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faire couronner; qu'au lieu de traiter, il devait profiter des conjonctures pour s'unir étroitement avec le pape et la seigneurie de Venise, et régler le sort du duché de Milan (1). Gattinara conclut en disant qu'il fallait, ou relâcher le roi sans condition, ou le retenir toujours prisonnier (2).

Charles-Quint, nous l'avons déjà dit, n'avait rien tant à cœur que de voir la paix fermement établie dans la chrétienté (5). Il avait toujours déclaré que, la Bourgogne lui étant restituée, il mettrait en liberté le roi de France; on était parvenu à le convaincre que le roi ne serait pas obéi de ses sujets, s'il ordonnait cette restitution, sans être dans son royaume il voulut prouver à tout le monde qu'il n'avait que sa parole. Il ne pouvait se persuader, d'ailleurs, que François Ier, après avoir signé et juré le traité qui serait fait avec lui, ne l'exécuterait pas (4). En vain son grand chancelier insista de la manière la plus forte, lui disant que le passé devait l'éclairer sur l'avenir; que jamais les Français n'avaient observé les promesses faites à la maison de Bourgogne (5) : il enjoignit à ses ambassadeurs de passer outre. Telle était la nature de ce

(1) Sandoval, liv. XIV, § 2, p. 518. — Cicogna, Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 185.

Le sieur de Praet, ambassadeur de l'empereur en France, était assez de l'avis du chancelier Gattinara, ainsi qu'on peut le voir dans ses lettres publiées par M. Lanz, Correspondenz des Kaisers Karl V, I, passim.

(2) • El chanciller dixo resueltamente que ò le soltasse libremente, ò le tuviesse siempre preso y seguro. » (Sandoval, 1. c.)

(5) *...... Altro non bramava che pace in tutta la cristianità, » dit Andrea Navagero dans une dépêche du 11 décembre 1525, citée par M. Cicogna, p. 185.

(4) Sandoval, liv. XIV, § 2, p. 518.

(5) Cicogna, Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 185.

monarque, qu'il revenait difficilement sur ce qu'il avait une fois résolu (1).

Il y eut encore quelques débats au sujet des otages. L'empereur voulait avoir le dauphin, le duc d'Orléans et douze des personnages principaux de France à désigner par lui; le roi n'entendait donner que le dauphin seul, ou ses deux autres fils et douze jeunes gens appartenant aux familles les plus considérables de son royaume : après divers pourparlers, on convint que les otages seraient le dauphin et le duc d'Orléans, ou, à la place de ce dernier, si la régente le préférait, douze personnes qu'indiquèrent les plénipotentiaires impériaux (2).

Si Charles-Quint était ferme dans ses opinions, le chancelier Gattinara ne tenait pas moins obstinément aux siennes (5). Lorsque l'empereur lui ordonna de rédiger les articles du traité, il s'y refusa d'abord (4); il voulut

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(1) Le nonce Castiglione, qui était à sa cour à cette époque, écrivait à Rome : L'imperatore è giovine di xxvi anni, assai fermo nelle sue opi»nioni... » (Cicogna, p. 262.) Andrea Navagero mandait au doge, le 8 juin 1526, «< che l'imperatore, siccome padrone di tutto, voleva far a suo modo. » (Ibid., p. 190.)

Il y avait plusieurs années déjà que le caractère de Charles-Quint s'était manifesté sous ce rapport. Gérard de Pleine, seigneur de la Roche, l'un de ses conseillers, écrivait de Vitoria, le 14 janvier 1522, à l'archiduchesse Marguerite : « Il n'y a si grand ni si sage en son royaume qui lui fasse chan» ger son opinion, s'il ne lui semble que la raison doive la lui faire changer. . J'ai connu beaucoup de princes en divers âges; mais je n'en ai connu >> aucun qui disposât du sien plus absolument que lui. » (M. Théod. Juste, Charles-Quint el Marguerite d'Autriche, p. 155.)

(2) Cicogna, p. 183.

(3) «... Quando il gran cancelliere si metteva una fantasia in testa, era tanto fermo che alcuno non avrebbe potuto rimovernelo... » (Dépêche d'ândrea Navagero du 22 octobre 1525, citée par M. Cicogna, p. 181.)

(4) Cicogna, p. 185.

même se démettre de sa charge, et ne renonça à ce dessein, que parce qu'il en fut dissuadé par le cardinal Salviati (1).

Enfin, le traité ayant été couché par écrit et toutes ses dispositions bien débattues, on convint qu'il serait signé et juré à Madrid le 14 janvier, non-seulement par les plénipotentiaires des deux souverains, mais encore par le roi lui-même (2). La veille, François Ier, en présence de l'archevêque d'Embrun, du président de Selve et du baron de Bryon, protesta « qu'il ne pouvait et n'entendait faire > aucune chose contre l'honneur de Dieu, ni contre son > honneur, ni au préjudice et dommage de son royaume; » que le traité qu'il lui fallait signer au profit de l'empe» reur, il l'avait fait et le faisait pour éviter les maux et > inconvénients qui pourraient avenir à la chrétienté et » à son royaume; que c'était par force et contrainte, » détention et longueur de prison; que tout ce qui y était » convenu serait et demeurerait nul et de nul effet; que > son intention était de garder et poursuivre les droits de

la couronne de France, etc. Il fit dresser acte de cette protestation par les secrétaires qui se trouvaient auprès de lui (5).

(1) ... Il gran cancelliere, in mezzo a' trattamenti di pace colla Francia, sdegnato che le cose non passassero com' egli avrebbe voluto, deliberato aveva totalmente di partirsi da Cesare; pure avendo comunicato questo suo pensiero al legato e dimandato consiglio, questi lo dissuase. » (Cicogna, p. 185.)

(2) Dans sa protestation du 13 janvier, François Ier se plaint d'avoir été astreint à cette formalité, « combien que l'empereur ne fust tenu signer les » articles du traité, ne jurer entretenir et garder, jusques à ce que le roy eust baillé, et madame sa mère aussi, lettres de ratification, après que » ledit seigneur roy seroit en France, en sa liberté. • (Captivité de François Ier, p. 467.)

(3) Il est dans le recueil de Léonard, II, 210, dans le Corps diploma

Nous n'énumérerons pas toutes les stipulations du traité de Madrid (1). Nous dirons seulement que le roi cédait à l'empereur, en pleine souveraineté, le duché de Bourgogne, avec le comté de Charolais, les seigneuries de Nevers et de Château-Chinon, la vicomté d'Auxonne, le ressort de Saint-Laurent; que l'empereur s'obligeait à remettre le roi en son royaume le 10 mars au plus tard; qu'au même instant où il sortirait des terres d'Espagne, il devrait être échangé contre ses deux fils aînés, ou contre le dauphin et les douze personnages désignés à cet effet (2), au choix de la duchesse régente, lesquels resteraient en otage pour garantie de l'exécution du traité; que si, dans les six semaines qui suivraient sa mise en liberté, il n'avait pas accompli la restitution de la Bourgogne, ou si, dans les quatre mois, il n'avait pas fait ratifier et entériner le traité par les états généraux et les parlements de son royaume, il prenait l'engagement de retourner en quelque lieu que se trouvât l'empereur, pour y tenir prison de nouveau; qu'il renonçait, en faveur de l'empereur, à ses droits sur le royaume de Naples, le duché de Milan, les seigneuries de Gênes et d'Asti, la cité d'Arras, le Tournaisis, la ville et le bailliage d'Hesdin, ainsi qu'au ressort et souveraineté de la couronne de France sur les comtés de Flandre et d'Artois; que la reine Éléonore lui était donnée en mariage avec 200,000 écus de dot, outre les

tique de Dumont, t. IV, 1re partie, p. 410, et dans la Captivité de François Ier, p. 466.

(1) Voyez Dumont, Corps diplomatique, t. IV, 1re partie, p. 400.

(2) C'étaient le duc de Vendôme, le duc d'Albanie, le comte de SaintPol, M. de Guise, M. de Lautrec, M. de Laval, le marquis de Saluces, M. de Rieux, le grand sénéchal de Normandie, le maréchal de Montmorency, M. de Bryon et M. d'Aubigny.

comtés de Màconnais et d'Auxerrois et la seigneurie de Bar-sur-Seine; qu'il pardonnait au duc de Bourbon, de même qu'à tous ses adhérents, et les rétablissait dans leurs biens; enfin qu'il contractait une ligue offensive et défensive avec l'empereur, à la disposition duquel il mettrait son armée navale de la Méditerranée, lorsqu'il voudrait aller en Italie, et qu'il seconderait dans ses entreprises, tant contre les infidèles que contre les hérétiques aliénés du giron de la sainte Église.

VI.

Le 14 janvier 1526, un autel fut dressé dans la chambre du roi. L'archevêque d'Embrun y célébra la messe, en présence des plénipotentiaires. Le traité fut ensuite lu de mot à autre; puis le roi, et après lui les plénipotentiaires d'Espagne et de France, en vertu de leur mandat, firent serment, sur l'Évangile, entre les mains de l'archevêque, de l'observer dans toutes ses dispositions (1). Cette première cérémonie fut suivie d'une solennité plus imposante encore. Sur celle-ci les historiens français, anglais, italiens, gardent un silence absolu; Sandoval en fait mention, mais d'une manière si sommaire et en des termes si vagues, qu'on ne saurait, par ce qu'il dit (2), en apprécier

(1) Procès-verbal dressé par le secrétaire l'Allemand le 14 janvier, en copie, aux Archives du royaume, Collection de documents historiques, t. III, fol. 172. — Sandoval, liv. XIV, § 4, p. 545.

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(2) Voici comment il s'exprime : « El virrey de Nápoles tomó la fe y pleyto omenaje en sus manos al rey de Francia, en que, como príncipe y rey cristianissimo, prometia y dava su fe y palabra real de bolver á España dentro

» de seis meses, assí como era prisionero, si á caso no pudiesse cumplir lo » por él capitulado. Con cara alegre y con palabras risueñas dió el rey en

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