De la Chanson. D. Qu'est-ce que la Chanson? R. C'est une espèce de petit poëme ly. rique, qui roule ordinairement sur des sujets agréables, et auxquels on ajoute un air qui se chante dans des occasions familières, soit à table avec des amis, soit même étant seul, pour se distraire de l'ennui, de la peine, ou du travail. Les Français l'emportent sur toute l'Europe, dans l'art de composer des chansons, par le sel ou la grâce qu'ils savent y répandre. D. Quelle est la matière des chansons? R. C'est communément l'amour, le vin, et la satire ; ce qui en établit de trois sortes: D. Faites connaître ces différences par des exemples? R. Les premières, dites érotiques, exigent beaucoup de finesse dans l'esprit, et de délicatesse dans le sentiment. Le couplet suivant réunit ces qualités : Oiseaux, si tous les ans vous changez de climats, Mais votre courte destinée Ne vous permet d'aimer qu'en la saison des fleurs, Cette espèce de chanson prend le nom de Romance, lorsqu'elle contient une historiette d'amour. Les chansons que l'on appelle bachiques, se distinguent par l'enjouement, l'abandon, et un certain délire, qui tient presque de l'enthousiasme. Nous citerions volontiers comme un modèle de cette espèce, la fameuse chanson d'Adam, menuisier de Nevers, qui commence ainsi : Aussitôt que la lumière. Mais cette chanson étant trop connue, nous lui préférons la suivante, qui l'est beaucoup moins. Elle est mise dans la bouche d'un Roi de la fève : Chers enfans du Dieu de la tonne, Le seul trône où j'ose prétendre, Les limites de mon empire Seront de la table au cellier: C'est de bien boire, et le premier, Après quoi je ne veux pour gage Pour tout respect, pour tout hommage, Armez-vous donc d'une bouteille, Buvez, c'est tout ce que j'ordonne; La troisième espèce de chanson s'appelle satirique, autrement vaudeville. Elle est partagée pour l'ordinaire en stances ou couplets, dont le sujet est simple, le style familier et les pensées satiriques. Ce sont les actions répréhensibles, les mœurs irrégulières, les événemens remarquables par leur singularité ou leur importance, qui fournissent la matière des vaudevilles. Il en résulte que les uns sont moraux, les autres historiques. Parmi les premiers, il faut en distinguer ceux dont les traits mordans et caustiques attaquent, en général, le vice ou le rididicule. Ils peuvent n'être pas moins utiles, sans donner dans l'odieux des personnalités. Panard s'est fait en ce genre une réputation brillante. On lui a donné avec justice le glorieux surnom du La Fontaine du Vaudeville. C'est de lui que nous empruntons la pièce suivante, qui peint si bien les charmes du vaudeville, à table : Que ferait-on dans un repas, Si la chanson n'en était pas ? Malgré la quantité des mets appétissans, Qu'avec un ordre exquis sur la table on entasse, Dans une langueur insipide, Sur l'assiette baissant les yeux, Tous les gens du festin gardent le sérieux; Les hommes sont pesans, le beau sexe est timide: Le joyeux vaudeville arrive. Rend la prude moins fière, et l'agnès moins craintive; Plus de contrainte. C'est alors Que l'hôte plus aimable, et l'hôtesse plus vive, Saisissant un flacon scellé, Qui de Reims et d'Aï tient la liqueur captive, Le liége déficelé. Tout le cercle attentif porte un regard avide Ils présentent leur verre vide, On redouble, et par l'assemblée La mousse champenoise à plein verre est sablée. CHAPITRE IV. D. Qu'est-ce que l'Acrostiche? R. C'est une pièce composée d'autant de vers qu'il entre de lettres dans le nom de la personne ou de la chose qui en est le sujet. Et le nom se trouve placé de manière que chacune des lettres qui le forment est la lettre initiale de chaque vers; ce qui offre aux yeux le même nom écrit en marge de la pièce. En voici un exemple sur le mot de Louis. ouis, astre des rois, incomparable Mars! Oracle de la paix, arbitre de la guerre, ous surpassez la gloire et le sort des Césars. ouissez du repos, n'allez plus aux hasards, vi ce n'est pour soumettre aux lis toute la terre. Nos anciens poëtes, à la renaissance des lettres, sous François Ier, s'attachèrent beaucoup aux acrostiches. Ils furent même en vogue jusqu'au siècle de Lonis XIV, époque où l'on couvrit enfin de ridicule ce genre d'ouvrage, et les auteurs qui s'y exerçaient. On ne peut voir sans pitié les efforts qu'on a faits pour augmenter les difficultés de ces jeux d'esprit. Il existe des acrostiches qui commencent ou finissent par les lettres fixées; d'autres, où elles se trouvent à la fin du premier hémistiche, ou au commencement du second; d'autres, |