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La Grèce, à son tour, a été féconde en poëtes lyriques, tels que Simonide, Stési-chore, Alphée, Sapho, Pindare et Anacréon; mais ces deux derniers sont les seuls que le temps ait épargnés. Pin dare est celui de tous qui s'est rendu le plus célèbre par la grandeur des idées, la beauté des images, les écarts et les tran sports fougueux de l'enthousiasme.

Les Latins ne comptent qu'un seul poëte lyrique. C'est Horace, qui a su réunir le sublime de Pindare, la douceur d'Anaeréon, et le feu de Sapho.

Parmi nous, on cite avec honneur Malherbe, J.-B. Rousseau, et Le Franc de Pompignan, pour le genre héroïque. Pompignan fut le disciple de Rousseau, dont il a même chanté la mort en vers souvent dignes de son maître. Tout le monde a admiré cette magnifique strophe de son ode consacrée à la mémoire de notre grand lyrique :

Le Nil a vu sur ses rivages

De noirs habitans des déserts

Insulter, par leurs cris sauvages,

L'astre éclatant de l'univers.
Crime impuissant! fureurs bizarres !
Tandis que ces monstres barbares
Poussaient d'insolentes clameurs,
Le Dieu, poursuivant sa carrière
Versait des torrens de lumière
Sur ses obscurs blasphémateurs.

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Racan, élève de Malherbe, ne manquait pas de génie, mais ses odes, excepté celle au comte de Bussi, sont trop négligemment écrites.

Si La Motte, dans ses odes héroïques et morales, a paru froid, languissant, mo notone, il a du moins réussi dans celles du genre gracieux.

On ne parle plus des odes sacrées de M. de Bologne, quoique le style en soit pur, élégant, harmonieux et naturel, parce que l'auteur manque de deux qualités essentielles au genre lyrique, la force et l'enthousiasme.

Ces deux qualités, au contraire, caractérisent les odes de Le Brun. C'est dommage seulement qu'il n'ait pas mieux conçu ses plans, ni évité cet accouplement de mots étonnés d'être ensemble; car on remarque par-tout, dans ses odes, l'empreinte du talent lyrique. On se bornera à citer ici une strophe, celle adressée à Buffon, où il compare la retraite studieuse du génie à celle de la chrysalide:

Ainsi l'active chrysalide
Fuyant le jour et le plaisir,
Va filer son trésor liquide
Dans un mystérieux loisir ;
La nymphe s'enferme avec joie
Dans ce tombeau d'or et de soie
Qui la voile aux profanes yeux ;

Certaine que ses nobles veilles
Enrichiront de leurs merveilles
Les rois, les belles, et les Dieux.

De la Fable.

D. Qu'est-ce que l'Apologue, ou Fable? R. C'est une narration, qui, sous le voile d'une fiction agréable, tirée des êtres animés ou inanimés, doués ou privés de raisonnement, cache une instruction propre à corriger les mœurs des hommes, sans blesser leur amour-propre.

D. Quelle est l'action de la fable?

R. Son action est fondée sur un fait imaginaire, que le fabuliste attribue tantôt aux dieux, tantôt aux hommes, plus souvent aux animaux, quelquefois à des êtres privés de sentiment, ou même à des êtres purement intellectuels, mais qu'il personnifie, comme la vertu, le talent, la modestie, etc.

D. L'emploi de ces divers personnages n'établit-il pas différentes espèces de fables? R. On en distingue de trois espèces. La première qu'on appelle raisonnable; la 2o morale; et la 3° mixte.

D. Qu'appelez-vous fable raisonnable? R. On appelle ainsi la fable dont les interlocuteurs sont des dieux ou des hommes; par exemple, celle-ci de La Fontaine, intitulée, Le Bûcheron et Mercure, à M. le C. de B.

Votre goût a servi de règle à mon ouvrage :
J'ai teuté les moyens d'acquérir son suffrage.
Vous voulez qu'on évite un soin trop curieux,
Et des vains ornemens l'effort ambitieux.
Je le veux comme vous: cet effort ne peut plaire.
Un auteur gâte tout quand il veut trop bien faire.
Non qu'il faille bannir certains traits délicats:
Vous les aimez ces traits; et je ne les hais pas.
Quant au principal but qu'Esope se propose,
J'y tombe au moins mal que je puis.

Enfin, si dans ces vers, je ne plais et n'instruis,
Il ne tient pas à moi; c'est toujours quelque chose.
Comme la force est un point,

Dont je ne me pique point,

Je tâche d'y tourner le vice en ridicule,
Ne pouvant l'attaquer avec des bras d'Hercule.
C'est là tout mon talent: je ne sais s'il suffit.
Tantôt je peins en un récit

La sotte vanité jointe avecque l'envie,
Deux pivots sur qui roule aujourd'hui notre vie.
Tel est ce chétif animal

Qui voulut en grosseur au bœuf se rendre égal.
J'oppose quelquefois, par une double image,
Le vice à la vertu, la sottise au bon sens,
Les agneaux aux loups ravissans,
La mouche à la fourmi; faisant de cet ouvrage
Une ample comédie à cent actes divers,
Et dont la scène est l'univers.

Hommes, dieux, animaux, tout y fait quelque rôle,
Jupiter comme un autre. Introduisons celui
Qui porte de sa part aux belles la parole,
Ce n'est pas de cela qu'il s'agit aujourd'hui.

Un bûcheron perdit son gagne-pain,
C'est sa cognée, et la cherchant en vain,
Ce fut pitié là-dessus de l'entendre.
Il n'avait pas des outils à revendre;
Sur celui-ci roulait tout son avoir.
Ne sachant donc où mettre son espoir,
Sa face était de pleurs toute baignée:
O ma cognée! ma pauvre cognée !
S'écriait-il: Jupiter,^rends-la moi ;

Je tiendrai l'être encore un coup de toi.
Sa plainte fut de l'Olympe entendue.
Mercure vient. Elle n'est pas perdue,
Lui dit ce Dieu; la connaîtras-tu bien?
Je crois l'avoir près d'ici rencontrée.
Lors une d'or à l'homme étant montrée,
Il répondit: Je n'y demande rien.
Une d'argent succède à la première.
Il la refuse. Enfin une de bois.
Voilà, dit-il, la mienne cette fois :
Je suis content si j'ai cette dernière.
Tu les auras,
dit le Dieu, toutes trois :
Ta bonne-foi sera récompensée.
En ce cas-là, je les prendrai, dit-il.
L'histoire en est aussitôt dispersée;
Et boquillons de perdre leur outil,
Et de crier pour se le faire rendre.
Le roi des dieux ne sait auquel entendre.
Son fils Mercure aux criards vient encor:
A chacun d'eux il en montre une d'or.
Chacun eût cru passer pour une bête
De ne pas dire aussitôt: la voilà.
Mercure, au lieu de donner celle-là,
Leur en décharge un grand coup sur la tête.

Ne point mentir, être content du sien,
C'est le plus sûr: cependant on s'occupe
A dire faux pour attraper du bien.
Que sert cela? Jupiter n'est pas dupe.

D. Qu'est-ce que la fable morale?

R. C'est celle dans laquelle on ne fait agir ou parler que les animaux, les plantes, et enfin tous les êtres distingués de ceux qui sont raisonnables. Telle est cette fable de Florian.

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