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Il voudrait de la course avancer les instans.
Mais on part, il s'élance, et des sons éclatans
Sur les traces du cerf dont la terre est empreinte
Ont conduit le chasseur au centre de l'enceinte.
Le timide animal s'épouvante et s'enfuit;
Il voit dans chaque objet la mort qui le poursuit.
Sa route sur le sable est à peine tracée ;

Il devance, en courant, la vue et la pensée ;
L'œil le suit et le cherche aux lieux qu'il a quittés.
Ses cruels ennemis, par le cor excités,

S'élèvent sur ses pas au sommet des montagnes,
Et fondent à grands cris sur les vastes campagnes.
Effrayé des clameurs et des longs hurlemens,
Sans cesse à son oreille apportés par les vents,
Vers ces vents importuns il dirige sa fuite:
Mais la troupe implacable, ardente à sa poursuite,
En saisit mieux alors ses esprits vagabonds.
Il écoute, et s'élance, et s'élève par bonds;
Il voudrait, ou confondre, ou dérober sa trace,
Se détacher du sable, et voler dans l'espace.
Hélas! il change en vain sa route et ses retours;
Dans le taillis obscur il fait de longs détours,
Et revoit ces grands bois, théâtre de sa gloire,
Où jadis cent rivaux lui cédaient la victoire;
Où couvert de leur sang, consumé de désirs,
Pour prix de son courage, il obtint les plaisirs.
Il force un jeune cerf à courir dans la plaine,
Pour présenter sa trace à la meute incertaine :
Mais le chasseur la guide et prévient son erreur.
Le cerf est abattu, tremblant, saisi d'horreur;
Son armure l'accable, et sa tête est penchée.
Sous son palais brûlant sa langue est desséchée ;
Il entend de plus près des cris plus menaçans;
Il fait, pour fuir encor, des efforts impuissans;
Ses yeux appesantis laissent tomber des larmes.
Il chancèle, il s'arrête, il se sert de ses armes ;
L'excès du désespoir le soutient un instant;
Il tombe, se relève, et meurt en combattant.

D. Quels auteurs se sont distingués en ce genre?

R. On cite parmi les Grecs, Hésiode, dont le poëme intitulé les OEuvres et les jours, est consacré à l'agriculture; parmi les Latins, Virgile, ( Géorgiques); Lucrèce, (de la nature ); Horace, (Art Poétique); Ovide, (les Fastes); chez les Anglais, Thompson, (les Saisons); Pope, ( Essai sur l'homme, Essai sur lu critique); le comte de Buckingam, ( Essai sur la poésie); et chez nous, Boileau, (Art Poétique); Racine le fils, (la Religion); St. Lambert, ( les Saisons ); Rosset, Agriculture); Delille, (les Jardins, les Géorgiques françaises ); Roucher, (les Mois); Dulard, ( de la Grandeur de Dieu dans les merveilles de la nature); Watelet, ( l'art de la peinture); l'abbé de Bernis, ( les Quatre parties du jour); et enfin, Lemierre, ( la Peinture, et les Fastes ou Usages de l'année ).

CHAPITRE II.

Des petits Poëmes.

Des Stances.

D. Qu'appelez-vous Stances?

R. Ce qu'on appelle stances est un ouvrage d'un caractère sérieux ou enjoué,

qui se compose de plusieurs couplets de vers, grands ou petits, et souvent tous les deux ensemble, mais arrangés de manière que chaque couplet ou stance ait un sens fini, et que le même ordre, soit dans le nombre et la mesure des vers, soit dans le mélange des rimes, se retrouve dans toutes les stances de la pièce.

D. Y a-t-il plusieurs sortes de stances?

R. Il y en a de deux sortes: les unes régulières, les autres irrégulières. Les stances qui sont égales par le nombre des vers, par le mélange des rimes, et par la quantité de syllabes de chaque vers, sont dites régulières; autrement, elles sont irrégulières.

D. Combien entre-t-il de vers dans une stance?

R. Le nombre des vers est le plus souvent de 4, 6, 8, 10, et quelquefois de 12. On fait aussi des stances de 5, 7, 9 et 11 vers. On appelle alors les premières, stances de nombre pair, et les secondes, stances de nombre impair.

D. Quels défauts doit-on éviter dans les stances?

R. D'abord, on ne doit jamais enjamber d'une stance à l'autre. C'est ce que Mal

herbe a eu soin d'éviter, selon le témoignage de Boileau.

Par ce sage écrivain, la langue réparée
N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée.
Les stances avec grâce apprirent à tomber,
Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber.

Ensuite, il convient de régler ces stances de façon que le premier vers et le dernier y soient d'espèce différente, l'un masculin, l'autre féminin. S'il en était autrement, l'oreille serait choquée de trouver, en passant d'une stance à l'autre, deux vers masculins ou deux féminins de suite, qui ne rimeraient pas ensemble.

Quoique la mesure des vers soit arbitraire dans les stances, on doit se garder encore d'employer les vers de sept syllabes à la suite de ceux de huit et de six, où ils seraient désagréables; de plus, ne jamais revenir qu'après un intervalle de six vers, au moins, à une rime qu'on a déjà employée.

Enfin l'harmonie qui caractérise particulièrement les stances, puisqu'elles entrent dans la composition des odes, des cantates.... ne permet pas non plus d'y admettre plus de deux vers masculins ou féminins de suite. Cette licence n'est autorisée que dans la fable et le conte.

D. Citez un exemple de stances régulières?

R. On peut citer comme un modèle, dans le genre grave, ces admirables stances de Malherbe :

N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde,
Sa lumière est un verre et sa faveur une onde
Que toujours quelque vent empêche de calmer.
Quittons ses vanités, lassons-nous de les suivre ;
C'est Dieu qui nous fait vivre,
C'est Dieu qu'il faut aimer.

En vain pour satisfaire à nos lâches envies,
Nous passons près des rois tout le temps de nos vies
A souffrir des mépris, à ployer les genoux;

Ce qu'ils peuvent n'est rien, ils sont ce que nous sommes,
Véritablement hommes,

Et meurent comme nous.

Là se perdent ces noms de maîtres de la terre,
D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre.
Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs;
Et tombent avec eux, d'une chute commune,
Tous ceux que leur fortune

Faisait leurs serviteurs.

D. Citez un autre exemple de stances irrégulières?

R. nous choisirons une pièce de Pavillon, où respire une morale enjouée. L'auteur l'a adressée sous le nom de conseils à Iris :

J'ai des conseils à vous donner;
Ce n'est pas le moyen de plaire;
Iris, on ne divertit guère

Quand on ne

fait que raisonner.

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