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OUVRAGES DIVERS.

DISSERTATION CRITIQUE

SUR JOCONDE [a].

MONSIEUR,

A M. B*** [b].

Votre gageure est sans doute fort plaisante, et j'ai ri de tout mon cœur de la bonne foi avec la

[a] On ne sait pas au juste à quelle époque Despréaux composa cette dissertation, qu'il n'a jamais comprise dans ses œuvres: il regrettoit d'avoir employé sa plume à discuter le mérite d'une pièce de ce genre. Comme, suivant Brossette, les traductions de l'aventure de Joconde, par La Fontaine et Bouillon, parurent l'une et l'autre en 1663; comme le journal des savants parle, en janvier 1665, des paris ouverts sur la gageure à laquelle ces deux traductions avoient donné lieu, sans faire aucune mention du jugement porté par Despréaux, il est au moins très probable que ce dernier ne le prononça ni avant l'année 1663, ni après l'année 1665. Brossette l'inséra dans son commentaire en 1716, et les autres éditeurs suivirent son exemple.

[b] La critique de Despréaux se trouve, sans nom d'auteur, dans les premières éditions des Contes de La Fontaine, avec ce titre: Dissertation sur la Joconde, à M. B***. Brossette substitue à la lettre initiale B le nom de l'abbé Le Vayer, à qui la satire IV est adressée. Saint-Marc présume que le B initial signifie Boutigni, c'est-à-dire, Fran

quelle votre ami soutient une opinion aussi peu raisonnable que la sienne [a]. Mais cela ne m'a

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çois Le Vayer de Boutigni, maître des requêtes, auteur du roman de Tarsis et Zélie, cousin de l'abbé Le Vayer. « Ce dont il s'agit ici convient mieux, dit-il, à ce M. de « Boutigni, qu'à Rolland Le Vayer de Boutigni, de la mê« me famille, lequel étoit aussi maître des requêtes, et << mourut intendant de Soissons en 1689; personnage grave, « auteur de différents ouvrages estimés sur des matières de « droit public et de droit civil, dont beaucoup ne sont en« córe que manuscrits. » Ces détails ne méritent pas une entière confiance. L'abbé Goujet, qui paroît avoir eu des rapports avec les parents de l'intendant de Soissons, le fait mourir en 1685, et non en 1689; il met au nombre de ses productions Tarsis et Zélie, roman héroïque, 1659 [a].

Saint-Marc prétend que la dissertation de Despréaux fut imprimée, pour la première fois, dans l'édition des Contes de La Fontaine, qui parut en 1665. M. Daunou adopte cette assertion; mais M. Walckenaer, à qui l'on doit des recherches très étendues sur ce fabuliste et sur ses ouvrages, affirme que cette dissertation fut insérée d'abord dans l'édition des Contes faite à Leyde en 1668, sans l'aveu de La Fontaine [6]. Il paroît aussi que ce dernier ne publia Joconde qu'en 1664 avec la Matrone d'Éphèse.

[a] Cet ami, suivant Brossette, étoit un M. de Saint-Gilles, <«< homme de la vieille cour, d'un caractère singulier;

[a] L'article rédigé par l'abbé Goujet dans le supplément au dictionnaire de Moréri, est copié dans l'avertissement du Traité de l'autorité des rois, touchant l'administrution de l'église, par Le Vayer de Boutigni, in-12, 1753.

[b) Histoire de la vie et des ouvrages de J. de La Fontaine, par C. A Wałckenaer, membre de l'Institut, in-8°, 1820, page 379.

point du tout surpris: ce n'est pas d'aujourd'hui que les plus méchants ouvrages ont trouvé de sincères protecteurs, et que des opiniâtres ont entrepris de combattre la raison à force ouverte. Et, pour ne vous point citer ici d'exemples du commun, il n'est pas que vous n'ayez ouï parler du goût bizarre de cet empereur [a], qui préféra les

« c'est lui que Molière a peint dans son Misanthrope, acte II, « scène V, sous le nom de Timante. »

ne

C'est, de la téte aux pieds, un homme tout mystère,
Qui vous jette, en passant, un coup d'œil égaré,
Et sans aucune affaire est toujours affairé.
Tout ce qu'il vous débite en grimaces abonde,
A force de façons, il assomme le monde.
Sans cesse il a tout bas, pour rompre l'entretien,
Un secret à vous dire, et ce secret n'est rien.
De la moindre vétille il fait une merveille,
Et, jusques au bonjour, il dit tout à l'oreille.

Ce personnage, qui se donnoit une importance si ridicule, doit pas être confondu avec Saint-Gilles, sous-brigadier des mousquetaires, dont les vers annoncent un talent facile. Ce dernier réclama contre l'honneur qu'on lui faisoit d'attribuer quelques uns de ses contes à La Fontaine, quelques uns de ses couplets à madame Deshoulières; il s'ensevelit dans un couvent de capucins, pour avoir, dit-on, mal fait son devoir à la bataille de Ramillies.

[a] D'après Brossette, tous les commentateurs nomment Caligula; mais Suétone dit simplement que cet empereur vouloit anéantir les ouvrages d'llomère, de Virgile et de Tite-Live [a]. C'est Adrien qui, au rapport de Dion,

[a] Suétone, tome Ier, page 547, 1820, édition de Verdière.

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