimeriez toutes ces vexations, c'est moins par la richesse du produit que par un certain attrait, par la douceur de l'espérance, que l'agriculture se soutient. Tous les ans, en effet, on abandonne des frais et des travaux certains à l'incertitude et au hasard. Le blé n'a une grande valeur que si les récoltes sont mauvaises; sont-elles abondantes, il se vend à vil prix de sorte que le blé se vend mal quand l'année est bonne, et bien quand la récolte est mauvaise. Telles sont les productions de la terre, qu'elles dépendent moins du travail et de la prudence, que des choses les plus variables, des vents et des saisons. Lorsqu'on exige une dime en vertu de la loi et aux termes d'un traité; lorsque, d'après un règlement plus nouveau, on demande une autre dîme à cause de la disette des grains; lorsqu'en outre, on achète du blé tous les ans au nom de la république; lorsqu'on

quum optima æstimatione senatus frumentum eos in cellam dare voluisset, etiam instrumenta agrorum vendere coacti sunt.

XCVIII. Dixi jam antea, judices, ut has omnes injurias tollatis, tamen ipsam rationem arandi spe magis et jucunditate quadam, quam fructu atque emolumento teneri. Etenim ad incertum casum et eventum certus quotannis labor et certus sumtus impenditur. Annona porro pretium, nisi in calamitate fructuum, non habet; si autem ubertas in percipiendis fructibus fuit, consequitur vilitas in vendendis ut aut male vendendum intelligas, si processit ; aut male perceptos fructus, si recte licet vendere. Tota autem res rusticæ ejusmodi sunt, ut eas non ratio, neque labor, sed res incertissimæ, venti tempestatesque moderentur. Hinc quum unæ decumæ lege et conditione trahantur; alteræ novis institutis propter annonæ rationem imperentur; ematur præterea frumentum quotannis publice; postremo etiam in cellam magistratibus et legatis impere

en exige encore pour la provision des magistrats et de leurs lieutenants, quelle partie de la récolte reste-t-il au laboureur et au propriétaire, dont ils puissent disposer librement et en toute assurance? Si on les assujettit à tant de charges; si, dans la réalité, c'est pour vous et pour le peuple romain, plutôt que pour eux-mêmes et pour leur propre avantage qu'ils emploient leur argent, leurs soins, leurs travaux, faut-il en outre qu'ils supportent des ordonnances inouïes, le despotisme des préteurs, la domination d'un Apronius, les vols et les rapines de vils esclaves? faut-il en outre qu'ils donnent pour rien le blé qu'on devait leur acheter? qu'ils payent, pour la provision du préteur, des sommes exorbitantes, quand ils consentiraient à lui fournir du blé gratuitement? faut-il enfin que ces préjudices et ces pertes soient accompagnés des plus cruels affronts et des plus sanglants outrages? Aussi, Romains, n'ont-ils pas supporté ce qui ne pouvait l'être. Vous le savez, dans toute la Sicile, les propriétaires ont abandonné la culture, déserté les campagnes; et tout ce que je demande dans ce jugement, c'est que, grâce à votre équité rigoureuse, les Siciliens, vos anciens et fidèles alliés, les fermiers et les laboureurs du peuple romain, retournent à ma voix et sous ma conduite dans leurs champs et leurs demeures.

tur: quid aut quantum præterea est, quod aut liberum possit habere ille arator ac dominus in potestate suorum fructuum, aut in ipsis fructibus solutum? Quod si hæc feruntur omnia; si vobis potius ac populo romano, quarn sibi et suis commodis, opera, sumtu, labore deserviunt ; etiamne hæc nova debent edicta et imperia prætorum, et Apronii dominationem, et Veneriorum servorum furta rapinasque perferre? etiamne frumentum pro emto gratis dare? etiamne in cellam quum cupiant gratis dare ultro, pecuniam grandem dare? etiamne hæc tot detrimenta atque damna cum maximis injuriis contumeliisque perferre? Itaque hæc, judices, quæ pati nullo modo potuerunt, non pertulerunt. Arationes tota Sicilia desertas atque a dominis relictas esse cognoscitis; neque quidquam aliud agitur hoc judicio, nisi ut antiquissimi socii fidelissimique, Siculi, coloni populi romani atque aratores, vestra severi. tate et diligentia, me duce atque auctore, in agros atque in ædes suas revertantur.

SECONDE ACTION CONTRE VERRÈS.

DISCOURS NEUVIÈME.

ARGUMENT.

Le quatrième Discours contre Verrès, qui a pour objet les vols faits par celui-ci en Sicile, a reçu le titre de Oratio de Signis, la plupart des objets volés étant des statues.

La première phrase du Discours intitulé In Verrem de Signis, n'est qu'une simple transition : Cicéron passe, de la troisième division de son plaidoyer contre Verrès, à la quatrième, où il va s'occuper des vols et des pillages que le préteur a commis en Sicile.

L'orateur annonce son sujet par une proposition générale, qui l'embrasse tout entier, et, comme s'il craignait de n'être pas assez clair ni assez précis, il la développe encore en d'autres termes, protestant aux juges qu'il ne parle point en accusateur, et qu'il ne se permet aucune exagération. Il présente donc Verrès comme un brigand qui a ravi aux habitants de la Sicile ce qu'ils pouvaient avoir d'effets précieux, sans en laisser un seul à qui que ce soit. Ensuite, il entre dans les détails. Il retrace successivement chacun des vols dont le préteur s'est rendu coupable. Ce Discours ne contient donc qu'une suite de narrations indépendantes les unes des autres, ayant toutes leur exorde, leur confirmation et leur péroraison.

Rien de si simple qu'une telle méthode, rien de si uniforme qu'un tel plan. Mais ce qu'on ne saurait trop admirer dans cette longue suite de récits, qui sembleraient devoir dégénérer en une monotonie fatigante, par le retour sans cesse répété des mêmes genres de crimes, c'est l'incroyable variété que le génie de l'orateur a eu l'art de répandre dans chacune de ces narrations. Jamais on n'a su décrire et peindre une foule d'objets de la même nature, avec des traits plus vrais, plus variés, plus énergiques; et ces traits expri ment non-seulement les choses, mais les caractères.

Il ne présente point les faits au hasard et sans un dessein réfléchi; sa marche est habilement calculée, et il les a classés dans l'ordre le plus propre à augmenter l'intérêt. Il parle d'abord des vols dont les individus ont été victimes, et de là il passe à l'enlèvement des propriétés publiques, au pillage des temples, à la dévastation des monuments consacrés, soit à la gloire du peuple romain, soit à la religion des habitants de la Sicile.

tout l'odieux qu'il renferme. S'il réfute les excuses et les réponses de Verrès, la justesse des raisonnements est toujours fortifiée par l'énergie du langage et l'éloquence des pensées; et en même temps qu'il excite l'indignation contre la cupidité du préteur, il livre au mépris sa grossièreté et son ignorance. Tour à tour il le frappe des traits perçants du ridicule, et l'accable sous le poids des preuves les plus imposantes.

On distingue dans ce Discours onze articles ou griefs qui forment autant de narrations particulières. Toutes ont le degré de perfection et de beauté dont elles sont susceptibles. Chacune a son caractère propre et le ton de couleur qui lui convient. C'est une galerie où tout est heureusement diversifié. Mais il est des tableaux qui prêtent plus au génie de l'artiste et à la hardiesse de son pinceau. Les sujets en sont grands et riches; ils offrent un plus beau spectacle. Tels sont le trait de ce candélabre d'or, enrichi de pierreries, que Verrès vola au roi Antiochus, l'enlèvement de la statue de Diane à Ségeste, du Mercure de Tyndare, de la Cérès d'Enna, et la comparaison établie entre Marcellus et Ver

rès.

LIVRE QUATRIÈME.

DES STATUES.

I. Je vais parler de ce que Verrès appelle son goût; ses amis disent sa maladie, sa manie; les Siciliens, son brigandage: moi, je ne sais de quelle expression me servir. Je vous exposerai la chose; c'est à vous d'en juger par ce qu'elle est, sans vous arrêter au nom qu'on lui donne. Prenez-en d'abord une idée générale, et peut-être n'aurezvous pas beaucoup de peine à trouver le mot propre.

Je nie que dans la Sicile entière, cette province riche, si ancienne, peuplée de tant de cités et de familles si opulentes, il ait existé un seul vase, soit d'argent, soit de métal de Corinthe ou de

L'orateur excite l'attention, il pique la curiosité, et tou-si jours il intéresse. Veut-il ensuite faire sentir l'énormité d'un crime, avec quel art il l'analyse et le décompose! Il ne l'abandonne qu'après en avoir exprimé, pour ainsi dire,

LIBER QUARTUS.

DE SIGNIS.

I. Venio nunc ad istius, quemadmodum ipse appellat, studium; ut amici ejus, morbum et insaniam; ut Siculi, atrocinium: ego, quo nomine appellem, nescio. Rem vo

bis proponam: vos eam suo, non nominis pondere pen. ditote. Genus ipsum prius cognoscite, judices; deinde fortasse non magnopere quæretis, quo nomine appellandum putetis.

Nego in Sicilia tota, tam locupleti, tam vetere provincia, tot oppidis, tot familiis tam copiosis, ullum argentum vas, ullum Corinthium, aut Deliacum fuisse; ullam gemmam, aut margaritam; quidquam ex auro, aut ebore factum; signum ullum æneum, marmoreum, eburneum;

Délos, une seule pierrerie, une seule perle, un seul ouvrage en or ou en ivoire, un seul marbre, un seul bronze, enfin un seul tableau, un seul tapis, qu'il n'ait recherché, qu'il n'ait examiné, et, si l'objet lui a plu, qu'il n'ait enlevé.

Juges, cette proposition vous étonne. Cependant je vous supplie encore de peser tous les termes. Il n'y a point ici d'hyperbole ; je ne cherche point à exagérer les torts de Verrès. Quand je dis que dans toute la province il n'a rien laissé de tous ces objets précieux, je ne parle pas en accusateur, j'énonce simplement un fait. Je vais plus loin; j'affirme qu'il n'a rien laissé dans les maisons, ni même dans les villes; dans les édifices publics, ni même dans les temples; rien chez les Siciliens, rien chez les citoyens romains; en un mot, que dans la Sicile entière, tout ce qui a frappé ses regards ou excité ses désirs, décorations privées et publiques, ornements profanes et sacrés, tout est devenu sa proie.

Puis-je mieux commencer, Verrès, que par la ville qui fut toujours l'objet de vos plus chères affections, que par vos propres panégyristes? En voyant à quel point les Mamertins, vos amis, ont été victimes de vos déprédations, on concevra plus facilement ce que durent éprouver ceux qui vous haïssent, qui vous accusent, qui vous poursuivent.

II. De tous les habitants de Messine, C. Héius est celui qui possède le mobilier le plus riche et le plus magnifique : quiconque a vu Messine sera de mon avis. Sa maison y tient le premier rang; c'est sans contredit la plus connue, et celle où nos citoyens sont le plus généreusement accueillis. Avant l'arrivée de Verrès, elle était si bien

nego ullam picturam, neque in tabula, neque in textili fuisse, quin conquisierit, inspexerit; quod placitum sit, abstulerit.

Magnum videor dicere: attendite etiam quemadmodum dicam. Non enim verbi, neque criminis augendi causa complector omnia. Quum dico, nihil istum ejusmodi rerum in tota provincia reliquisse, latine me scitote, non accusatorie loqui. Etiam planius: nihil in ædibus cujusquam, ne in oppidis quidem; nihil in locis communibus, ne in fanis quidem; nihil apud Siculum, nihil apud civem romanum; denique nihil istum, quod ad oculos, animumque acciderit, neque privati, neque publici, neque profani, neque sacri, tota in Sicilia reliquisse.

Unde igitur potius incipiam, quam ab ea civitate, quæ tibi una in amore, atque in deliciis fuit? aut ex. quo potius numero, quam ex ipsis laudatoribus tuis? Facilius enim perspicietur, qualis apud eos fueris, qui te oderunt, qui accusant, qui persequuntur; quum apud tuos Mamertinos inveniare improbissima ratione esse prædatus.

II C. Heius est Mamertinus (omnes hoc mihi facile concedent, qui Messanam accesserunt) omnibus rebus in illa civitate ornatissimus. Hujus domus est vel optima Messanæ, notissima quidem certe, et nostris hominibus apertissima, maximeque hospitalis. Ea domus ante adventum istius sic

décorée, qu'elle-même était la décoration de la ville; car Messine, dont on vante le site, les murailles et le port, est absolument dépourvue de toutes ces curiosités pour lesquelles notre préteur a tant de goût. Héius avait chez lui un très-bel oratoire, monument antique de la piété de ses ancêtres. On y voyait quatre statues très-célèbres, toutes d'un travail exquis et faites pour charmer, je ne dis pas seulement un amateur et un connaisseur, tel que Verrès, mais des hommes ignorants et grossiers, comme vous et moi, citoyens; car c'est ainsi qu'il nous traite. L'une des quatre était un Cupidon de marbre, ouvrage de Praxitèle. En faisant mon enquête, j'ai appris jusqu'aux noms des artistes. Si je ne me trompe, c'est le même Praxitèle qui a fait le Cupidon de marbre qu'on voit à Thespies, où sa beauté seule attire les étrangers; car cette ville n'a rien d'ailleurs qui puisse les appeler. Lorsque Mummius enleva de Thespies les statues des Muses, aujourd'hui placées devant le temple de la Félicité, et les autres ornements profanes, il ne toucha pas à ce Cupidon, parce qu'il était consacré.

III. Je reviens à l'oratoire d'Héius. En face de ce Cupidon de marbre dont je viens de parler, était un Hercule de bronze; on le disait, je crois, de Myron je dis bien, de Myron. De petits autels dressés devant ces deux divinités annonçaient la sainteté du lieu. Les deux autres statues étaient aussi de bronze, et d'une grandeur moyenne, mais d'une beauté parfaite. A leurs traits, à leurs vêtements, on reconnaissait de jeunes vierges; les bras élevés, elles portaient sur leurs têtes, comme les jeunes Athéniennes dans les fêtes de Cérès, des corbeilles sacrées qu'elles soutenaient de leurs

ornata fuit, ut urbi quoque esset ornamento: nam ipsa Messana, quæ situ, mœnibus, portuque ornata sit, ab his rebus, quibus iste delectatur, sane vacua, atque nuda est. Erat apud Heium sacrarium magna cum dignitate in ædibus, a majoribus traditum, perantiquum : in quo signa pulcherrima quatuor, summo artificio, summa nobilitate; quæ non modo istum hominem, ingeniosum atque intelli. gentem, verum etiam quemvis nostrum, quos iste idiotas appellat, delectare possent: unum Cupidinis marmoreum, Praxitelis nimirum didici etiam, dum in istum inquiro, artificum nomina; idem, opinor, artifex ejusdem modi Cupidinem fecit illum, qui est Thespiis, propter quem Thespiæ visuntur: nam alia visendi causa nulla est. Itaque ille L. Mummius, quum Thespiadas, quæ ad ædem Felicitatis sunt, ceteraque profana ex illo oppido signa tolleret, hunc marmoreum Cupidinem, quod erat consecratus, non attigit.

III. Verum, ut ad illud sacrarium redeam, signum erat hoc, quod dico, Cupidinis e marmore ex altera parte Hercules egregie factus ex ære; is dicebatur esse Myronis, ut opinor: et certe. Item ante hosce deos erant arulæ, quæ cuivis sacrarii religionem significare possent. Erant ænea præterea duo signa, non maxima, verum eximia venustate, virginali habitu atque vestitu, quæ manibus

mains. On les appelait Canéphores. L'artiste qui les a faites est... son nom m'échappe.... Vous avez raison c'est Polyclète. Nos Romains, en arrivant à Messine, s'empressaient de visiter l'oratoire d'Héius: il était ouvert à tout le monde; on le voyait tous les jours. Cette maison ne faisait pas moins d'honneur à la ville qu'au propriétaire lui-même.

Avant qu'il eût enlevé ces statues, tous les magistrats qui étaient entrés dans Messine les avaient vues comme lui. De tant de préteurs et de consuls envoyés en Sicile, et dans la paix et même dans la guerre; de tant de gouverneurs de tous les caractères, je ne parle pas des magistrats vertueux, intègres, scrupuleux, mais enfin de tant d'hommes cupides, prévaricateurs, audacieux, nul n'a jamais assez présumé de sa hardiesse, de son pouvoir, de sa noblesse, pour oser demander, enlever, toucher rien de ce qui décorait cet oratoire : et Verrès saisira ce qu'il y a de plus beau, en quelque lieu qu'il le trouve! Nul autre n'aura droit de rien posséder! Les richesses de tant de maisons opulentes iront se confondre dans la maison du seul Verrès! Quand ses prédécesseurs ont respecté ces chefs-d'œuvre, c'était donc pour qu'il les ravit? Lorsque Claudius Pulcher les a fidèlement restitués, c'était donc pour que Verrès en fit sa proie? Mais ce Cupidon ne cherchait pas une maison de débauche, une école de

C. Claudius, qui signala son édilité par la magnificence de ses fêtes, emprunta ce Cupidon pour tout le temps qu'il fit décorer le forum en l'honneur des dieux et du peuple romain; et ce magistrat, lié avec les Héius par les nœuds de l'hospitalité, protecteur de la ville de Messine, ne fut pas moins exact à le rendre qu'ils n'avaient été empressés à le prêter. Dans ces derniers temps, que dis-je? ces jours mêmes, nous avons, vu d'autres nobles décorer le forum et les portiques qui l'entourent, non pas avec les dépouilles des provinces et les trophées du brigandage, mais avec des ornements prêtés par des amis, ou confiés par des hôtes : et ces effets pré-prostitution: il se plaisait dans cette chapelle hérécieux, ils les ont rendus avec fidélité; ils ne les ont point transportés dans leurs palais et dans leurs campagnes, après les avoir empruntés à nos alliés pour les fêtes de leur édilité. Mais les statues dont j'ai parlé, Verrès les a enlevées toutes les quatre de l'oratoire d'Héius, et même il a fait main basse sur les autres, sans en laisser une seule, à la réserve pourtant d'une vieille figure en bois qui représentait, je crois, la Bonne Fortune, dont il ne voulut pas chez lui.

ditaire. Transmis à Héius avec les autres dieux de cette vertueuse famille, il ne demandait pas à passer chez l'héritier d'une courtisane.

J'ai tort de m'emporter. Un seul mot va me réduire au silence. J'ai acheté, dit Verrès. O dieux! quelle excuse! Ainsi nous avons envoyé en Sicile un marchand avec tout l'appareil de l'autorité, pour acheter indistinctement les statues, les tableaux, l'argenterie, l'or, l'ivoire, les pierreries qui se trouveraient dans la province. Car je vois IV. O justice des dieux et des hommes ! quelle qu'à tous mes griefs on n'opposera que ce seul cause monstrueuse! quel excès d'impudence!! mot: Il a acheté. Je le suppose pour un moment,

sublatis sacra quædam, more Atheniensium virginum, reposita in capitibus sustinebant. Canephoræ ipsæ vocabantur: sed earum artificem quem? quemnam? Recte admones: Polycletum esse dicebant. Messanam ut quisque nostrum venerat, hæc visere solebat; omnibus hæc ad visendum patebant quotidie : domus erat non domino magis ornamento, quam civitati.

C. Claudius, cujus ædilitatem magnificentissimam scimus fuisse, usus est hoc Cupidine tamdiu, dum forum diis immortalibus, populoque romano habuit ornatum; et, quum esset hospes Heiorum, Mamertini autem populi patronus, ut illis benignis usus est ad commodandum, sic ipse diligens fuit ad reportandum. Nuper homines nobiles ejusmodi, judices,et quid dico nuper? imo vero modo, ac plane paullo ante vidimus, qui forum ac basilicas, non spoliis provinciarum, sed ornamentis amicorum, commodis hospitum, non furtis nocentium, ornarent qui tamen signa, atque ornamenta sua cuique reddebant; non ablata ex urbibus sociorum, quatridui causa, per simulationem ædilitatis, domum deinde alque ad suas villas auferebant. Hæc omnia, quæ dixi, signa, judices, ab Heio de sacrario Verres abstulit: nullum, inquam, horum reliquit, neque aliud ullum tamen, præter unum pervet s ligneum, Bonam Fortunam, ut opinor: eam iste habere domi suæ noluit.

IV. Pro deum hominumque fidem! quid hoc est? quæ

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hæc causa? quæ hæc impudentia est? quæ dico signa, antequam abs te sublata sunt, Messanam cum imperio nemo venit, quin viderit; tot prætores, tot consules in Sicilia, tum in pace, tum etiam in bello fuerunt; tot homines cujusque modi: non loquor de integris, innocentibus, religiosis: tot cupidi, tot improbi, tot audaces; quorum nemo sibi tam vehemens, tam potens, tam nobilis visus est, qui ex illo sacrario quidquam poscere, aut tollere, aut attingere auderet. Verres, quod ubique erit pulcherrimum, auferet? nihil habere præterea cuiquam licebit? tot domos locupletissimas domus istius una capiet? idcirco nemo superiorum attigit, ut iste tolleret? ideo C. Claudius Pulcher retulit, ut C. Verres posset auferre? At non requirebat ille Cupido lenonis domum, ac meretriciam disciplinam facile illo sacrario patrio continebatur: Heio se a majoribus relictum esse sciebat in hereditate sacrorum non quærebat meretricis heredem.

Sed quid ego tam vehementer invehor? Verbo jam uno repellar. Emi, inquit. O dii immortales! præclaram defensionem! mercatorem cum imperio ac securibus in provinciam misimus; qui omnia signa, tabulas pictas, omne argentum, aurum, ebur, gemmas coemeret; nibil cuiquam relinqueret. Hæc enim mihi ad omnia defensio patefieri videtur, emisse. Primum, si id, quod vis, tibi ego concedam, ut emeris, quoniam in toto hoc genere hac una de

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