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2o. Les propriétaires qui abandonnent le navire et le fret, ne sont pas tenus des faits du maître, lorsqu'il s'agit d'un fait qui excédait les bornes de l'autorité dont la loi l'avait revêtu. Mais le capitaine a racheté le navire en qualité de préposé des armateurs et des chargeurs. Ils doivent donc, malgré le défaut de succès, ratifier ce qui a été opéré de bonne foi: Sufficit utiliter negotium gestum, licèt diversus exitus sit. L. 12, § 2, ff de negot. gest.

3°. On n'est soumis aux frais de recouvrement que jusques à la concurrence de la valeur des effets recouvrés; mais une fois qu'ils sont recouvrés, la perte ultérieure est pour le compte de ceux à qui ils appartiennent.

4°. En établissant un capitaine, ou en lui confiant ses effets, on est présumé lui avoir déféré tous les pouvoirs que la loi lui donne. On aurait pu lui défendre de convenir d'une rançon, dans le cas qu'il serait pris. On ne le lui a pas défendu; et par cela seul on lui a permis de racheter le navire. Il l'a acheté pour compte de ses mandans : ils doivent donc payer le prix d'une acquisition qui leur était devenue propre, et dont ils auraient perçu le bénéfice, si le navire racheté fût revenu à bon port.

Si dans un tems utile il ne leur a été possible ni de notifier le rachat à leurs assureurs, ni de pourvoir à leur intérêt par de secondes assurances (suprà, ch. 8, sect. 6, § 2), cet accident est une suite de leur expédition maritime. Ils auraient pu le prévoir, soit en prohibant tout rachat au capitaine, soit en insérant dans les assurances primitives quelque pacte qui les eût mis à couvert de ce surcroît de perte; car le naufrage du navire racheté n'altère en rien l'obligation contractée envers le corsaire ennemi. Elle doit être remplie, quand même l'ôtage viendrait à mourir, ou qu'il prendrait la fuite. Suprà, SS 7 et 8.

S'il s'enfuit, il viole les droits de la guerre. S'il meurt, on se trouve au cas du gage qui périt par cas fortuit; la créance n'en subsiste pas moins: Quæ fortuitis casibus accidunt, cùm prævideri non potuerint, nullo bonæ fidei judicio præstantur: et ideò creditor pignora quæ hujusmodi casu interierint, præstare non compellitur; nec à petitione debiti submovetur, nisi inter contrahentes placuerit, ut amissio pignorum liberet debitorem. L. 6, C. de pignor. act..

MM. Faure et Dragon, négocians distingués de notre place, furent bien aises d'écrire à leurs correspondans à Londres, pour savoir quelles sont, sur ce point, les lois d'Angleterre. Voici la réponse qu'ils reçurent de la part de MM. Charles Loubière, Teissier et compagnie:

Londres, le 11 octobre 1782.

Les propriétaires du vaisseau sont absolument obligés d'acquitter la traite » du capitaine, pour le montant de la rançon, et par là procurer la décharge

$13.

Ancien réglement au sujet du rachat.

» de l'ôtage. Ici, en Angleterre, la loi les y oblige. Et quant à leur rembour⚫sement, ils doivent s'adresser à leurs assureurs, tant pour le montant de la › rançon, que pour la perte du vaisseau.

Mais il n'est pas décidé ici si les assureurs doivent payer au-delà de cent » pour cent, et il y a même dans ce moment deux cas indécis au café de Lloyds (qui est le café des assureurs), pour savoir combien les assureurs sont obli› gés de payer.

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Le naufrage n'éteint nullement le billet de rançon. Cet acte étant celui du capitaine pour le bien des propriétaires, ces derniers en sont responsables, > comme s'ils l'avaient fait eux-mêmes. »

Les deux cas dont cette lettre parle ne seraient peut-être pas indécis, si la police d'assurance renfermait la clause qu'on trouve dans la formule de Londres, rapportée suprà, ch. 2, sect. 3, où il est dit, qu'en cas de perte ou › malheur, il sera permis aux assurés, à leurs facteurs, serviteurs et préposés, de faire tout le requis et nécessaire pour la défense, sauve-garde › recouvrement dudit vaisseau et de son chargement, sans préjudice de cette as»surance; et nous contribuerons chacun à prorata des sommes par nous respectivement assurées, aux frais et dépenses faites à cette occasion..

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D'après un pareil pacte, il ne paraît pas douteux que si le navire racheté périt, les assureurs ne soient obligés de contribuer aux frais de recouvrement, à proportion des sommes par eux assurées, et au-delà de cent pour cent. Par exemple, le vaisseau et la cargaison valaient 100,000 liv. Le capitaine a promis 40,000 liv. pour prix de la rançon. Les assurances se montaient à 50,000 liv. Les assureurs devront payer la somme par eux assurée..............

Et pour la demie du billet de rançon........
Total......

50,000 liv.

20,000 liv.

70,000 liv.

parce que telle a été la loi de leur contrat. La même règle serait observée dans les places du royaume où les assureurs se soumettent à une semblable obliga

tion.

Mais parmi nous, les assureurs ne seraient pas tenus au-delà des sommes assurées, parce qu'ils ne s'obligent jamais à rien de plus. Vid. infrà, ch. 17, sect. 7, § 5.

Dans le Guidon de la mer, ch. 6, art. 3 et 4, on trouve un ancien réglement au sujet du rachat; en voici la teneur ;

« Si le navire est en lieu que le maître puisse donner advertissement de son ⚫ infortune à son marchand, et que, sans danger, à cause du séjour, il peut

⚫ attendre la réponse, il ne doit payer la composition, et se hasarder de re> chef à la mer, jusqu'à ce qu'il ait advis de son marchand chargeur; lequel › communiquera le tout à ses assureurs, afin d'avoir le consentement et nouveau pouvoir de pourchasser, et conclure ou ratifier le rachat, selon que la nécessité le requerra; mais s'il est en lieu dont il ne puisse donner advis › si promptement, qu'il y ait danger à la demeure, le maître du navire pren› dra le conseil de sept les plus suffisans de son équipage, s'ils trouvent que › pour le bien et profit de la marchandise et nef, il faille faire ledit rachat » pour éviter la perte totale: ils pourront en telle nécessité composer jusqu'à la concurrence de vingt-cinq pour cent, que les assureurs seront tenus, encore qu'ils n'aient donné leur consentement.

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S'il n'y a assurance faite, le marchand chargeur sera tenu d'accepter et » payer les lettres d'eschange qui, pour ce, seront remises sur lui, à la raison » desdits vingt-cinq pour cent, et à la valeur de sa marchandise. Les bourgeois de la nef fourniront semblablement vingt-cinq pour cent à la valeur » de leur navire, ou total fret, ou y renonceront.

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» Le tout à peine de payer tous les despens, dommages et intérêts du change » et rechange, protestations et courses, s'il y a assurance, a assurance, combien que la

⚫ lettre d'eschange s'adresse au chargeur; toutefois les assureurs seront tenus > nantir chacun les vingt-cinq écus pour cent des sommes qu'ils auront assurées, sauf par après à compter exactement, s'il y a plus ou moins pour la répartition de ce qu'il faut pour la contribution du navire et marchandises, , afin que rien ne retarde le paiement.

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› Le même sera permis au facteur ou commissionnaire, qui va pour la » conduite ou négociation de la marchandise, pourvu qu'il n'y ait suspicion » de dol et de fraude, et qu'ainsi le faire il fût de besoin pour la salvation du

» reste. »

Il résulte de cet ancien réglement, 1°. que le capitaine ne doit point racheter le navire sans le consentement des propriétaires, s'il est en lieu d'où il puisse leur donner avis de son infortune. Ceux-ci peuvent alors le notifier aux assureurs, afin d'avoir leur consentement;

2o. Si le capitaine est en licu d'où il ne puisse informer de son infortune ses armateurs, il prendra l ́avis des plus suffisans de son équipage, et s'ils trouvent que pour le bien et profit de la marchandise et de la nef, il faille faire ledit rachat pour éviter la perte totale, il pourra le faire;

3o. Il n'était permis au capitaine de composer que jusques à la concurrence de

vingt-cinq pour cent; aujourd'hui il suffit que le capitaine ait agi pour le mieux, à moins que par le raccord ses pouvoirs n'eussent été limités;

4°. Dans le même cas où on n'avait pu notifier la prise aux propriétaires, les assureurs étaient tenus du rachat, encore qu'ils n'y eussent pas donné leur consentement; mais cette obligation dérivait du pacte contenu dans la formule de Rouen, par lequel ils avaient déféré pouvoir au capitaine, en cas que fortune advienne de mettre la main pour la récupération de la chose assurée, tant en leur profit qu'en leur dommage. Parmi nous, les assureurs ne s'obligent à rien de pareil; et s'ils ne prennent point la composition à leur profit, ils ne s'exposent pas à payer au-delà des sommes par eux souscrites;

5o. Les armateurs et les marchands chargeurs sont tenus d'accepter et payer les lettres de change, qui pour ce seront remises sur eux. Ils y sont obligés, quoique le navire racheté périsse dans la traversée, ainsi qu'on l'a vu ci-dessus.

CONFÉRENCE.

CXXVI. D'abord, il faut poser en principe qu'en rachetant les objets pris, on ne reprend pas sa propriété ancienne, on acquiert en quelque sorte une propriété nouvelle; secondement, le rachat peut se faire soit en mer, soit dans le lieu où le navire pris a été conduit, et avant ou après les vingt-quatre heures, à la différence de la recousse.

Les règles sur les rachats, relativement aux assureurs, sont établies dans les art. 395 et 396 du nouveau Code de commerce. -(Voyez d'ailleurs l'art. 66 de l'Ordonnance, titre des assurances; M. Estrangin sur Pothier, no. 135, 136 et 137, et notre Cours de droit commercial maritime, tom. 2, pag. 457 et suivantes, et tom. 4, pag. 420 et suivantes).

Mais comme les rançons exigées par les corsaires pour les rachats des navires ennemis peuvent dégénérer en abus nuisibles aux intérêts de l'Etat et à ceux des intéressés à l'armement en course, elles ont été défendues et entièrement prohibées aux corsaires français par l'art. 1 de l'ordonnance du 30 août 1782, et par une décision du Conseil des prises, du 13 prairial an 8.

En effet, le produit de la course n'étant dévolu à l'armateur qu'à titre d'encouragement et de récompense, et son intérêt se trouvant toujours subordonné à l'intérêt général, il ne peut en conséquence se lier par des conventions particulières qui y seraient contraires. Il est de droit commun que le capitaine ne peut faire le rachat pour lui, mais bien pour le compte des propriétaires. Il est encore de droit commun que le capitaine à qui le capteur donne partie des effets pris, ne peut point les garder pour lui; il doit les restituer à qui ils appartiennent.

Il n'entre pas plus dans l'esprit de la loi nouvelle que de l'ancienne, que l'assuré soit obligé de donner aux assureurs avis du rachat. Il peut prendre la composition à ses risques 9 et alors les choses sont comme s'il n'y avait eu ni prise, ni rachat, et le navire continue de naviguer aux risques des assureurs.

Mais si l'assuré désire que la composition soit pour le compte des assureurs, il faut qu'il

481 leur en donne avis, en se conformant aux dispositions des art. 595 et 596 du Code de commerce. Dans les vingt-quatre heures les assureurs optent pour la composition ou la refusent. Dans le premier cas, ils consentent en quelque sorte à ne considérer la prise que comme une avarie dont ils indemnisent l'assuré, en lui remboursant ce qu'elle a coûté, c'est-à-dire le prix du rachat. Une fois l'avarie réparée, l'assurance reprend son cours, et les assureurs continuent de courir les risques du voyage, conformément aux contrats d'assurances de manière que si la chose assurée vient à périr ou à essuyer de nouvelles avaries, les assureurs seront obligés d'en répondre. Dans le second cas, en renonçant au profit de la composition, les assureurs consentent à considérer la composition comme non avenue, et les objets sont, à leur égard, comme s'ils n'avaient pas été rachetés, mais qu'ils fussent toujours restés dans la possession du capteur. Ils doivent donc payer en entier le montant de l'assurance, sans pouvoir rien prétendre aux objets rachetés.

Emérigon, d'ailleurs, a parfaitement bien développé cette matière par les hypothèses et les exemples qu'il a établis. Cependant, il faut aujourd'hui écarter la doctrine, d'après l'article 396, par laquelle il prétendait, contre le sentiment de Pothier, qu'en prenant la composition à son compte, l'assureur devenait propriétaire et acheteur de la chose rachetée, et qu'en conséquence, cette chose était désormais à ses risques, non plus comme assureur, mais comme propriétaire subrogé aux droits des anciens assurés.

En effet, la loi nouvelle, plus explicative que l'art. 67 de l'Ordonnance, en dispose d'une autre manière dans son art. 396, conformément à l'avis de Pothier, titre des assurances, n°. 133. Elle considère que le rachat est une dépense extraordinaire, qui, à ce titre, est mise, par l'art. 397, au nombre des avaries. Or, le paiement des avaries ne rend pas l'assureur propriétaire de la chose assurée. (Voyez d'ailleurs notre Cours de droit maritime,

tom. 4, pag. 427 et 428).

Dans le cas où le rachat se fait par lettres de change ou au moyen d'otage, l'acceptation de la composition, de la part des assureurs, entraîne la garantie du paiement des lettres de change tirées à l'ordre du capteur, ou l'obligation de délivrer les ôtages. La perte postérieure du navire ne peut rien changer à cette obligation sacrée envers le corsaire ennemi. Enfin, lorsque l'assureur a pris la composition à son compte, et en a payé le montant, c'est lui qui devient propriétaire des actions qu'on pourrait avoir contre le capteur, pour faire déclarer sa prise non valable et lui faire restituer le prix du rachat.

SECTION XXII.

Navire conduit chez l'ennemi, et ensuite relâché.

DANS une de mes consultations que M. Valin rapporte, tom. 2, je disais que la prise s'opère dès que, par force, on saisit un vaisseau en pleine mer, et

T. I.

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