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commencement de La Mort de Pompée, pour exagérer les vaines circonstances d'une déroute qu'il n'a point vue [a].

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ici que des expressions ampoulées du roi d'Égypte, pour les opposer à des mots sublimes de la plus grande simplicité. Il « fut le premier, dit Voltaire, qui fit connoître « combien ce commencement est défectueux. » Après avoir développé avec une excessive rigueur l'opinion du critique, le commentateur de Corneille ajoute avec équité: « Ces « défauts dans le détail n'empêchent pas que le fond de «< cette première scène ne soit une des plus belles exposi«tions qu'on ait vues sur aucun théâtre, etc. » ( OEuvres de P. Corneille, tome IV, page 182.)

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[a] Les additions que Saint-Marc a jointes à cette préface de Despréaux forment cent quatre-vingts pages, dans lesquelles il a rassemblé ce que plusieurs écrivains ont pensé sur le sublime. On y trouve un extrait, 1o du Discours de La Motte sur la poésie en général, etc.; 2o du Traité du Sublime, composé dès 1708 par Silvain, avocat, qui le fit imprimer en 1732; 3° des Réflexions sur l'ode, par Raimond de Saint-Mard, 1734; 4° des Réflexions sur la nature et la source du sublime, par le père Castel, jésuite, 1733. (Mémoires de Trévoux).

'Rollin, dans son Traité des études, démontre, avec sa modestie et sa politesse ordinaires, l'inexactitude de la définition du sublime donnée par La Motte. Celle que donne Silvain est exprimée avec la diffusion qui règne dans tout son ouvrage, et n'offre de satisfaisant que ce qu'il emprunte à Longin. Quoique cet avocat ait adressé son livre à Despréaux, il n'y combat pas moins son opinion sur le but que s'est proposé le rhéteur grec. Les réflexions de

Raimond de Saint-Mard sont très superficielles, et le style en est plein d'afféterie; c'étoit pourtant cet auteur qui reprochoit à Fontenelle d'être le corrupteur du goût. Quant aux réflexions du père Castel, elles sont d'un esprit vif et bizarre, peu capable de lier ses idées. La lecture des écrits de ce jésuite confirme assez ce qu'en dit Jean-Jacques Rousseau: « Le père Castel étoit fou, mais bon-homme au << demeurant, etc. » (Confessions, liv. VII. )

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Voici comment Saint-Marc définit à son tour le sublime: L'expression courte et vive de tout ce qu'il y a dans une «ame de plus grand, de plus magnifique et de plus su<< perbe. » Cette définition se rapproche plus que toutes les autres de celle de La Harpe, que nous avons rapportée page 341, note a. Elle ne laisse pas, suivant ce dernier, d'avoir du vague et des inutilités, puisque magnifique en cet endroit ne peut signifier que grand. D'ailleurs elle omet le pathétique, genre de sublime qu'il ne faut pas oublier, puisqu'il est celui que les hommes sentent le plus

vivement.

DU SUBLIME,

OU

DU MERVEILLEUX DANS LE DISCOURS,

traduit du grec DE LONGIN [a].

CHAPITRE PREMIER,

Servant de préface à tout l'ouvrage [b].

Vous savez bien, mon cher Térentianus, que

[a] Nous respecterons l'ordre établi par Despréaux, en plaçant au bas des pages ses notes marginales, et en renvoyant à la fin de sa traduction les remarques où il discute les difficultés du texte grec. Voyez sa préface, p. 367, sur le développement qu'il donne au titre de l'ouvrage. [b] « On pourra demander, dit La Harpe, comment l'ob« jet de ce traité peut donner matière au doute et à la discussion, puisqu'il semble que l'auteur a dû commencer « par déterminer d'une manière précise ce dont il alloit « parler. Le commencement de l'ouvrage va répondre à «< cette question. Il suffit d'avertir auparavant qu'il existoit « du temps de Longin un Traité du Sublime d'un autre «< rhéteur nommé Cécilius; traité qui a été entièrement << perdu, et qui ne nous est connu que par ce qu'en dit

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Longin. » (Cours de littérature, tome I", page 100.)

lorsque [a] nous lûmes ensemble le petit traité que Cécilius a fait du sublime, nous trouvâmes que la bassesse de son style répondoit assez mal à la dignité de son sujet; que les principaux points de cette matière n'y étoient pas touchés, et qu'en un mot cet ouvrage ne pouvoit pas apporter un grand profit aux lecteurs, qui est néanmoins le but où doit tendre tout homme qui veut écrire. D'ailleurs, quand on traite d'un art, il y a deux choses à quoi il se faut toujours étudier. La première est de bien faire entendre son sujet; la seconde, que je tiens au fond la principale, consiste à montrer comment et par quels moyens ce que nous enseignons se peut acquérir. Cécilius s'est fort attaché à l'une de ces deux choses: car il s'efforce de montrer par une infinité de paroles ce que c'est que le grand et le sublime, comme si c'étoit un point fort ignoré ; mais il ne dit rien des moyens qui peuvent porter l'esprit à ce grand et à ce sublime. Il passe cela, je ne sais pourquoi, comme une chose absolument inutile [b]. Après tout, cet auteur peut-être n'est-il

[a] Les éditions de 1674, 1675, 1683 portent : « quand

« nous lûmes ensemble.... »

[b] Voici le commencement du Traité du Sublime tel que La Harpe l'a traduit:

« Vous savez, mon cher Térentianus, qu'en examinant « ensemble le livre de Cécilius sur le sublime, nous avons « trouvé que son style étoit au-dessous de son sujet; qu'il

pas tant à reprendre pour ses fautes, qu'à louer pour son travail et pour le dessein qu'il a eu de bien faire. Toutefois, puisque vous voulez que j'écrive aussi du sublime, voyons, pour l'amour de vous, si nous n'avons point fait sur cette matière quelque observation raisonnable, et dont les orateurs puissent tirer quelque sorte d'utilité.

Mais c'est à la charge, mon cher Térentianus, que nous reverrons ensemble exactement mon ouvrage, et que vous m'en direz votre sentiment avec cette sincérité que nous devons naturellement à nos amis; car, comme un sage (1) dit fort bien, Si

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« n'en touchoit pas les points principaux; qu'enfin il n'at<< teignoit pas le but que doit avoir tout ouvrage, celui « d'être utile à ses lecteurs. Dans tout traité sur l'art, il « a deux objets à se proposer: de faire connoître d'abord ❝ la chose dont on parle, c'est le premier article; le second « pour l'ordre, mais le premier pour l'importance, c'est de « faire voir les moyens de réussir dans la chose dont on « traite. Cécilius s'est étendu fort au long sur le premier, «< comme s'il eût été inconnu avant lui, et n'a rien dit du « second. Il a expliqué ce que c'étoit que le sublime, et a ❝ négligé de nous apprendre comment on peut y parvenir. » (Cours de littérature, tome Ier, page 100.) Cette traduction, pour le sens, diffère en un seul endroit de celle de Despréaux. L'auteur du Lycée suit Péarce, qui croit que Longin n'a point voulu dire que le style de Cécilius avoit de la bassesse, mais qu'il étoit au-dessous du sujet.

(1) Pythagore. (Despréaux, édit. de 1674.) * Voy. les Hist.. diverses d'Élien, liv. XII, chap. LIX, 1772, page 402.

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