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des galeries; il fallait encore en percer les parois de mille ouvertures assez spacieuses pour contenir des corps; il fallait enfin pouvoir fermer hermétiquement ces ouvertures après l'inhumation. Sans cette précaution, les miasmes pestilentiels échappés des cadavres auraient rendu la Catacombe inhabitable. Vienne maintenant le plus habile architecte, et qu'il essaie de fermer ces arcades pratiquées dans la pouzzolane, avec de lourds morceaux de marbre ou de larges tuiles fortement cimentées et incrustées dans un sable qui tombe en poussière au plus léger contact, et il verra s'il est possible à la science humaine de résoudre un pareil problème. Telle est pourtant la manière rigoureusement nécessaire dont les loculi des Catacombes devaient être fermés: preuve évidente qu'ils ne pouvaient être pratiqués dans la pouzzolane.

Les Catacombes ne pouvaient être creusées dans le tuf lithoïde. Sans doute cette roche volcanique permet d'ouvrir de spacieuses galeries, de larges places, d'élégants tombeaux, et même des demeures commodes: mais le tuf lithoïde a toute la dureté de la pierre. Le même ouvrage qui, dans le tuf granulaire, demande les bras et la journée d'un homme, exige, dans le tuf lithoïde, les bras et la journée de trois hommes; parce que cette roche est, pour le moins, trois fois plus dure que la première. Si donc chacune des paroisses de Rome, avec un collége ou confrèrie de huit ou dix fossoyeurs, pouvait suffire à la sépulture des morts, en creusant les cimetières et les loculi dans le tuf

granulaire, qui offre, d'ailleurs, toute la solidité désirable, pour quel motif exiger de ces églises, si pauvres et si peu nombreuses, qu'elles entretinssent constamment vingt-quatre ou trente fossoyeurs, afin d'ouvrir des tombeaux dans le tuf lithoïde, dont l'excessive dureté n'était nullement nécessaire à leur pieux travail?

Indépendamment de ces raisons géologiques, plus que suffisantes pour expliquer la création des Catacombes dans le tuf granulaire, on peut dire que l'instinct seul de la conservation devait nécessairement les y placer. La pouzzolane et le tuf lithoïde étaient avidement recherchés des Romains, qui en faisaient une large consommation. En y creusant leurs retraites, les chrétiens s'exposaient évidemment à être bientôt découverts. Ils éloignaient, au contraire, le danger en se formant des demeures et des sépultures dans la partie du sol que le luxe ou la cupidité n'avait aucun intérêt à explorer. Ici le fait confirme le raisonnement: on ne connaît aucune Catacombe ou partie de Catacombe qui soit creusée dans le tuf lithoïde. Que reste-t-il maintenant? sinon à bénir la Providence d'avoir disposé les éléments de manière à ce que l'Église naissante trouvât, dans le sol même de Rome, un asile assuré de toutes parts.

Tels sont en abrégé les motifs sur lesquels s'appuie le savant Père Marchi, pour soutenir que nos Catacombes sont exclusivement l'ouvrage des chrétiens. Dans cette grande cause, j'ai exposé les raisons de l'un et de l'autre sentiment; le lecteur

jugera lequel mérite son adhésion. Je le prie seulement de se souvenir que, quel que soit le parti qu'on embrasse, l'authenticité des reliques n'en demeure pas moins inattaquable: nous le verrons clairement dans la suite de cette histoire.

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La Chapelle papale nous avait attirés à SaintPierre, et nous étions tout posés pour visiter la Catacombe Vaticane. Avant d'y pénétrer, il nous reste à compléter l'étude générale de la Rome Souterraine. Déjà nous savons que la main de nos pères créa la merveilleuse cité; mais tous les chrétiens sans distinction en furent-ils les architectes? Aucune direction ne présida-t-elle au travail? Nos cimetières sont-ils un amas de galeries juxtaposées au hasard et sans règle? L'étude des des Catacombes, d'accord avec l'histoire, répond négativement. Dans l'immense labyrinthe, on découvre un plan uniforme qui détermine les parties intérieures de chaque cimetière, et qui, reliant entre elles les différentes Catacombes, tend à n'en former qu'un seul et vaste dortoir.

D'abord, la dimension des galeries, inexplicable dans la supposition de l'origine païenne, se justifie d'elle-même au point de vue de la destination chrétienne et témoigne d'un plan sagement conçu. Les galeries sont étroites, et l'on comprend qu'elles doivent l'être. Il suffisait qu'elles donnassent passage à deux hommes chargés de déposer un mort dans la tombe. En outre, il y avait toujours une grande difficulté, quelquefois même un danger sérieux à transporter ailleurs les matériaux provenant de l'excavation. Ainsi les galeries devaient être d'autant plus resserrées que les déblais étaient accrus par l'impérieuse nécessité de creuser les parois, afin d'y pratiquer des ouvertures capables de recevoir deux, trois et même quatre

corps.

Ensuite, la direction rectiligne emprunte son explication au rit chrétien, suivant lequel les cadavres doivent être étendus dans le sépulcre, et non point courbés en arc ou en peloton. Quant à la taille verticale des parois, elle est en rapport avec la fermeture des différents étages de tombes. Il est bien évident qu'ils ne pourraient se soutenir, si la fermeture des tombes supérieures ne tombait perpendiculairement sur la partie pleine de la fermeture inférieure.

Enfin, la profondeur totale des loculi de droite et de gauche surpasse, en général, la largeur de la galerie intermédiaire; ce qui dénote d'une manière évidente que celle-ci a été ouverte pour le

service des tombes, et nullement dans un but d'exploitation matérielle.

Pas plus que les tombes et les galeries, la sépulture n'est laissée au caprice ou à l'arbitraire : le mode en est le même dans toutes les Catacombes. Une niche taillée horizontalement dans les parois, capable de contenir un ou plusieurs corps étendus, et fermée par des dalles de marbre, de pierre ou par de larges briques fortement cimentées; voilà ce qui se reproduit six millions de fois dans les cinquante quartiers de la Rome souterraine. Non moins que la forme des galeries, cette manière d'ensevelir les corps suppose donc un plan arrêté d'avance et rigoureusement maintenu. Elle prouve encore que ce plan même, ainsi que les Catacombes où il est exécuté, sont d'origine exclusivement chrétienne. Les Grecs et les Romains brûlaient les morts, dont ils renfermaient les cendres dans des urnes; les Égyptiens les conservaient dans leurs maisons. Les Juifs seuls taillaient leurs sépulcres dans les cavernes et les rochers, où ils déposaient les corps entiers, enveloppés de linges, après les avoir embaumés.

Comment ce mode de sépulture se trouve-t-il tout à coup en Occident, où il était inconnu; à Rome, où prévalait, depuis plusieurs siècles, un usage absolument contraire? En dehors des données chrétiennes, cette question demeure insoluble; au point de vue de la foi, elle s'explique d'elle-même.

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