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et des biens, dont le commerce ne saurait guère se passer. Aussi l'expérience et l'histoire nous montrentelles le droit d'obligation se développant presque en même temps que la notion de la propriété, aussitôt du moins que cette notion a atteint un certain degré de perfectionnement.

Le mot obligatio paraît avoir désigné, dans le principe, l'acte, l'événement qui introduit un semblable rapport de droit; mais sa signification s'étendit peu à peu, et ce mot exprima plus tard, tantôt l'ensemble de ce rapport juridique entre le créancier et le débiteur, tantôt le droit qui en résulte pour le créancier d'exiger une prestation du débiteur, c'està-dire la créance, creditoris obligatio; tantôt l'engagement qui en résulte de la part du débiteur de faire cette prestation au créancier, c'est-à-dire l'obligation, debitoris obligatio.

C'est à cette position d'une personne qui oblige une autre, et d'une personne qui est obligée envers une autre, position qui constitue l'essence du rapport d'obligation, que se rapportent les diverses expressions figurées employées à ce sujet dans les sources, surtout dans celles de l'ancien droit romain: nexum, nectere, obligatio, obligare, contractus, contrahere.

S. 119.

De l'objet et du contenu de l'obligation en général.

L'objet direct de l'obligation n'est jamais une chose déterminée, mais seulement une action de la personne, une prestation que le créancier peut exiger de son débiteur.

Cette prestation doit toujours être possible physiquement et légalement.

Elle doit toujours être appréciable en argent : elle tend, en effet, soit au payement d'une somme d'argent, soit à la dation d'autres choses utiles, soit enfin à des actes, qui, bien que ne consistant pas à donner des choses, sont cependant propres à procurer un· avantage pécuniaire à celui qui a le droit de les exiger comme créancier.

Ajoutons que la prestation doit toujours être telle que le créancier ait véritablement un intérêt juridique à l'exiger.

Enfin elle ne doit être entièrement laissée à la pure volonté du débiteur, ni quant à son espèce, ni quant à son étendue; comme aussi elle doit, en général, avoir une étendue exactement déterminée, parce qu'il est de l'essence de l'obligation que, par son exécution complète, tout le rapport juridique existant entre le créancier et le débiteur se dissolve de lui même.

Au reste, l'objet de l'obligation peut être d'espèce très-diverse; il peut être tantôt certum, tantôt incertum, et les Romains cherchent à résumer les divers cas, en disant que toutes les obligations tendent à dare, ou à facere, ou à præstare.

C'est précisément sur la différence des prestations que sont fondés, en grande partie, les caractères propres des différentes obligations que distingue le droit romain; aussi nous ne parlerons de cette différence qu'en traitant spécialement de chacune de ces obligations. Cependant nous pouvons, nous devons même nous occuper ici de deux sortes de pres tations, qui sont d'une nature plus générale, et dont il est question dans un grand nombre d'obligations : ce sont les dommages-intérêts et les intérêts.

Obligationum substantia non in eo consistit, ut aliquod corpus nostrum, aut servitutem nostram faciat, sed ut alium nobis ad

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stringat, ad dandum aliquid, vel faciendum, vel præstandum. PAULUS, fr. 5, pr., D., XLIV, 7, De obligationibus et actionibus.

In personam actio est, quotiens cum aliquo agimus, qui nobis ex contractu, vel ex delicto obligatus est, id est, quum intendimus: dare, facere, præstare oportere. GAI., Comm. IV, § 2.

Ea enim in obligatione consistere, quæ pecunia lui, præstarique possunt. ULPIAN., fr. 9, § 2, D., XL, 7, De statu liber.

Alteri stipulari nemo potest. Inventæ sunt enim hujus modi obligationes ad hoc, ut unusquisque sibi adquirat, quod sua interest; cæterum, si alii detur, nihil interest stipulatoris. § 19, I., ш, 19, De inutilibus stipulationibus.

$ 120.

De l'obligation de réparer le dommage, ou de fournir des dommages-intérêts.

Dig., lib. xxII, tit. 1, De usuris et fructibus et causis et omnibus accessionibus et mora.

Dig., lib. xi, tit. 3, De in litem jurando.

Cod.,

lib. tit. 53, De in litem jurando.

Cod., lib. vi, tit. 47, De sententiis quæ pro eo quod interest profe

runtur.

Il n'est pas rare que quelqu'un soit tenu de réparer le dommage pécuniaire qu'un autre a éprouvé, damnum præstare, soit principalement, en vertu d'une obligation spéciale et indépendante, soit accessoirement, à l'occasion d'une autre obligation. Cela suppose toujours une cause particulière qui ait fait naître de sa part cette obligation.

Cette cause peut d'abord consister en ce que, soit d'avance, soit après coup, il s'est volontairement chargé de la garantie du dommage éprouvé par autrui.

Elle peut aussi résider dans les dispositions générales de la loi.

Sous ce dernier rapport, la règle est que, si le dom

mage éprouvé est purement accidentel, survenu par cas fortuit, casu, il doit être supporté par celui dans la personne ou la chose duquel il est arrivé.

Pareillement, chacun doit supporter le dommage qu'il a éprouvé par sa propre faute.

Mais celui qui a souffert le dommage peut s'en prendre à un autre, pour s'en faire indemniser, quand celui-ci a occasionné le dommage, directement ou indirectement, par un fait contraire au droit, à lui imputable.

En général, on appelle faute, culpa, tout fait contraire au droit et imputable, qu'il consiste dans une action positive ou dans la simple inaction, en tant qu'il soumet à une responsabilité juridique celui qui l'a commis, responsabilité qui, sous le rapport des dommages-intérêts, n'a lieu que si cet acte a eu effectivement pour d'autres personnes un résultat mauvais et préjudiciable.

Cette culpa, dans l'acception large du mot, se divise, relativement à l'espèce et au degré de culpabilité, en dolus et en culpa strictemennt dite.

Le droit romain entend par dolus, sous ce rapport, non pas la simple ruse, mais toute injustice commise exprès et sciemment, en tant qu'elle provient en même temps d'un motif moralement répréhensible. Toute action qui ne rentre pas dans cette notion du dolus, parce qu'il y manque une ou plusieurs de ces conditions, mais qui porte néanmoins en elle le caractère de l'injustice, s'appelle culpa. Comme, du reste, certaines formes de la faute sont, non sous le rapport de la criminalité et du droit pénal, mais sous le rapport de la responsabilité privée qu'elles entrainent, traitées exactement comme le dol, et lui sont ainsi assimilées à cet égard, on s'explique facilement l'expression que les textes em

ploient à ce sujet culpa dolo proxima, culpa quæ dolo æquiparatur. Cette espèce de culpa est même positivement appelée dolus dans une acception large du mot.

Le dol et la faute supposent tous deux, de la part de celui à qui on les reproche, non-seulement l'imputabilité juridique de l'action, en général, mais encore, pour qu'il y ait injustice, l'obligation juridique de tenir une conduite opposée. Sous ce dernier rapport, il y a une grande différence entre les actions dommageables positives, et les simples omissions dans des circonstances où, en agissant, on aurait pu prévenir le dommage.

En effet, partout et dans toutes les occasions on est responsable de ses actions nuisibles positives, soit qu'elles proviennent d'un dol ou d'une simple faute, soit que, dans ce dernier cas, la faute reprochée à l'auteur de l'action ait plus ou moins de gravité, pourvu, cependant, qu'il y ait faute. La raison en est que tout préjudice causé par une action positive, facere, est en contradiction directe avec le principe général du droit : neminem læde. Là-dessus se fondent les dispositions de la lex Aquilia et le délit qu'elle réprime, le damnum injuria datum, dont il sera parlé plus bas, § 148.

Il en est autrement de la simple inaction, de l'omission. Personne n'est obligé, par un principe général du droit, envers tous ses concitoyens, à une activité positive, à des soins attentifs pour détourner le dommage dont ils peuvent être menacés, en un mot, à une diligentia. C'est seulement par exception, dans les cas où, pour quelques causes particulières, certaines personnes ont acquis le droit spécial d'exiger une telle diligentia, c'est seulement alors que l'omissio diligentiæ, appelée aussi negligentia (nec diligen

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