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De tous les Ouvrages que Cicéron composa sur l'élo quence, il n'en est point de plus beau que les Trois Dialogues de l'Orateur. L'intérêt naît tout à la fois, et de l'importance du sujet, et du mérite des interlocuteurs. L'orateur romain avait passé sa vie au barreau et dans l'administration des affaires de la république, lorsqu'il écrivit ces Dialogues.

Quelle distance d'un traité de rhétorique, rédigé dans la formé usuelle et méthodique, et tel qu'un maître le dicte à des écoliers, à cette conversation si noble et si imposante établie par Cicéron! Quelle manière plus heureuse de donner une grande idée de son art, que de représenter les premiers hommes de la république, des personnages consulaires, tels qu'Antoine et Crassus, et son gendre Scévola, grandpontife, et la lumière du barreau pour la jurisprudence, employant le loisir et le repos de la campagne pendant le peu de jours de liberté que leur laisse la solennité des jeux publics, à s'entretenir sur l'éloquence, en présence de deux jeunes gens de la plus grande espérance, Lucius Cotta et Servius Sulpicius, qui pressent ces grands hommes de leur révéler leurs idées et leurs observations sur cet art, dont ils ont été depuis long-temps les modèles! Tel est l'entretien que Cicéron suppose avoir eu lieu, lorsqu'il était

à peine sorti de l'enfance, environ cinquante ans avant le temps où il écrit, et lui avoir été rapporté par Cotta. C'est un effort de mémoire qu'il prétend faire en faveur de son frère Quintus, qui lui avait demandé ses idées sur l'éloquence. Il est probable qu'en effet cette conversation n'était pas tout-à-fait une supposition; que Cotta en avait parlé à Cicéron, et lui en avait rapporté les principaux résultats; que celui-ci, dans la suite, saisit l'occasion de travailler sur un fonds qui lui avait paru intéressant et riche, et que le prince des orateurs romains, quelque droit que lui donnassent la vieillesse et la gloire (il avait alors soixante-un ans) de dicter les leçons de son expérience et les lois de son génie, aima mieux se dérober au danger de s'ériger en législateur, et préféra de se mettre à couvert sous la vieille autorité de deux maîtres fameux, qui avaient été ayant lui les premiers organes de l'éloquence romaine.

Il est à remarquer que Scévola, l'un des interlocuteurs du premier Dialogue, n'est point présent au second; et il paraît que Cicéron l'a écarté à dessein, parce qu'il ne convenait pas qu'on fît un traité sur la plaisanterie, en présence d'un homme aussi grave qu'un grand-pontife. Ces sortes de bienséances sont soigneusement, observées par les anciens; et Cicéron surtout, qui ne recommande rien tant à l'orateur que l'exacte observation des convenances de toute espèce, avait trop de délicatesse et de goût pour y manquer.

Telle est, sur cet ouvrage de Cicéron, l'opinion d'un homme qui mérita d'être regardé comme un nouveau Quintilien *, et dont je viens d'emprunter les propres expressions, et qui nous a laissé une trèsjudicieuse analyse de ce Traité.

Les Dialogues de l'Orateur furent traduits en français par Cassagne, en 1673; M. Desmeuniers en donna une nouvelle traduction en 1783. Je ne dissimule point l'une et l'autre m'ont été de quelque secours, en que composant celle que j'offre aujourd'hui au public. J'ai dû vaincre plus d'un obstacle, en traduisant les quatre Livres de la Rhétorique à Hérennius. Séduit par l'intérêt que m'inspira, de tout temps, la lecture des trois Dialogues, j'ai redoublé de zèle pour don ner la traduction de cet ouvrage admirable, espérant, je le dis avec franchise, trouver dans mon travail une sorte de récompense et un dédommagement de mes premiers efforts.

* La Harpe, Cours de Littérature ancienne et moderne, tom. 2, 1816, pag. 111 et suiv.

i. .

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1. CIC.

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I

COCITANTI

ANTI mihi sæpenumero, et me moria vetera repetenti, perbeati fuisse, Quinte frater, illi videri solent, qui in optima republica, cum et honoribus, et rerum gestarum gloria florerent, eum vitæ cursum tenere potuerunt, ut vel in negotio sine periculo, vel in otio cum dignitate esse possent. Ac fuit quidem, cum mihi quoque initium requiescendi, atque animum ad utriusque nostrum præclara studia referendi, fore justum et prope ab omnibus concessum arbitrarer, si infinitus forensium rerum labor, et ambitionis occupatio, decursu honorum etiam ætatis flexu, constitisset. Quam spem cogitationum et consiliorum meorum, cum graves communium temporum, tum varii nostri casus fefellerunt. Nam, qui locus quietis et tranquillitatis plenissimus Tempus illud, cum.

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