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turelles, de leurs voyages, de leurs études. C'est dans cette Chancellerie qu'on leur communique les Actes publics, & qu'on les inftruit des affaires de la Nation. (a)

Le Roi de Dannemarck vient d'ordonner (b) que des jeunes Gens de diftinction affisteront aux Audiences du Tribunal fuprême de Dannemarck, en qualité d'Affeffeurs, afin qu'ils puiffent se rendre dignes d'exercer les Magiftratures dont par la fuite ils pourront être revêtus.

Les Nobles Polonois menent leurs enfans aux Diettines (c); & les Nonces (d), les leurs aux Diettes générales, pour les rendre capables de fervir un jour la République.

A Venise, où la politique eft l'affaire capitale de tous les Citoyens, l'instruction des Peres rend les enfans capables de gouverner. Les jeunes Nobles affiftent aux Confultations du Collége & aux Délibérations du Sénat feulement pour écouter. On les inftruit des affaires de l'Etat, & on leur fait fentir chaque jour, qu'ils font nés pour y avoir part. La Chambre fecrette, où font eonfervées les Dépêches des Ambassadeurs avec les Registres de la République, leur eft ouverte. Quelques jeunes Gentilshommes accompagnent les Miniftres de la République dans les Cours étrangeres, pour y faire l'apprentissage des emplois auxquels ils aspirent. Enfin aucun Noble ne parvient aux grandes Magiftratures, qu'après s'être acquitté des moindres, à la fatisfaction de ses Concitoyens (e),

En Allemagne, la Bulle d'or renferme des difpofitions fur

(4) 24 Art. de l'Election de 1718, confirmée par celles de 1720 & de 1743. (b) En 1749.

(c) Diettes des Palatinats.

(Députés aux Diettes générales de Pologne.

(e) Hift. du Gouvernement de Venife, par Amelot, pag. 24 de l'Edition de 1676. La Ville & la République de Venife, par Saint-Didier; & l'Ambassadeur & fes fonctions, par Wicquefort, pp. 176 & 177 du premier Volume, Edition de la Haye, 1724.

la maniere d'élever les Héritiers des Elc&eurs ; les Nobles s'appliquent à l'étude, même du Droit privé; les Comtes & les Princes de l'Empire ne dédaignent pas de s'en inftruire. Tous les Gentilshommes qui ne se destinent pas uniquement aux Armes, fouvent même ceux qui s'y destinent, paffent plufieurs années aux Universités, aux Académies, pour y apprendre l'Hiftoire & les Loix de leur Patrie. Il y a dans toutes les grandes Cours du Corps Germanique, une Chancellerie d'Etat, où les jeunes Gens font une étude réglée des affaires publiques, fous l'infpection générale du Chancelier, & fous la direction particuliere des Référendaires. Les Allemans ne deviennent enfin Négociateurs ou Miniftres d'Etat que par degrés, & qu'après s'être long-tems inftruits de l'Histoire, du Droit public, des intérêts des Princes, de la Politique.

Cent ouvrages fur le Gouvernement font publiés continuellement dans les Provinces-Unies, & ce qui s'imprime dans les autres Pays, eft toujours exactement réimprimé dans celui-là. Un Hollandois partage fes foins entre les intérêts de fon commerce & ceux de fa République. Il étudie tout ce qui a rapport au Gouvernement, & comme il eft souvent Député à l'Assemblée des Etats Généraux, il eft communément fort inftruit.

La connoiffance des principes du Gouvernement eft en Angleterre un objet commun à toutes les Profeffions: Les Députations aux Etats Généraux, qu'on appelle dans ce pays-là Parlement, mettent les perfonnes de tous les Ordres à portée de prendre part aux Affaires publiques; & l'intérêt que les Anglois ont de pofféder des connoiffances dont ils peuvent faire un usage avantageux à leur patrie ou à leur fortune particuliere, leur inspire une grande application pour les acquerir. Ils veulent obtenir des graces & jouer un grand rôle dans le Par

lement

lement, en fe rendant néceffaires au parti de la Cour, ou en fe distinguant dans celui qui lui eft oppofé. Il y a un fi grand nombre de Pairs dans la Chambre haute, la Chambre basse est composée de tant de Députés, ces Représentans de la Nation changent fi fouvent, & le defir de paroître avec éclat dans l'une ou dans l'autre Chambre, agit fi puiffamment fur le cœur de chaque Membre du Parlement, qu'il est comme impoffible que les Anglois n'ayent en général une grande connoiffance des matieres de Politique. Si l'Angleterre ne fournit pas à l'Europe des Ouvrages fyftématiques fur le Gouvernement comme font l'Allemagne & la Hollande, elle se fuffit au moins à elle-même. Des Feuilles volantes & d'excellentes Brochures inftruisent tous les Citoyens des droits & des intérêts de la Nation, non pas feulement toutes les années, tous les mois, mais toutes les femaines, tous les jours.

De grands Rois & des hommes mêmes qui commandoient à des Rois, n'avoient appris que des Philofophes politiques la science du Gouvernement, & ils y ont excellé. Caffandre fe faifoit donner des préceptes politiques par Theophrafte, & Sigebert par Fortunat. Pompée (a) qui avoit passé sa jeunesse dans le tumulte des armes, ignoroit le droit public ; il pria Varron de lui en compofer un Livre, & il fe rendit auffi excellent homme d'Etat par l'étude, qu'il s'étoit rendu grand Capitaine par l'exercice des armes. Charles V. qui a reçu de fon fiécle le furnom illuftre de fage, (&, ce qui eft beaucoup plus considérable, à qui la postérité l'a confirmé,) fe faifoit lire chaque jour quelque ouvrage fur le Gouvernement. (b) Le Grand Gustave-Aldophe avoit perpétuellement fous les yeux le Traité

Pompée & autres Chefs de la République Romaine.

(2) Voypte & autres Chefs du sonum viridarii.

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Exemples des Rois,

du Droit de la Guerre & de la Paix de Grotius. (a)

Dans le dixieme fiécle, l'Empereur Conftantin Porphyrogenète fit compofer des Pandectes politiques. (b) C'étoit une grande compilation où l'on voyoit rangé fous certains titres ce que Polibe, Nicolas de Damas, Denis d'Halicarnaffe, Diodore de Sicile, & d'autres Historiens avoient écrit sur ce fujet, afin que les hommes d'Etat puiffent s'inftruire facilement. Siune compilation de cette étendue n'eut pour objet que d'épargner aux Princes la peine de lire ces Hiftoriens, quel fruit ne pourrat-on pas efperer de la science du Gouvernement expliquée en entier ?

L'histoire nous repréfente le Conquérant Mogol du dernier fiécle, le fameux Orang-Zeb, dans un cercle de fçavans, donnant à sa Cour un spectacle bien digne d'attirer pendant quelques momens les regards. Ce Prince déplore l'éducation qu'on lui a donnée. Il trouve mauvais qu'on l'ait bornée à des minuties de grammaire & à une légere connoiffance de l'Indoustan de ses Villes, de fes Provinces, de fes revenus. Il marque un regret extrême qu'on lui ait laissé ignorer les mœurs, les Coutumes & les intérêts des Nations Etrangeres, les refforts de la politique, l'art de gouverner les Provinces, & les tempéramens de douceur & de févérité qu'il y faut garder. Le difcours de ce grand Prince fut diftribué dans tous les vastes Etats de fa domination. (c)

Ce fut par l'ordre du feu Roi, que le célébre Evêque de Meaux fit un Ouvrage fur le Gouvernement, pour l'instruction de Monseigneur le Duc de Bourgogne, (d) & ce Monarque (a) Lettre de Jerôme Bignon à Grotius, du 5 Mars 1632.

(b) Salinas, Proleg. in Jul.

(c) Voyages de Bernier, Histoire générale du Mogol, par Catrou. Paris, 1705. (d) Politique tirée des paroles de l'Ecriture Sainte, par Boffuet. Paris, 1709. in-4°.

avoit ordonné qu'il en fût compofé fur le même fujet un autre (a) d'où la flatterie feroit bannie. La vérité devoit y paroître dans toute fa pureté, & l'Ouvrage demeurer fecret pour tout autre que pour les trois enfans de France qui vivoient alors.

Quel poids la lumiere naturelle ne peut-elle pas ajouter à ces opinions des Anciens & des Modernes, à ces ufages des peu- blir la néceffité ples, à ces exemples des Rois !

Rien n'eft fi digne d'occuper la raison que la science du Gouvernement. Cette science a pour objet le bonheur public, & elle est la plus utile comme la plus noble des sciences humaines. On n'y trouve aucun principe dont on n'apperçoive l'application; & la théorie s'y tourne toujours en pratique. Sans cette science les Sujets ignorent des vérités & des principes qu'il leur importe de fçavoir; les Souverains ne peuvent appuyer leur conduite, ni les Miniftres leurs Confeils, fur des fondemens folides ; & ces mots de vertu, de raison, d'équité qu'ils prononcent si souyent, font des noms vuides de fens dans leur bouche.

Nous y apprendrons une vérité effentielle que les bons Rois ne perdent jamais de vûe. C'est que les fupériorités n'ont point leur fin en elles-mêmes ; que les Souverainetés n'ont été établies que pour l'avantage des Sujets ; & que la domination de la volonté d'un feul homme fur celle des autres hommes, n'eft jufte que parce qu'elle doit procurer leur bonheur. C'est des veilles du Souverain que doit naîrre le bonheur de plusieurs millions d'hommes confiés à ses foins, l'Agriculture, le commerce intérieur & extérieur, la manutention des Loix qui font le fondement d'un Etat, la discipline des Armées où réside toute sa puisfance, le Réglement des Finances qui le foutiennent, les né

(a) Voyez les pages 186, 187 & 188 de la Méthode tenue pour l'Education de Meffeigneurs les Ducs de Bourgogne, d'Anjou & de Berry, imprimée à la suite de l'Ouvrage énoncé dans la précédente note.

Autorité de la raifon, pour étad'étudier la fcience du Gouverne ment.

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