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vais penser plus long-temps à le joindre, ni exposer à deux armées réunies une armée remplie de fidélité, un grand nombre d'auxiliaires, l'élite des Gaulois, toute la province. J'ai compris, dis-je, que risquer de périr dans cette entreprise c'était perdre la république avec moi, et me rendre indigne, non seulement du moindre honneur, mais de la moindre pitié après ma mort. Je retournerai donc, pour ne point donner de si grands avantages à des misérables. J'aurai soin de faire occuper de bons postes à mon armée; et quand l'autre se déclarerait rebelle, je m'efforcerai de défendre et de garder ma province, jusqu'à ce que vous m'ayez envoyé de nouvelles troupes, et que vous vengiez ici la république aussi heureusement qu'à Modène. Personne n'est plus disposé que moi, soit à combattre pour vous dans l'occasion, soit à soutenir un siége s'il en est besoin, soit à mourir si le hasard m'y expose.

Ainsi, mon cher Cicéron, je vous exhorte à faire ici passer promptement une armée, pour ne pas laisser à l'ennemi le temps de se fortifier, ni à nos gens celui de perdre courage. Si l'on se hâte autant qu'il le faut, ne doutez pas que les scélérats ne soient détruits, et que la république ne triomphe. Portez-vous bien, et continnez de m'aimer.

Dois-je faire des excuses pour mon frère, à qui la fatigue a causé une fièvre continue dont il est assez tourmenté? C'est un citoyen plein de courage et prêt à tout entreprendre. Le désir qu'il a de ne manquer nulle part à la république le ramènera bientôt à Rome*, quand ses forces le permettront. Je vous recommande toujours l'intérêt de ma gloire. Je n'ai rien à désirer, lorsque j'ai un ami tel que vous, un ami aussi res* Istuc, là où vous êtes.

mum mei, et, quod optavi, summæ auctoritatis. Tu videris, quantum et quando tuum munus apud me velis esse. Tantum te rogo, in Hirtii locum me subdas, et ad tuum amorem, et ad meam observantiam.

EPISTOLA XXII.

CICERO PLANCO.

IN te, et in collega omnis spes est, diis approbantibus. Concordia vestra, quæ senatui declarata litteris vestris est, mirifice et senatus, et cuncta civitas delectata est. Quod ad me scripseras de re agraria: si consultus senatus esset, ut quisque honorificentissimam de te sententiam dixisset, eam secutus essem: qui certe ego fuissem. Sed propter tarditatem sententiarum moramque rerum, quum ea, quæ consulebantur, ad exitum non pervenirent commodissimum mihi, Plancoque fratri visum est, uti eo, quod ne nostro arbitratu componeretur, quis fuerit impedimento, arbitror te ex Planci litteris cognovisse. Sed sive in senatusconsulto, sive in ceteris rebus desideras aliquid; sic tibi persuade, tantam esse apud omnes bonos tui caritatem, ut nullum genus amplissimæ dignitatis excogitari possit, quod tibi non paratum sit. Litteras tuas vehementer exspecto, et quidem tales, quales maxime opto. Vale.

pecté. Voyez vous-même ce que vous êtes porté à faire pour moi, et quel temps vous voulez choisir. Je me croirai heureux, si dans votre amitié et par mon attachement vous permettez que je succède 77 à Hirtius.

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TOUTES nos espérances, avec l'approbation des dieux, roulent sur vous et votre collègue 78. Vos lettres ont rendu témoignage au sénat de votre union: il en a ressenti une joie extrême, et Rome entière ne s'en réjouit pas moins. A l'égard des distributions de terres 79 dont vous m'aviez écrit, si le sénat en eût pris connaissance, j'aurais embrassé les opinions qui vous auraient été le plus honorables, et j'aurais même été le premier à les proposer; mais la lenteur des délibérations et l'embarras des conjonctures ayant retardé toutes les affaires, nous avons cru, Plancus votre frère et moi, qu'il fallait user du décret, tel qu'il est : Plancus n'aura pas manqué de vous écrire par la faute de qui il n'est pas conçu comme nous l'aurions désiré. Mais si vous y trouvez quelque chose à redire, ou dans toute autre occasion qui vous intéresse, soyez persuadé que, cher comme vous l'êtes à tous les honnêtes gens, il n'y a aucune sorte de distinction qu'on ne soit prêt à vous accorder. J'attends de vos nouvelles avec impatience, et je souhaite qu'elles soient conformes à mes vœux les plus ardents.

EPISTOLA XXIII.

PLANCUS CICERONI.

I

NUNQUAM mehercules, mi Cicero, me pœnitebit maxima pericula pro patria subire, dum, si quid acciderit mihi, a reprehensione temeritatis absim. Confiterer imprudentia me lapsum, si unquam Lepido ex animo credidissem. Credulitas enim error est magis, quam culpa; et quidem in optimi cujusque mentem facillime irrepit. Sed ego non hoc vitio pæne sum deceptus. Lepidum enim pulchre noram. Quid ergo est? Pudor me, qui in bello maxime est periculosus, hunc casum coegit subire. Nam, si uno loco essem, verebar, ne cui obtrectatorum viderer et nimium pertinaciter Lepido offensus, et mea patientia etiam alere bellum. Itaque copias prope in conspectum Lepidi Antoniique adduxi, quadragintaque millium pass. spatio relicto consedi, eo consilio, ut vel celeriter accedere, vel salutariter recipere me possem. Adjunxi hæc in loco eligendo, flumen oppositum ut haberem, in quo mora transitus esset; Vocontii sub manu ut essent, per quorum loca fideliter mihi pateret iter. Lepidus, desperato adventu meo, quem non mediocriter captabat, se cum Antonio conjunxit a. d. 1111 kal. junias; eodemque die ad me castra moverunt: viginti millia pass. quum abessent, res mihi nuntiata est. Dedi ope

Vel hic nisi legendum, vel supra, epist. 18, si uno

loco me tenerem.

LETTRE XXIII.

PLANCUS A CICERON.

Cularon, juin 710.

80

Je ne regretterai jamais, mon cher Cicéron, de m'être exposé aux plus grands dangers pour le service de la patrie, pourvu que, si le succès ne m'est pas favorable, on ne s'en prenne point à ma témérité. Je me reconnaîtrais coupable d'imprudence, si j'avais jamais pris une véritable confiance en Lépidus. Cependant la crédulité est moins une faute qu'une erreur, et les plus honnêtes gens sont ceux qui s'en défendent le moins. Mais je puis dire que ce n'est pas ce qui a failli de me tromper, car je connaissais Lépidus Sur quoi donc faire tomber le reproche? Sur un vain scrupule, toujours dangereux dans le métier de la guerre. Je craignais que, si je demeurais dans le même lieu, il ne parût à quelqu'un de mes ennemis que ma haine était trop opiniâtre contre Lépidus, et que je cherchais à nourrir la guerre par mon inaction. C'est dans cette idée que j'ai fait avancer mes troupes presque à la vue de Lépidus et d'Antoine, et que je me suis arrêté à quarante mille pas d'eux, pour m'assurer le pouvoir, ou de m'approcher promptement, ou de me retirer sans difficulté. A cette précaution j'ai joint celle de me poster au-dessous d'un grand fleuve, qu'on ne pouvait traverser qu'avec lenteur, et d'assurer ma marche, en ne m'éloignant pas du pays des Voconces, dont je connaissais la fidélité. Lépidus, désespérant de me voir arriver, comme il s'en était extrêmement flatté, s'est joint à Marc-Antoine le 29 de mai; et dès le même jour, ils ont fait marcher vers moi leurs troupes réunies: ils n'étaient plus qu'à vingt milles,

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