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Et du Pape et des Prélats,
Reims est un lieu de franchise
La foudre n'y tombe pas.

Et allons, ma tourlourette, etc.

Cette chanson a trente couplets. Toutefois, loin de nuire au pèlerinage, elle ne fit que réchauffer le zèle des croyants, et les choses en vinrent au point que l'autorité ecclésiastique procéda à l'encontre de la chapelle Sainte-Anne d'Avenay, comme on avait procédé à Paris à l'encontre du cimetière Saint-Médard. «Nous avons appris avec une extrême douleur (dit le mandement archiepiscopal du 29 août 1727) que plusieurs personnes de l'un et de l'autre sexe, animées d'un zèle indiscret..., s'ingèrent depuis un certain temps de faire dans la chapelle de Sainte-Anne de l'église paroissiale d'Avenay, sur la tombe du feu sieur Gérard Rousse, prêtre, vivant chanoine dudit Avenay, réputé appelant et réappelant de la constitution Unigenitus, des pèlerinages et des neuvaines à l'occasion de prétendus miracles dont on voudrait honorer sa mémoire... Considérant... que ces observances sont réprouvées par les conciles, qu'elles tendent à établir un culte public indû, faux, superstitieux et contraire aux règles de l'Eglise... A ces causes, nous avons interdit et interdisons les susdits pèlerinages et neuvaines, sous peine d'interdiction de ladite chapelle, d'excommunication majeure, etc. »

Ce mandement resta impuissant, et les miracles se continuaient comme devant et avec un mépris affecté des molinistes et du mandement. Il fallut recourir aux grands moyens : la chapelle fut mise en interdit, et la force publique, sous figure de la maréchaussée, fut dirigée sur Avenay pour défendre l'entrée de l'église ;

et ce ne fut pas sans bruit, sans rumeur populaire que l'autorité parvint à faire prévaloir l'interdiction. Enfin, après maint horion, force resta à la loi, et comme à la porte du cimetière Saint-Médard, l'on put écrire au fronton de l'église d'Avenay :

De par la loi, défense à Dieu

D'opérer miracle en ce lieu.

Depuis cette époque désastreuse pour les fidèles et ceux de la petite église, la chapelle de Saint-Anne a perdu tout son lustre. La pierre tumulaire a été arrachée il ne reste d'autre souvenir de cette ère miraculeuse que le tronc dans lequel se versaient les offrandes des pèlerins, et bien que l'autel ait subi les purifications voulues, et de nos jours encore celle de M. le curé Trubert, on n'a pas souvenir de messe ou d'office chantés à cette chapelle, sur laquelle semble peser encore les foudres de l'interdiction archiepiscopale.

Lors du dépouillement des églises et de l'abolition du culte, l'église de Saint-Trésain d'Avenay subit toutes les dégradations voulues par la loi. Voici entre autres documents un procès-verbal qui en dit assez :

« Extrait des registres des déliberations de la commune d'Avenay, du 9 frimaire an 2 de la République une et indivisible.

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<< La municipalité assemblée au lieu ordinaire de ses séances. Il a été observé qu'il reste à l'église de la paroisse différentes pièces d'argenterie et de cuivre qui avoient été réservées en attendant qu'il en soit fabriqué de fer blanc; mais au moyen de la démission du citoyen Leprest, curé de ladite commune, en date dudit jour, ces argenteries ne sont d'aucune utilité; en conséquence il a été délibéré que le tout serait ce jourd'hui transporté au district pour le joindre aux autres

argenteries et cuivre qui y ont été transportés en date du premier frimaire du présent.

Lesquels argenterie et cuivre du présent envoi consistent, savoir:

1

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«En un calice avec sa patène, un soleil, custode, les vases aux saintes huiles, lampe, -deux croix en cuivre argenté,

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une autre

moyenne croix en cuivre, six grands chandeliers en cuivre argenté, -avec deux petits, huit autres moyens chandeliers en cuivre, deux bénitiers. en cuivre, -un petit Saint-Trésain, -un pied-d'es- et les girouettes provenant de la ci-devant abbaye.

tal,

<< Lesquels objets désignés sont envoyés au district sous la conduite du citoyen Pierre Maigret, officier municipal de ladite commune, qui en rapportera décharge.

Fait et délibéré en la maison commune le neuf frimaire, 2o année de la République une et indivisible. Signé sur le registre: Maigret, Hébert, Jesson, Mea, Polin, officiers municipaux; J.-N. Jacta, Jacta, Guimbert, notables, et Maigret, secrétaire. Ensuite est écrit: J'ai reçu les effets ci-dessus, savoir ceux en cuivre pesant 164 livres, et ceux en argent huit marcs sept onces. A Epernay, le 9 frimaire, l'an 2 de la République. Signé DOUAY, et en marge: Ensemble huit tableaux de différentes grandeurs dont quatre ont été crevés par la voiture, pouvant peser cent vingt livres. Signé DOUAY.>> A cette pièce est jointe cette autre antérieure de quelques jours:

« J'ai reçu du citoyen Pierre Maigret, officier municipal, et Jean Vailly, notable de la commune d'Avenay, des ustensiles de cuivre provenant de leur église, du poids de 840 livres. J'ai aussi reçu des dénommés ci

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dessus, en un encensoir, deux buirettes, deux calices et leurs plateaux, un plat, et des débris d'une châsse, le tout d'argent, le poids de 141 marcs6 onces 3 gros. Et ce avec invitation de se conformer à l'arrêté des représentants du peuple qui ordonne de rendre tous les ustensiles d'or, d'argent et de cuivre dans le plus bref délai. A Epernay, le 2 frimaire, l'an 2 de la République. Signé DOUAY. »

Et maintenant que nous savons que toutes ces dilapidations, tous ces scandales ont été exécutés au nom du gouvernement, qui en a profité, n'est-il pas logique et juste que le gouvernement, qui comprend le besoin pour la société des idées religieuses, ne fut-ce qu'à titre de restitution et de réparation, prenne à sa charge une partie des restaurations que nécessite l'état de délabrement et de pénurie de nos églises?

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