aux chofes connues une agréable tour,, nure. Il eft impoffible, à nous qui vivons dans les derniers fiécles du monde, de "" faire des obfervations fur la critique, fur la morale, & fur aucun art & au cune fcience qui n'ayent pas été touchées nos devanciers. par Il ne nous refte qu'à repréfenter les fentimens du genre-humain, d'un tour nouveau, d'une maniere noble & d'une expreffion vigoureufe & pathétique. Examinons l'Art poëtique d'Horace; nous n'y trouverons que très peu de préceptes, dont Ariftote n'ait pas parlé, & que prefque tous les Poëtes du fiécle d'Augufte ignoraffent. Nous devons admirer dans un Auteur fa façon d'exprimer & d'appliquer les préceptes, & non fon invention. Rien ne doit donc tant rebuter que les Ouvrages de ces critiques, qui rendent leurs prétendus oracles d'un style dog matique, d'un langage de pédant, fans génie, fans imagination. Tout Lecteur curieux de s'inftruire du ftyle que les meilleurs critiques latins ont employé, & de leur maniere d'écrire, touvera leur méthode élégamment tracée dans l'effai dont nous parlons; qu'il y life les carac teres d'Horace, de Petrone, de Quintilien & de Longin. Puifque j'ai fait mention du célébre Longin, dont le traité fur le fublime fe trouve heureufement femé d'exemples de ces grandes beautés, & qui nous a donné dans fes reflexions la même espece de fublime qu'il a obfervé dans les divers paffages qui les ont occafionnées; je ne puis m'empêcher de remarquer que notre Auteur Anglois a fait de même ufage des exemples fur plufieurs de fes préceptes. J'en donnerai deux ou trois dans ce genre. Parlant de l'infipide fimplicité dont plufieurs Lecteurs font enthousiasmés fans raison, il nous donne les vers fui vans. These equal fyllables alone require, وو Ces fortes de vers n'exigent que des ,, fyllabes égales quoique l'oreille foit ,, fouvent fatiguée par l'hiatus des voyel,, les, tandis que les expletives viennent ,, prêter leur foible fecours, & dix mots ,, rampans fe gliffent fouvent en une feule ligne infipide. L'hiatus des voyelles dans la feconde ligne des vers Anglois; l'expletive do dans la troifiéme; & les dix monofyllabes dans la quatriéme, relevent tellement la beauté & l'élegance de ce paffage, qu'il auroit été admiré & donné comme ino dele, s'il fe fût trouvé dans un ancien Poëte. Les vers fuivans font du même goût. A needleff Alexandrine ends the fong, 'Tis not enough no harshneff gives offence, But when loud furges lash the founding shore, The hoarfe rough verfe shou'd like the tor rent rore. When Ajax ftrives fome Rock's vaft weigth to throw, The line too labours, and the words move slow; Not fo'when swift Camilla fcours the plain, Flies o'er the unbending corn, and skims along the main. Un Alexandrin finit le chant d'une façon inutile, & tire lentement fa longueur après foi, de même qu'une coufeuvre bleffée..... Il ne fuffit pas que nul fon dur ne rebute l'oreille; il faut principalement que le fon faffe écho avec le fens. Le vers eft doux quand zéphir fait fentir fon aimable haleine; il coule, quand le ruiffeau répand fon onde fans force & fans frémiffement; le vers dur & enroué doit mugir, quand les vagues d'un torrent en fureur fe brifent & couvrent d'écume le rivage; le vers fatigua, & fon mouvement eft lent & effou. flé, quand Ajax s'efforce de lancer le poids énorme d'un rocher qu'il arrache; il n'eft pas de même, quand il peint la legere Camille volant fur la glace unie des ondes, & courant deffus les épis de bled fans les faire plier; elle ne fait qu'effleurer la furface des flots dans la rapidité de fa course. Ces deux beaux vers fur Ajax me rappellent une defcription dans l'Odiffée d'Homere, dont aucun critique n'a fait mention. Sifiphe eft représenté grimpant à contremont, & roulant avec effort un quartier de rocher vers le fommet d'une montagne; la pierre touche à peine au but, qu'elle roule & fe précipite en bas. Les pieds des vers expriment admirablement bien le double mouvement de la pierre. Dans les quatre premiers vers, plufieurs fpondées entremê lés des endroits propres à respirer, peignent la pierre pouffée avec peine vers le fommet de la montagne: l'action de fa chûte rapide s'exprime en une ligne continuée de dactyles. Voici le paffage tiré de l'onzième Livre de l'Odiffée. Καὶ μην Σίσυφον εἰσεῖδον, κρατερ' αλγε έχοντας Η τοι ὁ μὴν σκηριπτομενος χερσίν τε ποσίν τεν Odiff. Lib. XI. Je tournai les yeux & je vis un trifte fpectacle: c'étoit l'ombre du malheureux Sifiphe. D'un pas fatigué & avec de profonds élans, il roule au haut d'une montagne une pierre d'une groffeur énorme. La pierre repouffée avec un rebond fe précipite avec un fracas femblable au tonnere, jufqu'au bas de la vallée qu'elle couvre d'une épaiffe fumée. Ce feroit ne pas vouloir finir, que de vouloir citer tous les vers de Virgile, dont l'harmonieufe cadence renferme cette beauté de caractere: je me réserve cependant dans la fuite à en faire remarquer quelques-uns, qui ont échappé aux obfervations de tous les autres critiques. Je terminerai ce difcours, en faifant obferver que nous avons trois Poëmes dans notre langue, qui font de la même efpece dont nous parlons, & dont chacun est un chef-d'œuvre en fon genre. Ces trois Poëmes font Effai fur les vers traduits, Ellai fur la critique, Effai fur l'art poëtique. |