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COMPTE-RENDU

DES

TRAVAUX DE L'ACADÉMIE

PENDANT L'ANNÉE 1843-1844,

Par M. LANDOUZY, Secrétaire.

MESSIEURS,

Si, dès le premier compte-rendu de nos travaux, j'ai été forcé de réclamer votre indulgence pour une œuvre nécessairement uniforme et aride, à plus forte raison dois-je le faire aujourd'hui, que le zèle toujours croissant de l'Académie a encore augmenté les difficultés de ma tâche.

Le but de ces rapports annuels est moins, vous le savez, d'examiner dans tous ses détails chacune des communications faites à la compagnie, que d'en indiquer l'idée principale; si nous vous en présentons l'analyse, c'est pour que vous fassiez vous-mêmes la synthèse, et que, de tous ces documents réunis, vous jugiez

si l'Académie est fidèle à l'esprit de sa fondation et à ses statuts organiques, c'est-à-dire, si elle travaille avec fruit au développement des sciences, des arts et des belles-lettres, si elle recueille avec zèle les matériaux qui peuvent servir à l'histoire du pays.

Déjà, vous connaissez en partie ce que nous avons fait; l'Académie savait trop bien son siècle pour penser qu'aucune institution pût vivre utilement dans l'ombre et la retraite; et, quoique les abus de la publicité fussent chose trop patente chaque jour pour qu'elle pût les ignorer, elle n'a point voulu que l'abus fit exclure l'usage. A l'exemple des premières sociétés savantes du royaume dont le sanctuaire, autrefois impénétrable, est devenu public aujourd'hui, elle a vouJu que l'asile de ses travaux fût accessible à chacun lu quelles que fussent les dispositions de son esprit, curieux, sévère, bienveillant ou envieux.

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« Mon cher Euthyphron, dit Socrate, au premier dialogue de Platon, être un peu moqué n'est peut«< être pas une grande affaire; car, après tout, à ce qu'il me semble, les Athéniens s'embarrassent assez «< peu qu'un homme soit habile, pourvu qu'il renferme << son savoir en lui-même; mais, dès qu'il s'avise d'en << faire part aux autres, alors ils se mettent tout de « bon en colère, ou par envie, comme tu dis, ou par « quelque autre raison (1).

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L'Académie n'a pas pensé qu'il pût en être à Reims, en 1840, comme à Athènes il y a 22 siècles; elle n'a jamais admis, dans sa naïve philosophie, qu'aucun Rémois d'aujourd'hui pûtse mettre en colère, Oup.cvvtal, comme un Athénien d'autrefois, parce que quelques

(1) Euvres de Platon, par M. V. Cousin, tom. 1er, pag. 13.

académiciens, réunis par le goût commun des sciences, se feraient part modestement de leurs modestes essais; aussi, ne demandant aucun éloge, ne redoutant aucun blâme, l'Académie continuera sa vie publique et extérieure, persuadée en définitive qu'à tous égards, et pour les assemblées comme pour les individus, la critique est plus utile que la louange.

La publication d'une partie de nos travaux, conséquence de la publicité de nos séances, vous ayant initiés à nos études les plus importantes ; je devrai donc passer rapidement sur certains points déjà connus.

Ainsi, ne parlerai-je ni du recueil des Actes de la province de Reims, par notre savant archevêque, ni de l'Histoire des arts en France par les monuments de M. Herbé, ni des Trésors de nos églises, par MM. Tarbé et Maquart, ni même des premières livraisons de Dom Marlot, annotées par MM. Nanquette, Monnot des Angles, Bandeville et Gobet.

Parmi les plus zélés explorateurs des temps anciens de la Champagne, doit se placer d'abord M. L. Paris, qui nous a donné, avec les manuscrits de Lacourt, des notes dont, malheureusement pour le savant chanoine, l'intérêt fera peut-être trop oublier le texte.

Dans cette charmante édition, qui semble sortie des presses d'Elzevir (1), l'orthographe du mot Reims se trouve irrévocablement résolue par la proscription de la lettre h, introduite dans Reims au temps de la Renaissance.

Fidèle aux vraies traditions historiques, l'Académie avait, dès son origine, adopté, pour toutes ses publi

(1) A Reims, chez L. Jacquet, imprimeur de l'Académie.

cations, la véritable orthographe émanée des plus anciens monuments, convaincue que, malgré la lettre de sa devise, servare et augere, elle devait ici conserver sans augmenter.

Notre collègue nous a donné, en outre, une notice sur l'église de St-Trézain d'Avenay. C'est à l'anathême fulminé par S. Trézain, le patron d'Avenay, contre les habitants d'Ay, que M. Paris attribue leur chute dans le schisme de la huguenoterie; c'est aux divisions intestines créées par cet anathême entre les gens d'Ay, les messieurs de Mareuil et les... d'Avenay(je passe sous silence, par respect pour l'assemblée, l'épithète donnée par la légende aux habitants d'Avenay), c'est, dis-je, à ces divisions, que l'auteur rapporte ce refrain, qu'on entend encore chanter tous les jours dans le canton, et qui donne une idée de la poésie locale à cette époque :

Parpaillot d'Ay,

T'es bien misérable;
T'as quitté ton Di

Pour servir le diable!

Tu n'auras ni chien ni chat

Pour te chanter Libera,
Et tu mourras nian-chrétien,
Toi qu'a maudit saint Trézain.

Vers que je n'aurais osé reproduire ici, pas plus que le dicton populaire rappelé tout-à-l'heure, si la section d'histoire ne m'avait assuré que ces dernières expres sions, d'un état qui n'est plus, sont indispensables à l'intégrité des souvenirs du pays.

Nous avons reçu de M. Povillon-Pierrard des observations pleines d'intérêt, en réponse au mémoire de M. Dessain, sur l'achèvement de la cathédrale; des recherches précieuses sur la statistique historique

des paroisses du diocèse; et enfin deux mémoires sur les églises Saint-Jacques et Saint-André de Reims.

De M. Louis-Lucas, le catalogue général et particulier dressé par M. Lucas-Dessain, de toutes les médailles romaines trouvées à Lapion en 1820, et à Trigny en 1821.

De M. Duquenelle, un rapport sur deux médailles gauloises en or, trouvées à Cambrai par M. Failly, membre correspondant, et le catalogue raisonné de 1,960 médailles romaines, en argent et billon, trouvées à Reims en Novembre 1843, et dont l'enfouissement datait de l'an 226 de l'ère chrétienne.

De M. Ponsinet, membre correspondant à la FertéAleps, plusieurs fragments historiques sur Claude de Liége, président aux traites foraines de Ste-Menehould; sur le château de Grandpré, l'un des plus anciens monuments de notre province de Champagne ; sur l'église St-Médard de Grandpré, qui remonte au XII siècle, cette époque de transition où l'art chrétien s'emparait de l'ogive et s'essayait, jusque dans les plus humbles villages, à ces chefs-d'œuvre édifiés par des mains inconnues.

Enfin, comme l'œuvre la plus importante, sans contredit, par la haute impulsion qu'elle donnera et qu'elle a déjà donnée à l'archéologie, il faut rappeler l'instruction adressée par Mgr l'Archevêque à tous les curés de l'arrondissement de Reims et du département des Ardennes. Excitées en même temps par le précepte et par l'exemple, ces nouvelles études, outre qu'elles seront, pour les pasteurs des campagnes, un sujet des plus instructifs délassements, protègeront beaucoup d'anciens chefs-d'œuvre contre les dégradations amenées par l'incurie, contre les réparations infligées par

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