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saint Louis transporte Henri IV aux enfers.
Là, gît la sombre Envie, à l'œil timide et louche,
Versant sur des lauriers les poisons de sa bouche.
Le jour blesse ses yeux dans l'ombre étincelans:
Triste amante des morts, elle hait les vivans.
Elle aperçoit Henri, se détourne et soupire.
Auprès d'elle est l'Orgueil qui se plaît et s'admire;
La Faiblesse au teint pâle, aux regards abattus,
Tyran qui cède au crime et détruit les vertus;
L'Ambition sanglante, inquiète, égarée,

De trônes, de tombeaux, d'esclaves entourée ;
La tendre Hypocrisie aux yeux pleins de douceur ;
Le ciel est dans ses yeux, l'enfer est dans son cœur ;
Le faux Zèle étalant ses barbares maximes;
Et l'Intérêt enfin, père de tous les crimes.
D. Qu'est-ce que la Similitude?"

R. C'est un rapport de convenance qui se trouve entre deux objets que l'on compare. Elle sert à prouver, ou à orner, ou à rendre le discours plus agréable; mais elle ne doit être ni obscure, ni fausse, ni triviale. En voici un exemple tiré de Télémaque :

D

« Tel qu'un beau lis au milieu des champs, coupé dans sa racine par le tran› chant de la charrue, languit et ne se soutient plus, il n'avait point encore perdu » cette vive blancheur et cet éclat qui char>>ment les yeux; mais la terre ne le nour›rit plus, et sa vie est éteinte: ainsi le fils » d'Idoménée, comme une jeune et tendre »fleur, est cruellement moissonné dès son > premier âge. >

D. Qu'est-ce que la Dissimilitude ou la Différence?

R. C'est une certaine contrariété qui se rencontre entre deux objets comparés ensemble. Tel est ce passage, dans la tragédie d'Alzire, où Zamore compare ainsi la clémence d'Alvarès avec la barbarie de Gusman et des Espagnols:

Mon père, ah! si jamais ta nation cruelle
Avoit de tes vertus montré quelque étincelle,
Crois-moi, cet univers aujourd'hui désolé,
Au-devant de leur joug sans peine auroit volé ;
Mais, autant que ton âme est bienfaisante et pure,
Autant leur cruauté fait frémir la nature.

D. Qu'entendez-vous par les Circonstances?

R. J'entends tout ce qui expose le véritable état des choses, tels que la personne, la chose, le lieu, les moyens, les motifs, la manière et le temps. En effet ce sont toutes ces circonstances qui distinguent, qui caractérisent, qui rendent méprisables ou héroïques, vertueuses ou criminelles, les actions des hommes. C'est ainsi que Mithridate diminue la honte de sa défaite par ce détail éloquent des circonstances dont elle avait été accompagnée.

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Pompée a saisi l'avantage D'une nuit qui laissoit peu de place au courage. Mes soldats presque nus, dans l'ombre intimides; Les rangs de toutes parts mal pris et mal gardés ; Ce désordre par-tout redoublant les alarmes, Nous-mêmes, contre nous, tournant nos propres armes ; Les cris que les rochers renvoyoient plus affreux; Enfin, toute l'horreur d'un combat ténébreux;

Que pouvait la valeur dans ce trouble funeste?
Les uns sont morts; la fuite a sauvé tout le reste :
Et je ne dois la vie, en ce commun effroi,

Qu'au bruit de mon trépas que je laisse après moi.

D. Comment appelle-t-on ces lieux oratoires dont vous venez de parler?

R. On les nomme lieux oratoires intérieurs, parce qu'ils naissent du fond du sujet ce sont des sources dans lesquelles on peut puiser, pour chaque sujet, les argumens qui lui conviennent.

D. N'y a-t-il pas encore d'autres lieux oratoires?

R. Oui et on les appelle extérieurs parce que ce sont des secours que l'orateur puise hors de son sujet. Ainsi l'orateur de la chaire, pour donner plus de poids à ce qu'il avance, emprunte les paroles des prophètes, et celles de Dieu même; celui du barreau s'appuie des ordonnances, des loix et des coutumes pour porter la conviction dans l'esprit des juges; l'orateur de la tribune, pour s'assurer les suffrages de son auditoire, cite en quelle occasion tel peuple, dans le même danger où se trouvent ses concitoyens, rendit la loi qu'il propose, prit le parti qu'il conseille; le dissertateur, pour donner plus de force à ses raisons, cite les autorités qui peuvent les étayer.

D. Suffit-il d'avoir trouvé de bons moyens à l'aide des lieux oratoires?

"

R. Non; il faut encore savoir les déve lopper et leur donner une juste étendue pour en faire sentir tout le poids, et pour en tirer tout l'avantage possible: c'est ce qu'on appelle amplification.

D. Comment peut-on amplifier une pensée ?

R. On l'amplifie de plusieurs manières: 1° Par les termes : par exemple, lorsqu'en parlant d'un homme qui n'est que blessé, nous disons qu'il a été assassiné; ou d'un méchant homme, que c'est un brigand.

2° Par correction, lorsque feignant de n'en avoir pas dit assez, ou d'en avoir trop dit, on a recours à des expressions plus fortes ou plus foibles. Tel est ce passage de Cicéron contre Verrès :

Qui pensez-vous, messieurs, que nous » venons accuser à votre tribune? un vo>> leur, un adultère, un sacrilége, un meur>> trier? Non, messieurs, mais un ravisseur; mais l'ennemi juré de l'honneur des fem>> mes; mais un impie, qui a profané tout ce » que nous avons de plus saint, de plus > inviolable; mais un homme que nos ci>>toyens, nos alliés regardent comme leur >> plus cruel bourreau..

3° Par gradation, quand on dit plusieurs choses qui enchérissent les unes sur les autres. C'est ainsi que Cicéron amplifie la crapule d'Antoine et la nécessité honteuse

où il fut de vomir: Mais dans l'assemblée du peuple romain! un homme chargé de l'intérêt public! un mestre de camp général de la cavalerie. Chaque mot va, comme on voit, en augmentant.

4° Par comparaison, comme dans cet exemple de Cicéron, pris dans le même endroit : Si cela vous était arrivé à table dans quelqu'un de ces repas monstrueux qui vous sont si familiers, il n'y a personne qui n'en rougit pour vous; mais dans l'assemblée du peuple romain!

5° Enfin par induction, quand on tire une conséquence de ce qu'a dû faire quelqu'un, vu sa position.Cicéron, voulant prouver le luxe d'Antoine, dit: Vous eussiez vu les chambres de ses esclaves ornées des plus riches tapisseries du grand Pompée. Mais qu'était donc l'appartement d'Antoine car si le luxe régnait à cet excès chez les esclaves, que ne doit-on pas se figurer de celui du maître?

D. Combien distingue-t-on de manières de traiter un sujet ?

R. On réduit ordinairement à trois genres tout ce qui est du ressort de la rhétorique, et on les appelle le genre démonstratif, le genre délibératif, et le genre judiciaire.

D. Qu'est-ce que le Genre Démonstratif? R. C'est celui qui comprend la louange ou le blâme. Tels sont les panégyriques,

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