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CHAPITRE IV.

DÉLATION CONTRAIRE AU TESTAMENT.

§ 28.

Introduction.

Les auteurs allemands modernes donnent à cette matière le nom de Notherbenrecht ou Notherbfolge. BLUNTSCHLI, Erbfolge gegen den letzten Willen. Bonn, 1829. FRANCKE, Das Recht der Notherben und Pflichttheilsberechtigten. Goettingue, 1831. SCHROEDER, Das Notherbenregt. I. Heidelberg, 1877. MUEHLENBRUCH, continuation de GLUECK, Pandecten, vol. XXXV-XXXVIII. BOISSONADE, Histoire de la réserve héréditaire. Paris, 1873.

La loi des Douze Tables proclamait le droit du citoyen de disposer de son patrimoine à sa guise.

Pourvu que le testament remplît les conditions prescrites et que la volonté du testateur fût exprimée d'une manière légale et correcte, celui-ci savait en toute certitude qu'après sa mort ses ordres seraient observés rigoureusement; à l'abri des formes strictes que l'on connaît, il régnait une liberté testamentaire entière et absolue 1.

Tant que le testament était fait en comices curiates ou in procinctu, il n'y avait pas lieu d'établir des restrictions législatives; elles devinrent nécessaires quand le testament fut, dans sa forme, un acte privé. BOECKING, Institutionen des Römischen Civilrechts III, § 118.

Il est probable que le danger d'abus était, à l'époque où la loi fut promulguée et encore longtemps après, écarté ou, du moins, atténué par l'esprit de famille si sain et si fort qui est un des plus beaux traits de la Rome républicaine des premiers siècles.

Mais l'abus devait se produire. Il fallut restreindre cette liberté, qui n'avait plus le frein d'un sens moral austère, ni celui de l'amour paternel. On reconnut l'existence de certains motifs d'invalidation totale ou partielle, provenant non plus de la forme extérieure des dernières volontés, mais de leur contenu.

Le principe de la liberté fut conservé intact, en théorie, le plus longtemps possible. Mais on se demanda: Cette volonté que le testateur a manifestée, est-elle bien sa volonté consciente, sa volonté définitive, sa véritable dernière volonté? Et l'on fut amené à répondre non, toutes les fois que les dispositions du testateur se trouvaient n'être pas conformes à certaines exigences qui furent élevées et consacrées par le préteur dans son administration et dans son édit, et par les centumvirs dans leurs arrêts.

Je pense que, dès l'abord, il y a lieu de mettre à part le cas où le testateur avait passé sous silence un de ses sui, existant lors de la confection du testament. Il était libre de déshériter ce suus, qu'il pouvait, dans le principe, vendre et même tuer 2. Mais il ne devait

1 Paul rappelle ce droit et il a parfaitement raison, quoi qu'on en dise. Supra, § 4, 22, 23.

pas l'omettre pour dépouiller le suus de son expectative naturelle, il fallait un acte de volonté exprès.

D'ailleurs, un oubli aussi extraordinaire était de nature à faire douter du sérieux, de la consistance, de la lucidité de la volonté manifestée.

Il fallait annuler, tout au moins corriger cette volonté.

Ceci fut appliqué par le préteur à sa classe des liberi.

La question de la volonté se posait naturellement lorsqu'un enfant du testateur était né après la mort de son père, sans que celui-ci eût su la grossesse. Ce posthume n'était pas mentionné dans le testament; il l'aurait été sans doute s'il eût été déjà né lors de la confection. Devait-il pâtir de l'ignorance du testateur, dureté flagrante, préjudiciable aux intérêts de la famille ? De même, si le posthume était né du vivant du testateur, mais après la confection du testament; le testateur, il est vrai, aurait pu changer ce testament et il ne l'avait pas fait, mais on était certainement autorisé à douter que le testament représentât bien sa véritable volonté dernière. D'où la règle, reçue déjà du temps de Cicéron, que la naissance d'un posthume casse le testament agnatione postumi rumpi testamentum.

Enfin, si le testament exprime une dernière volonté contraire à l'affection qu'on doit supposer à toute personne raisonnable pour ses proches qui n'ont pas démérité, cette dernière volonté contraire à l'affection naturelle ne saurait être considérée comme sérieuse, et l'on

admet que, lorsqu'il l'a manifestée, le testateur n'avait pas ou n'avait plus la pleine jouissance de ses facultés. L'idée morale de l'affection naturelle est devenue prédominante sous les empereurs chrétiens; Justinien l'a consacrée directement et définitivement.

Le développement que nous venons d'indiquer a été lent et graduel. Les premières restrictions matérielles de l'antique liberté étaient du ressort de la morale plutôt que du ressort du droit. Avec le temps, elles sont devenues légales.

Les restrictions exposées dans les paragraphes qui suivent ne concernent pas, en général, le testament du militaire.

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ADOLF SCHMIDT, Das formelle Recht der Notherben. Leipzig, 1862. MUENDERLOH, Aus dem Rechte der Quiriten IV. MAYNZ, § 451, 452. ARNDTS, § 598. BRINZ, § 173-176. DANZ, § 161-179. KELLER, § 508-510. PUCHTA, § 486, 487. TEWES, § 126, 127. VANGEROW, § 468-473. VERING, p. 376. WINDSCHEID, § 575-577.

1. Les personnes qui étaient sui du testateur au moment de la confection du testament devaient être ou bien instituées en bonne et due forme, rite instituti, ou bien exhérédées en bonne et due forme, rite exheredati.

Cette règle est ancienne, autant peut-être que le testament privé, dont elle est, en quelque sorte, la justification à l'égard de la famille.

L'institution pouvait ne porter que sur une part minime. En principe, elle ne pouvait pas être conditionnelle, sauf toutefois la condition si voluerit; plus tard, on admit qu'il y avait exhérédation si la condi

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