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de Nazianze, saint Chrysostome, saint Augustin, saint Jérôme, saint Cyprien, Tertullien, Synésius, offriraient chaque année des textes de comparaison précieux avec les chefs-d'œuvre d'éloquence et de poésie de la littérature profane. L'introduction dans chaque classe d'un ou de deux grands écrivains chrétiens attesterait l'esprit même de l'enseignement, désarmerait d'injustes soupçons, et rendrait plus vigilante encore l'attention des maîtres à tourner toutes choses, même les études païennes, au profit de la morale chrétienne. Le double but que l'éducation doit se proposer, éclairer l'esprit et former le cœur, serait plus. certainement atteint quand, à côté des chefs-d'œuvre de l'art qui enseignent la perfection littéraire, se placeraient les chefsd'œuvre de la doctrine qui enseignent la perfection morale.

Avec cette extension donnée à l'étude des auteurs païens, l'enseignement public pourrait continuer, sans inquiétude de conscience, à reposer sur la double antiquité; et grâce à cette alliance entre l'art antique et la doctrine chrétienne qui est l'esprit même du xvir siècle, il serait vraiment l'arbre admirable dont parle saint Basile, l'arbre aux feuilles verdoyantes et aux fruits d'or.

II

Nous ne comptions pas revenir sur la question du paganisme dans l'éducation; nous pensions qu'une question si simple n'avait besoin, pour être résolue, que d'un peu de bon sens et de bonne foi, et nous indiquions assez nettement l'attitude que nous avons prise, et que nous entendons garder. Mais nous recevons deux documents, un article de la Gazette de Lyon, et une lettre de M. l'abbé Gaume, qui nous prouvent que nous avons été mal compris d'une part, mal accueilli de l'autre, et qui nous forcent, à

notre grand regret, de continuer la polémique. La Gazette de Lyon, dans un article d'ailleurs bienveillant et spirituel, nous cause un double étonnement : elle nous félicite d'être sans le savoir du même avis que M. l'abbé Gaume, et nous accuse d'irrévérence envers lui. En conscience, comme nous le montrerons tout à l'heure à la Gazette, nous ne pouvons accepter ni le reproche ni le compliment. M. l'abbé Gaume, dans une lettre peut-être spirituelle, mais médiocrement bienveillante, essaye de nous réfuter, ce qu'il ne ferait assurément pas si nous lui paraissions, comme à la Gazette, être de son avis. Nous commencerons par répondre à M. l'abbé Gaume; ce sera pour la Gazette un premier éclaircissement.

« 1o Dans votre numéro du 25 mars, dit M. Gaume, se trouve un long article contre un ecclésiastique du diocèse de Nevers, auteur d'un livre qui porte un titre un peu déclamatoire, le Ver rongeur des sociétés modernes, ou le Paganisme dans l'éducation. »

Nous demandons la permission de faire sur ce premier paragraphe deux observations:

La première, c'est que notre article a été écrit, non pas contre M. Gaume, mais contre une thèse qu'il a soutenue, ce qui est tout différent; et il faut que la distinction soit bien établie. Comme nous avons eu l'honneur de l'écrire à M. Gaume lui-même, la question qui nous occupe n'est nullement une question de personnes. Nous tenons l'auteur du Ver rongeur pour un homme plein de droiture et de bonnes intentions; seulement il voudra bien trouver tout naturel que nous, professeurs du paganisme, comme il aime à nous appeler, nous ne tombions pas d'accord avec lui sur les vices et les dangers de l'éducation classique; nous ne saurions pousser la déférence pour lui jusqu'à nous confesser corrupteurs. Une fois mise à part la question de personnes, avec tous les égards qui sont dus et au ca

ractère de M. Gaume et à son talent, celle des idées demeure entière, et il nous permettra d'y revenir avec la plus complète liberté.

Cette liberté, nous en userons immédiatement pour justifier l'épithète de déclamatoire que nous avons donnée au titre de son livre, et que, dans sa lettre, M. Gaume répète, en la soulignant avec ironie. Le titre est déclamatoire, le livre l'est aussi. M. Gaume déclame en beaucoup de pages; il déclame quand, après avoir nommé Albert le Grand et saint Thomas, le Dante et Pétrarque, Giotto et le B. Angelico, Raphaël et Michel-Ange, il ajoute : « Courbez la tête, j'ai nommé les rois immortels de la science, de la littérature et des arts. » Il déclame quand il prétend juger ainsi en une phrase la littérature contemporaine: «De chute en chute, le théâtre, la littérature, la poésie, sont arrivés aux dégoûtantes productions de Parny, de Pigault-Lebrun, de Victor Hugo, de Scribe, de Soulié, d'Eugène Sue et des feuilletonistes. Ils en sont là! Car la déclamation n'est pas autre chose que la fausseté de l'idée jointe à l'emphase de la forme. C'est trop souvent le caractère du livre de M. Gaume, et le titre, que nous lui avons reproché, en est la fidèle expression.

2° M. Gaume continue: Ma réponse serait longue, si je voulais discuter un à un tous les textes cités de seconde main par l'auteur de l'article. La plupart sont incomplets; aucun ne prouve la thèse en question. N'ayant ni le loisir ni la volonté de soutenir une polémique dans les journaux, j'examinerai seulement quelques affirmations de votre jeune collaborateur.

M. Gaume peut juger nos textes incomplets :

Pour les trouver ainsi, vous avez vos raisons.

Nous pourrions, au besoin, les compléter s'il l'avait désiré; mais puisqu'il renonce à la polémique des journaux, dont

celle de l'Univers aura pu vraisemblablement le dégoûter un peu, nous nous conformerons à sa volonté et nous épargnerons ses loisirs; nous ne reviendrons donc pas sur le fond de la question; et puisqu'elles ne sont pas combattues, nous tenons pour valables les conclusions de notre dernier article, à savoir: 1° que la tradition chrétienne autorise et même prescrit l'étude des auteurs païens; 2° qu'il est possible et facile de les enseigner chrétiennement.

Nous nous bornerons maintenant à suivre pas à pas, dans ses divers points, la lettre de M. Gaume. Mais d'abord pourquoi, dans la phrase précédemment citée, souligner malignement ces mots : des textes cités de seconde main? Estce une épigramme contre nous? Mais les épigrammes n'atteignent que les prétentions. Or, nous avions si peu celle de paraître érudit de première main, que nous avons signalé avec éloge, avec reconnaissance, l'excellent livre de M. l'abbé Landriot : c'est l'arsenal où nous avions pris nos armes. Nous nous serions bien gardé, dans une question où il faut citer les Pères et interpréter leur pensée, de nous exposer, par une originalité imprudente, à ce que M. Gaume récusât notre compétence. Nous trouvions bien plus convenable d'opposer à M. Gaume un ecclésiastique comme lui, versé comme lui dans l'étude des saints livres, et, comme lui, pénétré de leur véritable esprit. Et la preuve que notre calcul était juste autant que modeste, c'est que M. Gaume, dans sa réponse, ne revient pas sur la question des textes il se borne à les dire incomplets. M. l'abbé Landriot combattait donc avec de trop bonnes armes pour que nous eussions la maladresse de le remplacer dans un duel où jusqu'alors il avait tous les avantages, celui des armes, celui du terrain, et, il faut le dire aussi, celui de l'escrime. Nous n'en avons été que l'humble témoin; nous avons jugé les coups, nous les avons racontés; et si

M. Gaume s'est senti blessé, en vérité, ce n'est pas notre faute, nous sommes bien innocent.

D'ailleurs, pourquoi M. Gaume voudrait-il nous voir faire les frais d'une érudition toute neuve, et lui offrir les prémices de textes inédits? Son livre, à lui, est rempli de citations qui ne sont pas de la première jeunesse, par exemple, celles des journaux et de M. Bastiat. Et puis faut-il se montrer si difficile en matière d'érudition quand on a soi-même quelques peccadilles à se reprocher à l'endroit de l'exactitude et de la critique? Ne vaut-il pas mieux citer de seconde main, que d'inventer, pour être nouveau, l'historien français d'Avila et le philosophe Barclay ? Pour ce dernier, M. Gaume nous répond dans sa lettre que nous lui faisons une petite querelle d'orthographe anglaise. Ce n'est pas une petite querelle d'orthographe; c'est une confusion de noms que nous relevons en passant, et voilà tout. Ne vaut-il pas mieux parler d'écrivains déjà cités que de découvrir des illustrations inconnues, comme M. Martinet, auteur de l'Éducation de l'homme, que M. Gaume appelle le célèbre M. Martinet? C'est là ce que nous appelons le manque de critique; et c'est ce défaut qui fait citer indistinctement à M. Gaume MM. Thiers et d'Arnaud, auteur de l'Homme sensible, Bossuet et Charles Nodier. Pour nous, nous avons mieux aimé avoir raison de seconde main que d'avoir tort de première; et dans une question si longtemps faussée par les adhérents de M. Gaume, et notamment par l'Univers, nous n'avons cherché d'autre nouveauté que celle du bon sens.

3o M. Gaume trouve que le nom d'excellent poëte donné par saint Augustin à Virgile ne prouve rien; et il nous recommande le chapitre XIII du premier livre des Confessions, où saint Augustin parle de Virgile d'une tout autre manière. Nous ferons remarquer à M. Gaume, qui aime les citations neuves, que celle-ci, aussi bien que celles du Pays

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