Mettez en action la morale commune, Les faibles et les forts, leur diverse fortune: Mais sous ce masque est l'homme avec tous ses défauts ; Et chaque caractère à son tour peut s'y voir. En vain gronde Lessing: ce peintre en raccourcis Si l'erreur de Boileau, dont il fut oublié, Plaignons ce grand talent, dont la muse instructive, Ce pauvre bûcheron, par Boileau corrigé, A fait dire aux neuf sœurs : « La Fontaine est vengé. » De l'Églogue et de l'Idylle. D. Qu'est-ce que l'églogue? R. L'églogue est un tableau de la vie champêtre, où l'on peint les entretiens et les actions des bergers, et dont le plus souvent ils sont eux-mêmes les personnages. D. Quelle différence y a-t-il entre l'églogue et l'idylle? R. Plusieurs écrivains se sont attachés à reconnaître cette différence. On prétend qu'elle consiste en ce que, dans l'églogue, on fait dialoguer les bergers; qu'ils racontent entre eux leurs aventures, leurs peines, leurs plaisirs; qu'ils comparent la vie tran quille et heureuse dont ils jouissent, avec les passions dont la nôtre est traversée, et les chagrins qui altèrent notre bonheur; au lieu que dans l'idylle, c'est nous qui comparons le trouble et les travaux de notre vie avec la tranquillité des bergers, et les passions qui nous tyrannisent avec la simplicité de leurs mœurs. Quoi qu'il en soit, ces deux poëmes traitent des sujets de même nature; ce qui les fait confondre ensemble, comme on en jugera par cette charmante définition, où Boileau se sert indifféremment des mots idylle et églogue, pour exprimer la même chose: Telle qu'une bergère au plus beau jour de fête, Cueille en un champ voisin ses plus beaux ornemens : Au contraire, cet autre, abject en son langage, On dirait que Ronsard sur ses pipeaux rustiques Entre ces deux excès la route est difficile: D. Quelle doit être l'action de l'églogue? R. L'action de l'églogue étant champêtre, le lieu de la scène doit être la campagne. Ses acteurs, qui sont des bergers, ne connaissent d'autre science que le soin de leurs troupeaux, et la culture de leurs terres; d'autres trésors que ceux qu'ils retirent de leur travail, d'autres plaisirs que ceux où la nature même les invite. Il s'ensuit que le sujet de l'églogue ne doit représenter que des mœurs pures et inno centes. D. Quel doit être son style? R. Boileau, dans le passage qu'on vient de rapporter, a donné tout-à-la-fois le précepte et l'exemple. Il suffit donc d'opposer ici les défauts qu'on doit éviter dans le style de l'églogue aux beautés qu'il est nécessaire d'y répandre. C'est ce que Gresset a fort bien exprimé, dans cette plainte que forme Euterpe, muse de la poésie pastorale: ce morceau, qui est sur le véritable ton, et dans le véritable style de l'églogue et de l'idylle, peut servir en même temps de modèle: Lorsque le paisible Élysée A peine la muse fleurie D'un nouveau berger de Neustrie (Fontenelle) La bergère, outrant sa parure, Nous retranchons ici quelques strophes pour en venir à celles où le poëte prescrit les règles à suivre pour composer une bonne églogue: Affranchis l'églogue captive, La nature, sur chaque image, Il veut des grottes, des fontaines, Là, dans leur course fugitive, Sur cette scène toute inculte, Mais par la plus charmante aux yeux, On aime à voir, loin du tumulte, Un peuple de bergers heureux. Le cœur, sur l'aile de l'idylle, Porté loin du bruit de la ville, Vient être berger avec eux. |