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et doit se mouvoir sans empêchement, en n'empiétant pas sur la sphère de liberté ou de droit qui appartient pareillement aux autres. Tant qu'il reste dans le cercle qui lui est ainsi tracé, il est dans son droit et l'état le protége contre tout empiétement tenté par d'autres. Car cet empiétement constitue un tort, une injustice, qui ne doit pas être soufferte.

Mais, réciproquement, chaque particulier doit s'engager à respecter la sphère de liberté extérieure, la sphère de droit des autres particuliers, et à s'abstenir de tout trouble, qui constituerait une injustice.

Par là se développe une chaîne continue de droits et de devoirs ou obligations réciproques des citoyens entre eux. Car les actions extérieures qui se renferment dans le cercle juridique assigné à un citoyen, et auxquelles il est ainsi autorisé sous la protection de l'état, forment ses droits (jura), qu'on nomme aussi, dans leurs manifestations particulières, facultés, facultés juridiques. Les devoirs qui y correspondent, qui partant sont imposés à d'autres, ne sont qu'une conséquence naturelle et nécessaire de ces droits. Les rapports particuliers, où se trouvent par là placés les uns à l'égard des autres les membres de la communauté juridique, s'appellent rapports de droit.

Maintenant, celui qui reconnaît, comme il le doit, tous les droits d'autrui, et qui en même temps accomplit ses propres devoirs, celui-là agit, se conduit avec droiture, est un homme droit, c'est-à-dire agit selon le droit, selon la justice.

Injuria ex eo dicta est, quod non jure fiat. Omne enim, quod non jure fit, injuria fieri dicitur. ULPIANUS, fr. 1, pr., D., XLVII, 10, De injur.

Justitia est constans et perpetua voluntas, jus suum cuique tribuendi.

Juris præcepta sunt hæc : honeste vivere, alterum non lædere, suum cuique tribuere. Pr. et § 1, I., 1, 1, De justit. et jure,

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Droit public et privé.

Les rapports juridiques dans lesquels nous rencontrons l'homme, comme membre de l'état, sont de deux espèces.

Il se trouve d'abord, comme simple individu, visà-vis d'autres simples individus qui appartiennent également à l'état. Cette position donne lieu au développement d'une multitude de rapports de droit des particuliers entre eux, rapports qui ne semblent avoir d'importance prochaine et immédiate que pour ces particuliers, comme particuliers, privi, c'est-àdire singuli homines, privati, sans concerner immédiatement les intérêts de l'état tout entier. Aussi l'état abandonne plus ou moins le règlement de ces rapports aux particuliers eux-mêmes, et se contente de poser en général certains principes fixes, d'après lesquels ces rapports juridiques des particuliers seront reconnus et jugés, en tant que compatibles avec le bien commun et le but général du droit. Ces principes forment le droit privé, privatum jus, appelé aussi par les Romains jus civile.

Mais le particulier contribue aussi à former la société civile, l'état dont il est membre, et mérite, à ce point de vue, de fixer l'attention comme partie inté grante de cette universalité. De là le développement d'une foule de rapports de droit, qui, médiatement, touchent et intéressent aussi toujours plus ou moins ce particulier, non dans ses relations comme particulier avec d'autres particuliers, mais dans ses rela

tions avec l'ensemble de l'état. Ce sont donc des rapports juridiques de l'état lui-même, et les principes qui les régissent forment le droit public, publicum jus. Ce droit comprend et la constitution politique de l'état, avec l'organisation spéciale qui s'y rapporte, et la détermination des divers pouvoirs gouvernementaux, c'est-à-dire des pouvoirs qui sont accordés au chef constitutionnel de l'état, pour qu'il puisse agir, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, et gouverner conformément au but de l'association civile, ainsi que l'exposition des principes d'après lesquels ces pouvoirs gouvernementaux doivent être exercés.

Au reste, la ligne de séparation entre le droit public et le droit privé ne peut pas, on le conçoit facilement, être tracée si exactement, qu'il ne reste plusieurs points qui paraissent, d'un côté et sous un certain rapport, appartenir au jus privatum, et, d'un autre côté et sous un autre rapport, appartenir au jus publicum. C'est aussi un fait généralement observé que, dans les états dont le développement est encore peu avancé, beaucoup de points, qui appartiennent proprement au droit public, revêtent encore la forme du pur droit privé, et ne passent que peu à peu dans le cercle du droit public. Réciproquement, il est aussi pour un peuple certaines situations politico-religieuses, d'après lesquelles beaucoup de rapports juridiques, qui par leur nature appartiennent proprement au droit privé, prennent une forme qui rappelle plutôt le droit public. Ces deux résultats de l'expérience sont confirmés notamment par l'histoire du droit romain.

Enfin, chaque homme en particulier se présente aussi et en même temps comme membre de la communauté religieuse à laquelle il se rattache par sa croyance. Il se trouve ainsi placé dans des rap

ports religieux plus ou moins spéciaux. Ces rapports se confondent, il est vrai, parfois complétement, avec les autres rapports juridiques qui existent dans l'état; c'est ce qui arrive là où la religion est une véritable religion nationale. Il en était ainsi chez les Romains, qui, très-logiquement, rangeaient leur jus sacrum dans le jus romanum publicum. Mais là où ces conditions n'existent pas, comme dans nos états chrétiens notamment, le rapport de chaque croyant avec sa communauté, avec l'église, forme un droit propre, spécial, le droit ecclésiastique. Seulement il ne faut pas confondre avec ce droit ces maximes qui, considérées en elles-mêmes, ne contiennent que des règles de vrai droit public ou privé, mais qui sont accidentellement empruntées à des sources étroitement liées au droit ecclésiastique. Nous en trouvons un exemple dans une grande partie de notre droit canonique.

Hujus studii duæ sunt positiones, publicum et privatum. Publicum jus est, quod ad statum rei romanæ spectat. Privatum, quod ad singulorum utilitatem. § 4, I., 1, 1, De just, et jure.

Sunt enim quædam publice utilia, quædam privatim. Publicum jus in sacris, in sacerdotibus, in magistratibus consistit. ULPIANUS, fr. 1, § 2, D., 1, 1, De just. et jure.

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Le droit positif; son établissement par des lois publiées
ou par des coutumes.

L'ensemble du droit que nous rencontrons dans l'histoire comme universellement reconnu, et par conséquent en vigueur, chez tel peuple, à une certaine époque, s'appelle le droit positif de ce peuple, qu'il soit encore aujourd'hui en vigueur ou qu'il y ait été jadis.

Ce droit positif d'un peuple, comme état historique, ne peut naturellement résulter que de certains faits historiques, savoir de faits par lesquels la volonté juridique générale, c'est-à-dire la volonté collective du peuple réuni en société civile, formant un état, se prononce sur ce qui doit valoir comme règle de droit reconnue. Ces faits constituent alors les sources du droit positif.

Comme l'universalité des membres de l'association a deux manières de manifester sa volonté juridique, ces sources du droit sont aussi de deux espèces.

En effet, la volonté juridique de cette universalité peut s'exprimer d'abord en forme de lois publiées. C'est ce qui arrive quand le fonctionnaire ou le corps politique auquel ce pouvoir législatif a été confié par la constitution, et qui, en conséquence, se présente comme un organe juridique universellement reconnu du peuple entier, porte à la connaissance du public, dans la forme constitutionnelle, un précepte de droit, avec l'ordre exprès que tous les citoyens, ou du moins les classes de citoyens auxquelles il est directement adressé, le suivent à l'avenir comme règle, et y conforment leurs actions. Ces lois peuvent se rapporter aussi bien au droit blic qu'au droit privé, puisque tous les deux se trouvent également sous la surveillance de l'autorité suprême. Ensuite l'objet et l'étendue des lois peuvent différer beaucoup à d'autres égards: de là les divisions des lois en lois générales, spéciales, permissives, impératives, prohibitives, etc.

pu

Mais la volonté collective du peuple sur ce qui doit valoir comme droit peut aussi se manifester avec certitude et précision dans le peuple lui-même immédiatement, sans l'entremise de la puissance législa

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