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jette dans la nécessité de craindre encore plus : c'est un conseil digne de votre sagesse et de votre amitié. Mais soyez persuadé que s'il est certain que c'est un des principaux attributs de votre caractère, de ne vous livrer jamais à la crainte, et de ne vous troubler de rien, j'approche beaucoup de la même vertu. Ainsi, je ne redouterai rien, et je m'armerai de précaution contre tout. Cependant ne puis-je pas dire, mon cher Brutus, que ce serait désormais votre faute si je craignais quelque chose 97? Quand je serais d'un caractère plus timide, il ne peut me rester aucune crainte avec votre secours et sous votre consulat 98, surtout lorsque personne n'ignore que vous m'aimez tendrement.

J'approuve beaucoup les vues que vous me communiquez au sujet des quatre légions, et sur la distribution des terres au nom de César et de vous. Quelques uns de nos collègues 99 étaient déjà fort affamés de cette commission; mais j'ai détruit leurs plans, et je l'ai fait réserver tout entière pour votre arrivée. Si j'ai à vous apprendre quelque chose de plus secret et qui doive être caché, comme vous le dites, je vous enverrai quelqu'un de mes gens, afin qu'il n'y ait rien à risquer pour mes lettres. Le 4 de juin.

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LETTRE XXII.

M. T. C. A D. BRUTUS, IMP., S.

Rome, mai 710.

Je suis lié fort étroitement avec Appius Claudius 100 fils de C., et notre liaison est cimentée par un grand nombre de services mutuels. Je vous prie instamment, soit pour l'honneur de votre propre générosité, soit pour l'amour de moi, d'employer à son

Volo, te, quum fortissimus vir cognitus sis etiam clementissimum existimari. Magno tibi erit ornamento, nobilissimum adolescentem beneficio tuo esse salvum. Cujus quidem causa hoc melior debet esse, quod pietate adductus, propter patris restitutionem,' se cum Antonio conjunxit. Quare etsi minus veram causam habebis, tamen vel probabilem aliquam poteris inducere. Nutus tuus potest hominem, summo loco natum, summo ingenio, summa virtute, officiosissimum præterea, et gratissimum, incolumem in civitate retinere. Quod ut facias, ita a te peto, ut majore studio, magisve ex animo petere non possim.

EPISTOLA XXIII.

D. BRUTUS M. T. C. S. P. D.

Nos hic valemus recte; et, quo melius valeamus, operam dabimus. Lepidus commode de nobis sentire videtur. Omni timore deposito, debemus libere reipublicæ consulere. Quod si omnia essent aliena, tamen tribus tantis exercitibus, propriis reipublicæ, valentibus, magnum animum habere debebas, quem et semper habuisti, et nunc fortuna adjuvante augere potes. Quæ tibi superioribus litteris mea manu scripsi, terrendi tui causa homines loquuntur. Si frenum momorderis, peream, si te omnes, quot sunt, conantem loqui ferre poterunt. Ego, tibi ut antea scripsi, dum mihi I Me. 2 Poterint.

2

salut votre crédit, dont je connais la puissance. Votre valeur est célèbre : je veux que votre clémence ne le soit pas moins. Il vous sera glorieux d'avoir sauvé un jeune homme de cette noble famille. Sa cause doit être d'autant plus favorable, que c'est la tendresse filiale qui l'a porté à se joindre avec Antoine, dans la vue d'obtenir le rétablissement de son père. Ainsi, quand vous n'auriez pas de véritable raison, il vous sera facile d'en donner une vraisemblable. Vous pouvez, d'un signe, retenir à Rome, dans une situation tranquille, un homme de la première naissance, d'un esprit distingué, d'une vertu rare, et d'ailleurs aussi officieux que reconnaissant. Je vous demande cette grâce avec tout le zèle et toute l'affection dont je suis capable.

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LETTRE XXIII,

D. BRUTUS A M. T. C., S.

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Nous sommes ici dans une fort bonne situation, et je travaillerai à la rendre encore meilleure. Lépidns marque d'assez favorables sentiments pour nous. Loin de nous toute crainte, ne songeons qu'à la patrie. Quand Lépidus nous abandonnerait entièrement, trois puissantes armées '0', qui sont dévouées à la république, doivent vous inspirer du courage. Vous n'en avez jamais manqué, et la fortune même doit vous rassurer anjourd'hui. Tout ce que je vous ai marqué de ma propre main, dans ma dernière lettre 102, n'était que des bruits inventés pour vous effrayer. Si vous prenez une fois le mors aux dents, je veux mourir si tous, autant qu'ils sont, peuvent soutenir les premiers sons de votre voix. Ma résolution est toujours, comme

a te litteræ veniant, in Italia morabor. 11x kal.

jun. Eporedia.

EPISTOLA XXIV.

CICERO D. BRUTO S. P. D.

NARRO tibi: antea subirascebar brevitati tuarum litterarum. Nunc mihi loquax esse videor. Te igitur imitabor. Quam multa, quam paucis? Te recte valere, operamque dare, ut quotidie melius; Lepidum commode sentire; tribus exercitibus quidvis nos oportere confidere. Si timidus essem, tamen ista epistola mihi omnem metum 'abstersisses. Sed, ut mones, frenum momordi. Etenim qui, te incluso, omnem spem habuerim in te, quid nunc putas? Cupio jam vigiliam meam, Brute, tibi tradere; sed ita, ut ne desim constantiæ meæ. Quod/ scribis, in Italia te moraturum, dum tibi litteræ meæ veniant si per hostem licet, non erraris. Multa enim Romæ. Sin adventu tuo bellum confici potest, nihil sit antiquius. Pecunia expeditissima quæ erat, tibi decreta est. Habes amantissimum Servium. Nos non desumus. 211x idus junias.

Al. codd. habent abstersisset. 2 Al. addunt more suo, Vale, atque habent vi kal. jun.

je vous l'écrivais, d'attendre vos lettres pour sortir d'Italie. Le 25 de mai, à Éporédia.

LETTRE XXIV.

CICERON A D. BRUTUS, S.

Rome, juin 710.

Il faut vous le dire; je murmurais, jusqu'ici, de voir vos lettres si courtes; mais il me semble à présent que je ne suis qu'un babillard. Je veux vous imiter. Peut-on renfermer plus de choses en moins de mots? Votre situation est bonne; vous travaillez tous les jours à la rendre meilleure; Lépidus est dans des dispositions favorables; il n'y a rien qu'on ne doive se promettre de trois armées. Quand je serais un homme timide, votre lettre aurait dissipé toutes mes craintes. Mais j'ai pris le mors aux dents, comme vous m'y exhortez. Quelle doit être aujourd'hui ma confiance, moi qui avais mis en vous tout mon espoir, quand vous étiez enfermé dans Modène! Je veux, mon cher Brutus, que vous me releviez de sentinelle 103 mais à condition que je veillerai toujours. Vous n'attendez que mes lettres, dites-vous, pour quitter l'Italie. Fort bien, si l'ennemi le permet; car il se passe bien des choses à Rome. Mais si votre arrivée peut terminer la guerre, n'hésitez pas. On vous a destiné, par un décret, tout l'argent dont on a pu disposer. Servius 104 vous sert en ami zélé. Ne croyez pas que je vous oublie. Le 6 de juin.

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