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Ce billet d'invitation de Voltaire à Bernard, peut être regardé encore comme un joli madrigal :

Au nom du Pinde et de Cythère,
Gentil Bernard est averti

Que l'Art d'aimer doit samedi

Venir souper chez l'Art de plaire.

De la Ballade et du Chant royal.

D. Qu'est-ce que la Ballade?

R. La ballade est une pièce composée ordinairement de trois strophés et d'un envoi. Ces strophes sont disposées de manière que le dernier vers de la première sert de refrain à la fin des autres strophes et de l'envoi qui termine la ballade. Boileau a dit:

La Ballade, asservie à ses vieilles maximes
Souvent doit tout son lustre au caprice des rimes.

C'est sans doute à cause de ce faible mérite que nos poëtes ont renoncé depuis long-temps à ce genre. On ne connaît qu'une ballade de Rousseau et une de Piron.

D. Quel est son style et son caractère? R. La matière des ballades est arbitraire. Elle est sérieuse ou badine. Au premier cas, on se sert de huit syllabes, dans le style simple au second cas on se sert de vers dissyllabiques et en style marotique.

Les ballades les plus exactes ont un envoi de quatre vers, lorsque les strophes sont de huit; l'envoi est de cinq, lorsque les strophes sont de dix; et enfin, on l'étend à six vers, lorsque les strophes sont de douze, ce qui est rare.

D. Citez-en un exemple?

R. Voici la ballade que Piron adressa à Louis XV, après la bataille de Fontenoy :

Pour être servi comme il faut,
Donner l'exemple est d'un roi sage.
Marche-t-il; tout vole aussitôt,
Et la victoire est du voyage.
L'œil du maître est un bon adage,
Attestons-en Sa Majesté.

Est-ce bien ou mal attesté?
La question est belle à soudre.
Sire, dites la vérité.

Il n'est que d'être à son bled moudre..

Rien n'était trop lourd, ni trop chaud
Pour l'Anglais, qui semblait de rage
Vouloir avaler tout l'Escaut,
Et faire ici l'antropophage.

Vous fûtes vous mettre au passage;
Et quand Mylord eut bien trotté,
Il vous trouva là tout botté.
Alors il en fallut découdre,
Et Dieu sait qui fut bien frotté.

Il n'est que d'être à son bled moudre.

Aussi Cumberland dit tout haut:
Ma foi! messieurs, plions bagage,
La grue en l'air, après tout, vaut
Mieux que le moineau dans la cage,
Peut-être on fait chez nous tapage,
Tandis qu'ici tout est gâté.

De nos souliers, tout bien compté,
Croyez-moi, secouons la poudre,
Et regagnons notre côté.

Il n'est que d'être à son bled moudre.

Envoi.

Prince, tout a des mieux été;
Revenez dans votre cité;

Un peu de calme après la foudre.
En hiver comme en été,

Il n'est que d'être à son bled moudre.

D. Qu'appelez-vous Chant Royal?

R. Le Chant royal, également tombé en désuétude, comme la ballade, n'en diffère que par le nombre des couplets et la mesure des vers. Ces couplets sont toujours au nombre de cinq, composés chacan de onze vers, qui ne peuvent être qu'alexandrins.

Le titre de chant royal indique, au surplus, que cette pièce était exclusivement réservée aux princes ou princesses dont la qualité devait entrer aussi dans le premierou le second vers de l'envoi.

Du Rondeau.

D. Qu'est-ce que le Rondeau?

R. Le rondeau est une pièce dont le sujet n'est guères qu'un badinage. Une ingénieuse simplicité le caractérise. D. Quelle en est la structure?

R. Il comprend treize vers qui roulent sur deux rimes sculement.

La première est employée sept fois, et l'autre six. On distribue ces rimes en deux stances de cinq vers, séparées par un tercet, et l'on ajoute au bout du tercet et de la dernière stance un refrain pris du premier hémistiche du rondeau. Ce refrain doit être amené avec esprit et faire un sens avec ce qui le précède; enfin, la chute doit être naturelle et délicate. Le rondeau sera parfait, si, dans les trois endroits où se trouve le refrain, autrement la reprise, les applications en sont différentes et heureuses.

D. Quels vers emploie-t-on dans le rondeau?

R. On y emploie d'ordinaire les vers de dix syllabes. Ceux de huit peuvent également y trouver place, mais il n'est poiut permis d'en admettre de différente mesure. D. Citez-nous un exemple?

R. En voici un qui fut composé à l'occasion des Métamorphoses d'Ovide, mises en rondeaux par Benserade :

A la fontaine, où s'énivre Boileau,
Le grand Corneille, et le sacré troupeau
De ces auteurs que l'on ne trouve guère,
Un bon rimeur doit boire à pleine aiguière,
S'il veut donner un bon tour au rondeau.

Quoique j'en boive aussi peu qu'un moineau
Cher Benserade, il faut te satisfaire ;
T'en écrire un, eh! c'est porter de l'eau

A la fontaine.

De tes refrains un livre tout nouveau
A bien des gens n'a pas eu l'heur de plaire.
Mais quant à moi, j'en trouve tout fort beau,
Papier, dorure, images, caractère,

Hormis les vers qu'il fallait laisser faire

A La Fontainė.

D. N'y a-t-il pas une autre espèce de rondeau?

R. Oui c'est celui qu'on appelle rondeau redoublé, mais il n'est plus guère en usage; en voici les régles: il comprend six quatrains sur deux rimes; chacun des vers du premier quatrain doit, selon son ordre, terminer les quatre stances qui suivent la première, et à la fin du sixième quatrain, on répète le premier hémistiche du vers qui commence le rondeau.

Du Triolet.

D. Qu'est-ce que le Triolet?

R. Le triolet est une sorte de rondeau, puisqu'il se reprend et tourne trois fois sur lui même. Il est seulement composé de huit vers, dont le premier est le même que le 4°. et le 7., et doit rimer avec le 3°. et le 5., le 2. vers rime avec le 6. et le 8., en sorte que la pièce ne peut avoir

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