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cieux, pour eux, que la soie, la pourpre, les pierreries 1.

l'or et

Enfin, pour fermer la bouche à l'incrédulité, voici qu'en plein dix-neuvième siècle, les timides néophytes de la Cochinchine, animés tout à coup d'un courage inconnu, imitent trait pour trait la conduite des chrétiens des Catacombes. Le 20 septembre 1837, un de nos héroïques missionnaires, M. Cornay, est coupé en morceaux par ordre de Minh-Mehn. Trois cents soldats entourent le lieu du supplice, la foule païenne est immense. Un arrêt de mort plane sur toutes les têtes chrétiennes. Quel fidèle osera se montrer? Voyez arriver d'abord tout ce qu'il y a de plus faible et de plus timide: une vieille servante et une religieuse. Les deux héroïnes portent deux nattes, afin d'y recevoir le sang du martyr; elles osent même recueillir les lambeaux de chair épars çà et là. Plusieurs chrétiens se joignent à elles; et comme une autre religieuse, chargée d'apporter de la chrétienté voisine des linges préparés d'avance, tarde trop, ils imbibent le sang dans tout ce qui se trouve sous la main, les habits du martyr, des mouchoirs, du papier. A ce signal, la foule se précipite pour recueillir aussi quelques gouttes de ce sang précieux; on

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Licuit cernere circumstantium christianorum ardorem, qui per medios satellites, fustuario eorum neglecto, ad cruces accurrentes, alii, ut sudaria sua martyrum sanguine imbuerent; alii, ut ex vestium limbo aliquid detraherent; alii, ut reliquiarum loco aliud aliquid auferrent. Apud Bolland, febr.,

p. 761, n. 100.

presse les chairs pour l'en exprimer, on creuse même les endroits de la terre où il s'était écoulé avec abondance 1.

L'empressement des chrétiens à recueillir le sang des martyrs est donc un fait toujours ancien et toujours nouveau. Nous chercherons demain la raison de ce phénomène unique dans l'histoire.

19 Mars.

Audience pontificale. - Zèle des chrétiens de tous les temps.

Les vases

de sang placés auprès des loculi des Catacombes, ne sont ni des vases lacrymatoires, ni des vases de parfums,-mais des vases de sang.Ce sang est celui des martyrs.— Le vase de sang est le signe infaillible du martyre. Lettre de M. Raoul-Rochette.

Une seconde audience du Saint-Père suspendit la visite des Catacombes. L'excellent Pontife daigna signer de sa main les suppliques assez nombreuses que je lui présentai. Je lui demandai, entre autres, des indulgences pour différentes personnes. Cela ne veut pas dire, comme le prétendait naguère certain voyageur favorisé d'un semblable privilége, par l'entremise du pénitencier de France, qu'il avait obtenu la rémission de ses péchés et des péchés de sa famille, jusqu'à la troisième génération! Sorti du Vatican, je vins reprendre, à la Minerve, l'é

Annal. de la Prop. de la Foi, n. 63, p. 254 et suiv.

tude de la belle question commencée hier aux Catacombes de Saint-Valentin.

Nous avons vu les chrétiens debout devant les chevalets de la vieille Rome, devant les croix du Japon, devant les poteaux de la Cochinchine, recueillant avec empressement le sang de leurs frères. D'où vient qu'ils bravaient ainsi la mort, pour avoir le sang des martyrs 1? Quel prix attachaientils à ce sang? Qu'en voulaient-ils faire? Pour expliquer, dans les catholiques de tous les âges et de tous les pays, ce courage surhumain, il faut, sous peine de folie, recourir à la même grâce qui communiquait à leurs frères la force de monter gaîment sur les bûchers et les échafauds, ou de descendre triomphants dans l'arène.

Mais pourquoi dépenser leur intrépidité à ramasser le sang des victimes? Ce sang valait-il la ⚫ mort qui en était souvent le prix? Oui, et plus que la mort. Dans les martyrs, les chrétiens voyaient, ils voient encore, ils verront toujours les continuateurs de la grande Victime du Calvaire, les corédempteurs du monde, les planteurs de l'Église, ses

On en cite un grand nombre qui furent victimes de leur courage. Je nommerai seulement les sept femmes qui suivaient saint Blaise au martyre; une vierge nommée Paula, qui, pour avoir voulu recueillir le sang des jeunes martyrs Claudius, Hypatius, Paul et Denys, mêla son sang au leur. — « Comprehensa, virgis cæsa est, et in ignem conjecta; sed liberata, demum et ipsa eodem loco, ubi Lucillianus crucifixus fuerat, decollata est. Apud Bolland, 5 junii.

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soutiens éternels, sa gloire incommunicable 1. Or, dans le martyre, ce qu'il y a de plus noble, c'est le sang; le sang qui est tout à la fois le signe du témoignage, la marque de la rédemption et le gage du triomphe.

Voilà pourquoi le monde entier dut en être arrosé; pourquoi Rome, future métropole de la sainteté, dut en être détrempée jusque dans ses profondeurs; pourquoi ses enfants, surtout, durent se montrer si ardents à le recueillir, si soigneux à le conserver. Grâce à leur courage intelligent, Rome peut, jusqu'au dernier jour du monde, chanter sa gloire incomparable. Mère de plusieurs millions de martyrs, sa fécondité lui donne la première place dans la tendresse du divin Époux, et lui assure un titre non contestable aux suprêmes hommages de l'univers; maîtresse de la vérité, elle peut, sans crainte, demander pour son symbole, revêtu de tant de si-. gnatures sanglantes, la filiale soumission de la foi; car l'intelligence la plus haute peut l'accorder sans faiblesse, ne peut la refuser sans folie 2.

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Sanguine mundata ut Ecclesia sanguine cœpit,
Sanguine succrevit, sanguine finis erit.

x. Gruter. in Polyant, noviss. Tit. Martyr. Adimpleo ea quæ desunt, passionum Christi in carne mea. Coloss., 1, 24.

Plantaverunt Ecclesiam sanguine suo. Brev. Rom., ш noct., Com. Apost.

2 Ita una Roma mactandis Christi ovibus generale quasi macellum erat. In ea aut imperatores aut præfecti urbis per

Ainsi, après le sang du Seigneur, il n'y a pas de sang plus précieux que celui des martyrs telle est la première raison qui explique en la justifiant l'héroïque ardeur des chrétiens pour l'obtenir. La bonté de Dieu à l'égard des généreux athlètes de sa gloire, nous en fournit un autre. « Quiconque, disait le Roi des martyrs, m'aura confessé devant les hommes, je le glorifierai devant mon Père et devant les anges 1. » Et voilà qu'il accomplit magnifiquement sa promesse. Contrairement à l'usage de tous les peuples dont les uns conserverent avec honneur le corps entier, les autres le cœur, ceux-là les cendres, mais dont aucun ne garda le sang des morts, Lui, il inspire aux chrétiens de recueillir avant tout, et de conserver à part, comme la relique la plus précieuse, le sang des martyrs 2. Ainsi ont fait les chrétiens de tous les de Rome en particulier. pays,

petuam christianorum carnificinam exercebant. Nec usquam terrarum christianus sanguis uberius effusus est, quam in una urbe Roma. — Stapleton, De Magnitud, Rom. Eccles., c. V1.— Terra ejus colorata est sanguine martyrum et contexta ossibus S. Brigit., lib. m.

sanctorum.

Sancta es, sanctorum pretioso sanguine Roma,
Nunc, nunc justa meis reverentia competit annis,
Nunc merito dicor venerabilis et caput orbis,
sanctorum sanguine tincta.

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1 Luc, x11, 8.

PRUDENT., lib. 11, Contr. Symmach.

* Di niuna nazione, che io sappia, fu costume di serbare il sangue, fuori de' primi cristiani, che usarono questa notabile

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