Page images
PDF
EPUB

R. Oui c'est celle qu'on appelle tragédie-lyrique, ou opéra, parcequ'elle doit être chantée.

D. Quelle doit en être l'action?

R. L'action en est héroïque et malheureuse, comme dans la tragédie proprement dite; mais ce qui la distingue essentiellement de celle-ci, c'est qu'elle est de plus merveilleuse.

D. En quoi consiste ce merveilleux?

R. Dans l'intervention de quelques divinités ou êtres surnaturels qui figurent avec les autres personnages; dans des événemens extraordinaires; dans une pompe éblouissante. On y voit, au nombre des acteurs, les Dieux du ciel, de la terre et des enfers; des ombres, des démons; en un mot, tous ces êtres fantastiques qui appatiennent au monde mythologique ou à la féerie.

D. La règle des trois unités est-elle applicable à ce genre ?

R, Non : le poëte lyrique est affranchi de cette règle. Sa scène change ordinairement à chaque acte, quelquefois même, dans un seul acte; il nous transporte de la terre au ciel ou aux enfers. Ainsi, à l'éclat d'un palais enchanté, il fait succéder la sombre horreur d'un désert, que remplacent ensuite une riante campagne ou les bosquets fleuris de l'Élysée.

D. Qu'est-ce qui constitue un bon poëme lyrique?

R. Le poëme lyrique ne peut avoir de succès qu'autant que le sujet en est géné ralement connu ou exposé avec la plus grande clarté; que l'intrigue, sans être surchargée d'incidens, se noue et se dénoue avec simplicité; que chaque caractère est bien distinct, bien soutenu, et qu'enfin, chaque acte offre au compositeur, au maître de ballets, et au décorateur, des effets et des oppositions; car l'acte d'un opéra est moins une véritable suite de scènes, qu'une succession de tableaux. D. Qu'appelle-t-on récitatif?

R. C'est une sorte de déclamation que le musicien emploie pour faire parler ses personnages, lorsqu'ils sont dans une situation calme: mais en ce cas le dialogue veut être serré; les lougs discours, les raisonnemens trop suivis ne peuvent y trouver place.

D. Qu'appelez-vous air?

R. C'est le chant que le musicien emploie dans les endroits où ses personnages se livrent aux transports d'une passion douce ou violente. Les situations touchantes ou terribles sont les seules qui fournissent les véritables occasions de chanter. D. Quel doit être le style de la tragédie lyrique?

R. La tragédie lyrique demande des vers libres et coupés; car la versification ne saurait être trop douce, trop coulante, trop gracieuse, pour s'adapter à une musique mélodieuse. Tels sont ces vers que Quinault, le modèle des poëtes lyriques, a mis dans la bouche d'Amadis :

J'ai choisi la gloire pour guide,

J'ai prétendu marcher sur les traces d'Alcide.
Heureux si j'avais évité

Le charme trop fatal dont il fut enchanté.
Son cœur n'eut que trop de tendresse ;
Je suis tombé dans son malheur.

J'ai mal imité sa valeur ;
J'imite trop bien sa faiblesse.

De la Comédie.

D. Qu'est-ce que la Comédie?

R. C'est une peinture de la vie commune des hommes, de leurs passions, de leurs vices, considérés, non sous le rapport d'une méchanceté absolue, mais seulement dans ce qu'ils peuvent avoir de plaisant et de ridicule.

D. Quel est son objet?

R. C'est de corriger les mœurs, en offrant à ceux qui se reconnaissent dans ces portraits, les passions honteuses dont ils sont les esclaves.

D. Quelles qualités doit avoir l'action comique?

R. L'action comique doit avoir, comme la tragédie, cette unité et cette continuité de caractère, cette simplicité, cette aisance dans la marche de la fable et dans le tissu de l'intrigue, ce naturel dans le dialogue, cette liaison dans les événemens, cetté vérité dans les situations et dans les sentimens d'où résulte l'illusion théâtrale.

D. Y a-t-il plusieurs espèces de comédies?

R. Oui il y a des comédies d'intrigue, et des comédies de caractère.

D. Qu'est-ce que la comédie d'intrigue?

R. Voici l'idée qu'en donne Destouches, dans sa comédie de l'Envieux. Les comédies d'intrigue consistent dans un enchaînement d'aventures qui tiennent le spectateur en haleine, et forment un embarras qui croît toujours jusqu'au dénoûment. Comme il ne s'agit dans ces sortes de pièces que de les charger d'incidens, ils en font ordinairement tout le mérite, les mœurs et les caractères n'y étant touchés que superficiellement. Ce genre de comédie, qui demande beaucoup d'imagination, égaie l'esprit, mais il ne l'instruit amuse, et ne va pas jusqu'au cœur.

pas.

II

Deux pièces à citer comme des modèles en ce genre, sont l'Amphitrion, de Molière, et les Ménechmes, de Régnard, toutes deux imitées de Plaute,

D. Qu'est-ce que la comédie de caractère? R. C'est la comédie pár excellence, puisqu'elle attaque ces vices radicaux de l'humanité, qui ne sont que trop ressemblans dans tous les temps et dans tous les lieux. Le poëte y présente un caractère dominant, qui fait proprement le sujet de la pièce; telles sont les comédies de l'Avare, du Glorieux, du Menteur..... où d'autres personnages ne se trouvent introduits que pour faire ressortir le caractère principal. Voici comment Marmontel, très-bon juge en cette matière, sait apprécier le mérite des pièces en ce genre: L'Avocat patelin, dit-il, semble peint de nos jours; l'Avare, de Plaute, a ses originaux à Paris; le Misantrope, eût trouvé les siens à Rome. Les vices sont par-tout, et presque toujours les mêmes. L'avarice, cette avidité insatiable, qui fait qu'on se prive de tout, pour ne manquer de rien; l'envie, ce mélange d'estime et de haine pour les qualités qu'on n'a pas; l'hypocrisie, ce masque du vice déguisé en vertu; la flatterie, ce commerce infâme entre la bassese et la vanité; tous ces vices et une infinité d'autres, existeront par-tout où il y aura des hommes, et par-tout ils seront regardés comme des vices. C'est ce qui assure à jamais le succès du comique qui attaque les mœurs en général.

« PreviousContinue »