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pas des légions de Fabius, de Scipion, de César et d'Auguste, partant pour la conquête du monde. Plus militaires encore sous le christianisme, elles devaient être parcourues, durant trois siècles, par la grande armée des martyrs, dont Pierre, Paul, Laurent, furent les illustres chefs, et la conduire à la double conquête du monde et de Rome ellemême.

Voies TRIOMPHALES; elles furent témoins de la gloire la plus grande à laquelle un mortel pût aspirer; elles contemplèrent les richesses et la force des nations conquises, apportées en tribut à la grande Rome; puis elles s'enorgueillirent en voyant élevés sur leurs bords les magnifiques mausolées des héros dont la vie et la mort devinrent pour elles un égal titre de gloire. Depuis qu'elles ont été foulées par les vainqueurs du monde romain; depuis qu'elles ont vu venir de l'Orient et de l'Occi dent les nations volontairement enchaînées au char des conquérants, partis de Rome, afin de reconnaître, par le double tribut de l'amour et de la foi, la glorieuse suprématie de la Ville éternelle; depuis qu'elles ont vu succéder, sur leurs bords, les tombes magnifiques des fondateurs et des soutiens du nouvel empire, aux tombeaux en ruines des consuls et des Césars: plus que jamais ne sont-elles pas devenues triomphales?

Telles sont les lieux célèbres où la Providence a marqué la sépulture des chefs et des premiers habitants de la nouvelle capitale du monde. Si grand est le nombre de leurs tombeaux, qu'ils forment une

ville souterraine dont nous voulûmes connaître la forme et l'étendue avant d'en étudier les détails.

Représentez-vous autour de la Rome qui brille à vos yeux, une autre Rome de plusieurs lieues d'étendue, cachée dans les entrailles de la terre, avec ses différents quartiers, désignés par des noms illustres; ses nombreux habitants de tout âge, de tout sexe, de toute condition; ses places publiques, ses carrefours, ses chapelles, ses églises avec toutes leurs parties; ses peintures, vivant tableau de la foi et des dispositions des générations dont elle est la demeure; ses innombrables galeries étagées les unes au-dessus des autres jusqu'au nombre de quatre et même de cinq, tantôt basses et étroites, tantôt hautes et larges; tantôt courant en ligne droite, tantôt se courbant sur elles-mêmes, fuyant dans tous les sens, se coupant, se mêlant, comme les allées d'un immense labyrinthe; ces galeries, ces places, ces chapelles, éclairées extérieurement, de distance en distance, par des ouvertures pratiquées à la surface du so!, et illuminées intérieurement par des millions de lampes de terre cuite ou de bronze, affectant la forme d'une nacelle; partout, à droite et à gauche, du sol jusqu'à la naissance des voûtes, des tombeaux, taillés horizontalement dans les parois des galeries telle est, autant qu'il est possible de le représenter par le discours, la forme de la Rome souterraine. Quant à son étendue, il suffit de dire, suivant le calcul des hommes dont la vie se passe à l'explorer, que si toutes les galeries étaient mises

bout à bout, elles formeraient une rue de trois cents lieues de longueur, bordée de six millions de tombes1.

Quelle est l'origine de cette ville, unique dans l'univers, dont elle est la plus étonnante merveille? A demain la réponse.

15 Décembre.

Origine des Catacombes. -Opinion de Bosio et de Boldetti. — Opinion du P. Marchi. Preuves historiques de l'origine exclusivement chrétienne des Catacombes. Preuves physiques.

Le désir de voir la collection des lampes antiques nous avait conduits au Musée du Collége romain. Nous y trouvâmes le P. Marchi, expliquant à des voyageurs anglais le plan des Catacombes de sainte Agnès. Le discours du savant

...... Cimiterj milledugento chilometri di longhezza con sei millioni di sepolori.... Queste misure e proporzioni a me, che sonomi studiato da quale anno, di mettere la popolozione cristiana di Roma ne' quatro indicati secoli, a confronto della vastità de' cimiterj in qualche modo percorsi da me medesimo, paiono molto ristrette. Perciò amerei che chi all' udire le migliaja e i millioni si sentisse tentato di tacciarmi d'esagerazione, ripetesse prima questo mio studio, Le P. Marchi, Monumenti primitivi delle Arti cristiane nella Metropoli del cristianesimo, etc., p. 90. Rome, 1844. Je citerai souvent cet ouvrage, dont la publication n'est pas encore terminée et qui renferme les explications que nous avons entendues de la bouche du savant

auteur.

religieux prit bientôt de plus larges proportions et embrassa toute l'histoire de la Rome souterraine.

Voici, avec de nouveaux développements, le fond de cet entretien, publié plus tard par le P. Marchi lui-même. Il importe de s'en bien pénétrer, parce qu'il est l'introduction nécessaire à l'étude de nos merveilleux cimetières.

Les archéologues des trois derniers siècles prétendent, en général, que nos Catacombes, furent primitivement ouvertes par les anciens Romains. A leur tête marchent l'immortel Bosio, Aringhi et l'excellent Boldetti. Une étude plus approfondie fait croire au P. Marchi que nos cimetières sont d'origine exclusivement chrétienne. Simple historien, je vais rapporter les raisons de part et d'autre, laissant au lecteur le soin de choisir lui-même l'opinion qui lui conviendra.

Commençons par l'étymologie du mot. Attenant à la partie de l'église de Saint-Sébastien qui regarde la voie Ardéatine, on trouve une enceinte souterraine, demi-circulaire et construite en maçonnerie 1. Cette enceinte, où furent déposés les corps de saint Pierre et de saint Paul, touche au vaste cimetière de Callixte ou de SaintSébastien, avec lequel cependant elle n'a aucune communication. A elle seule fut donné originairement et appartient proprement le nom de Catacombes, c'est-à-dire, lieu près des Tombeaux,

' Voir le plan à la fin du volume.

dont on a fait plus tard, suivant quelques auteurs, le nom de Catacombes, appliqué à tous les cimetières de Rome. De là cette expression si fréquente du Martyrologe: Romæ ad Catacombas natalis sancti, etc.; A Rome, près des Catacombes, nativité de saint, etc., pour indiquer que le martyre eut lieu près de l'enceinte dont je viens de parler. D'autres font dériver le mot Catacombe du grec Catacombè qui veut dire fosse profonde, excavation, souterrain, parce que les cimetières de Rome sont creusés dans les profondeurs des carrières de Pouzzolane 2.

Quelle main avait primitivement ouvert ces carrières? Évidemment une main païenne. Les Romains, suivant Boldetti, ne tardèrent pas à reconnaître que la campagne où leur ville est assise renfermait d'excellents matériaux pour les constructions, tels que le tuf et le sable appelé Pouzzolane. La pensée leur vint naturellement d'en opérer l'extraction. Mais, afin de ne point endommager la surface du sol, ils pratiquèrent seulement de petites ouvertures, au moyen desquelles, descendant dans les profondeurs de la terre, ils en fouillèrent les entrailles un pareil système conciliait tous les avantages. D'une part, il laisait à peu près intacte la superficie de la campagne; d'autre part, il donnait la facilité d'extraire tous les maté

2 Locus cavus atque profundus, qualia Romæ præsertim cœmeteria esse solebant in arenariis profundis cryptis excavata. - Baron. An, ad Martyr. 20 jan.

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