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rapporte de lui. Je [a] puis même nommer un des plus célèbres de l'académie d'architecture (1), qui s'offre de lui faire voir, quand il voudra [b], papiers sur table, que c'est le dessin du fameux M. Le Vau (2) qu'on a suivi dans la façade du Louvre; et qu'il n'est point vrai que'ni ce grand ouvrage d'architecture, ni l'observatoire, ni l'arc de triomphe, soient des ouvrages d'un médecin de la faculté. C'est une querelle que je leur laisse démêler entre eux [c], et où je déclare que je ne prends aucun intérêt, mes vœux même, si j'en fais quelques uns, étant pour le médecin. Ce qu'il y a de vrai, c'est que ce médecin étoit de même goût que monsieur son frère sur les anciens, et qu'il avoit pris en haine, aussi bien que lui, tout ce qu'il

« et le bâtiment de l'observatoire? Est-ce enfin parcequ'il ❝ avoit un goût et un génie universel pour tous les arts et « pour toutes les sciences? » (Lettre à M. D***, no XII. ) [a] « Je lui puis même nommer.... » ( édition de 1694. ) (1) M. Dorbay. (Despréaux.) * C'étoit un élève de M. Le Vau. [6] << démonstrativement et papiers sur table,.... " (édition de 1694.)

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(2) Louis Le Vau, premier architecte du roi, a eu la direction des bâtiments royaux, depuis l'année 1653 jusqu'en 1670, qu'il mourut âgé de 58 ans, pendant qu'on travailloit à la façade du Louvre. (Brossette.) * Voyez la note a, tome IV, page 255.

[c] Dans l'édition de 1694, la phrase finit par ces mots « démêler entre eux. » Le reste fut ajouté en 1701.

y a de grands personnages dans l'antiquité. On assure que ce fut lui qui composa cette belle défense de l'opéra d'Alceste, où, voulant tourner Euripide en ridicule, il fit ces étranges bévues que M. Racine a si bien relevées dans la préface de son Iphigénie. C'est donc de lui et d'un autre frère [a] encore qu'ils avoient, grand ennemi comme eux de Platon, d'Euripide et de tous les autres bons auteurs, que j'ai voulu parler, quand j'ai dit qu'il y avoit de la bizarrerie d'esprit [b] dans leur famille, que je reconnois d'ailleurs pour une famille pleine d'honnêtes gens, et où il y en a même plusieurs, je crois, qui souffrent Homère et Virgile.

On me pardonnera, si je prends encore ici l'occasion de désabuser le public d'une autre fausseté que M. Perrault a avancée dans la Lettre bourgeoise [c] qu'il m'a écrite, et qu'il a fait imprimer, où il prétend qu'il a autrefois beaucoup servi à un de mes frères [d] auprès de M. Colbert, pour

[a] Pierre Perrault, receveur-général des finances de la généralité de Paris, donna sa traduction de la Secchia rapita du Tassoni en 1678. C'est lui, et non son frère Claude Perrault, qui est l'auteur de la défense de l'opéra d'Alceste. Dans la préface de sa traduction il professe, sur les anciens et les modernes, toutes les opinions que Charles Perrault, son autre frère, a développées douze ans plus tard.

[b] Voyez le discours sur l'ode, par Despréaux, tome II. [e] C'est celle dont nous avons cité plusieurs passages, [d] Gilles Boileau, mort en 1669.

lui faire avoir l'agrément de la charge de contrôleur de l'argenterie. Il allègue pour preuve que mon frère, depuis qu'il eut cette charge, venoit tous les ans lui rendre une visite, qu'il appeloit de devoir, et non pas d'amitié. C'est une vanité dont il est aisé de faire voir le mensonge, puisque mon frère mourut dans l'année qu'il obtint cette charge, qu'il n'a possédée, comme tout le monde le sait, que quatre mois; et que même, en considération de ce qu'il n'en avoit point joui, mon autre frère [a], pour qui nous obtinmes l'agrément de la même charge, ne paya point le marc d'or, qui montoit à une somme assez considérable. Je suis honteux de conter de si petites choses au public; mais mes amis m'ont fait entendre que ces reproches de M. Perrault regardant l'honneur, j'étois obligé d'en faire voir la fausseté [b].

[a] Pierre Boileau de Puimorin, mort en 1683.

[b] « J'étois intime ami de M. votre frère, qui étoit de « l'académie françoise. Dans le temps qu'il faisoit agir ses << amis pour obtenir la charge de contrôleur de l'argenterie, << il me pria d'en parler à M. Colbert,.... La connoissance « que j'avois du bon cœur, de la probité et du désintéres<< sement de M. votre frère (voilà, Monsieur, comme je « parle de votre famille), fit que j'en répondis comme de « moi-même. La charge lui fut accordée, et rien n'est égal « à la reconnoissance qu'il m'en témoigna pendant toute sa « vie. Il venoit me voir à tous les commencements de l'an« née..... Il vouloit, par un excès d'honnêteté, que je re

RÉFLEXION II.

Notre esprit, même dans le sublime, a besoin d'une méthode pour lui enseigner à ne dire que ce qu'il faut, et à le dire en son lieu. (Paroles de Longin, chap. II.)

Cela est si vrai, que le sublime hors de son lieu, non seulement n'est pas une belle chose, mais devient quelquefois une grande puérilité. C'est ce qui est arrivé à Scudéri, dès le commencement de son poëme d'Alaric, lorsqu'il dit:

Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre.

Ce vers est assez noble, et est peut-être le mieux tourné de tout son ouvrage; mais il est ridicule de crier si haut, et de promettre de si grandes choses dès le premier vers. Virgile auroit bien pu dire, en commençant son Énéide: « Je chante ce « fameux héros, fondateur d'un empire qui s'est

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gardasse cette visite comme une visite de devoir, qui ne << devoit point être confondue avec les visites d'amitié que « nous nous rendions très fréquemment. Après sa mort. <«< sa charge a passé entre les mains de M. de Puimorin, « votre frère, et mon ancien ami. L'exercice de cette charge, « pendant une longue suite d'années, leur fut utile, et n'a « point diminué leur succession que vous avez recueillie." (Lettre à M. D***, no XIII.)

« rendu maître de toute la terre. » On peut croire qu'un aussi grand maître que lui auroit aisément trouvé des expressions pour mettre cette pensée en son jour; mais cela auroit senti son déclamateur. Il s'est contenté de dire : « Je chante cet homme

"

que

rempli de piété, qui, après bien des travaux, << aborda en Italie [a]. » Un exorde doit être simple et sans affectation. Cela est aussi vrai dans la poésie dans les discours oratoires, parceque c'est une règle fondée sur la nature, qui est la même par-tout; et la comparaison du frontispice d'un palais, que M. Perrault allégue pour défendre ce vers d'Alaric, n'est point juste [b]. Le frontispice d'un palais doit être orné, je l'avoue; mais l'exorde n'est point le frontispice d'un poëme. C'est plutôt une avenue, une avant-cour qui y conduit, et d'où on le découvre. Le frontispice fait une partie essentielle du palais, et on ne le sauroit ôter qu'on n'en détruise toute la symétrie; mais un poëme subsistera fort bien sans exorde, et même nos ro

[a] Cette traduction du commencement de l'Énéide est foible et peu exacte. En suivant l'original, on pourroit allier plus de noblesse à la simplicité qu'exige le début d'un poëme épique.

[b] « A-t-on jamais blâmé le frontispice d'un temple ou << d'un palais pour être magnifique, dit l'abbé, l'un des in« terlocuteurs? Si le palais n'y répond pas, c'est le palais « qu'il faut blâmer. » Tome III du parallèle, etc., p. 267.

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